La cour administrative d’appel de Lyon a rendu, le 6 mai 2025, une décision précisant les contours de l’obligation de reclassement des agents des chambres de métiers. Un secrétaire général d’une structure départementale a vu son poste supprimé suite à une fusion au profit d’un établissement à l’échelle régionale. Le tribunal administratif de Grenoble avait initialement annulé son licenciement en retenant un manquement de l’employeur à son obligation de recherche de solutions de reclassement. La juridiction d’appel devait alors déterminer si l’existence d’emplois équivalents imposait une affectation automatique ou permettait l’organisation d’une procédure de sélection entre les agents. Elle a également examiné si le licenciement pour suppression d’emploi d’un cadre dirigeant devait respecter les garanties procédurales spécifiques au licenciement discrétionnaire. La cour infirme le jugement de première instance en considérant que l’administration n’était tenue qu’à une obligation de moyens pour reclasser son personnel. Elle valide la procédure de licenciement en déniant l’application d’un droit au préavis dans cette hypothèse particulière de suppression d’établissement.
I. La reconnaissance d’une obligation de reclassement de moyens au profit de l’employeur
L’article 42 du statut du personnel des chambres de métiers prévoit que les agents sont affectés, « dans toute la mesure du possible, à des emplois équivalents ». La cour considère que cette formulation n’instaure pas un droit automatique à une nomination sur les nouveaux postes créés après une fusion. Elle précise que l’employeur « n’était tenue qu’à une obligation de moyens et non de résultats » concernant le maintien des agents dans ses effectifs. Cette interprétation permet à l’administration de limiter sa responsabilité aux démarches réelles de recherche sans garantir l’aboutissement effectif d’un nouveau positionnement professionnel.
L’absence d’obligation de résultat se justifie notamment par la réduction globale du nombre de postes de cadres supérieurs constatée lors de la réorganisation administrative. Les magistrats lyonnais valident ainsi la possibilité de ne pas retenir une candidature si les postes disponibles sont moins nombreux que les agents à reclasser.
A. L’absence de priorité absolue d’affectation sur les emplois équivalents
L’agent évincé soutenait que la création de postes de directeurs territoriaux imposait sa nomination prioritaire en raison de ses anciennes fonctions de secrétaire général. La cour écarte ce raisonnement en soulignant qu’aucun texte « n’imposait que leur candidature soit prioritaire par rapport à celles des autres cadres supérieurs ». L’équivalence des diplômes ou des grades ne suffit pas à créer un droit à l’affectation immédiate lors d’une restructuration de grande ampleur. Les juges acceptent que la fusion puisse entraîner la disparition de la mission spécifique sans pour autant obliger à un maintien mécanique des responsabilités antérieures.
Cette solution préserve le pouvoir d’organisation du service public et la liberté de l’autorité administrative dans le choix de ses collaborateurs directs de haut niveau. La notion d’emploi équivalent s’apprécie donc au regard des capacités d’accueil de la structure et non comme un privilège intangible pour le titulaire.
B. La licéité d’une mise en concurrence objective entre les candidats évincés
L’administration peut légitimement organiser une procédure de sélection pour départager les agents dont les emplois ont été supprimés simultanément par le même acte. La cour affirme que l’employeur était fondé à « organiser une procédure pour l’examen des candidatures » dès lors qu’il ne pouvait reclasser tout le personnel. Une telle démarche ne constitue pas une rupture d’égalité mais une modalité rationnelle de gestion des ressources humaines dans un contexte de pénurie d’emplois. Les juges vérifient simplement que le processus de recrutement reste ouvert aux seuls agents à reclasser pour garantir l’équité de la procédure.
Le juge administratif refuse d’y voir une manœuvre ou une sanction déguisée tant qu’aucun élément matériel ne vient démontrer un détournement de pouvoir manifeste. La transparence des critères de sélection et l’information des candidats sur les vacances de postes suffisent à satisfaire aux exigences de loyauté contractuelle.
II. Une protection statutaire limitée face aux nécessités de la réorganisation administrative
Le statut des personnels prévoit des protections renforcées pour les secrétaires généraux, incluant notamment un préavis de six mois et l’accord préalable du bureau. La cour juge cependant que ces garanties sont réservées exclusivement au licenciement prononcé « à la discrétion du président » sur le fondement de la perte de confiance. Elle refuse d’étendre ce régime protecteur au licenciement pour suppression d’emploi qui relève d’une base juridique distincte et moins contraignante. L’indépendance des motifs de rupture du lien de travail entraîne ainsi une application différenciée des procédures de sortie de service pour les dirigeants.
Cette distinction stricte entre les motifs de licenciement limite considérablement les droits procéduraux des agents de direction lorsque la cause de l’éviction est purement institutionnelle. La sécurité juridique de l’acte administratif prime ici sur la protection sociale traditionnellement attachée aux fonctions de haute responsabilité.
A. L’exclusion du régime dérogatoire propre au licenciement discrétionnaire
L’agent invoquait les dispositions de l’article 45 du statut exigeant la mention de la date de consultation du bureau dans la lettre de licenciement. La juridiction d’appel rejette ce moyen en précisant que cet article « régit le licenciement du seul secrétaire général pour le seul motif tiré de la discrétion du président ». Le licenciement pour suppression de poste est régi par l’article 42-I qui ne contient pas de telles exigences formelles ou de délais spécifiques. La spécificité des fonctions de secrétaire général ne lui confère donc pas une protection universelle contre tous les modes de rupture du contrat.
La cour confirme que le licenciement fondé sur la restructuration des services obéit aux règles de droit commun applicables à l’ensemble du personnel de l’établissement. L’absence de mention d’un accord du bureau ou d’un entretien préalable spécifique ne saurait dès lors entacher la décision d’une quelconque illégalité externe.
B. L’inexistence d’un droit au préavis lors de la suppression de l’établissement
La décision de licenciement attaquée n’était assortie d’aucun délai de préavis, ce que le requérant considérait comme une méconnaissance d’un principe général du droit. La cour tranche en affirmant qu’aucun « délai de préavis minimum résultant d’un principe général du droit ne s’imposait » dans cette situation de suppression d’établissement. L’article 42 ne prévoit en effet qu’un délai de cessation de fonctions lié à la transmission de la décision à l’autorité de tutelle. Le juge refuse de combler ce qu’il ne considère pas comme une lacune mais comme un choix délibéré des auteurs du statut.
L’agent ne peut donc se prévaloir d’un préjudice financier lié à l’absence de délai de préavis, la rupture étant immédiate dès la notification de la suppression. Cette solution rigoureuse souligne la précarité du personnel statutaire de ces établissements publics lorsque leur existence même est remise en cause par le législateur.