Par un arrêt en date du 6 mars 2025, la cour administrative d’appel a été amenée à se prononcer sur la légalité d’un refus de titre de séjour opposé à une ressortissante étrangère. En l’espèce, une jeune femme de nationalité camerounaise, entrée en France à l’âge de dix-huit ans, a sollicité la délivrance d’un titre de séjour afin de poursuivre sa scolarité. L’autorité préfectorale a rejeté sa demande par un arrêté du 14 novembre 2023, assortissant cette décision d’une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. La requérante a alors saisi le tribunal administratif de Lyon, qui a confirmé la décision préfectorale par un jugement du 9 avril 2024. C’est dans ce contexte que l’intéressée a interjeté appel, soutenant notamment que la décision contestée méconnaissait son droit d’être entendue, son droit à l’éducation, les conditions de délivrance d’un titre en qualité d’étudiante, ainsi que son droit au respect de sa vie privée et familiale. La question qui se posait à la cour était donc de déterminer si le refus de séjour, fondé sur l’absence des conditions requises pour le statut d’étudiant, et l’obligation de quitter le territoire qui en découlait, portaient une atteinte excessive aux garanties procédurales et aux droits fondamentaux de la requérante. La cour administrative d’appel rejette la requête, considérant que l’administration a fait une juste application des textes applicables et que la décision n’a pas porté une atteinte disproportionnée à la situation personnelle de l’intéressée. L’arrêt illustre ainsi le contrôle rigoureux exercé par le juge sur les conditions objectives du droit au séjour (I), avant de procéder à une appréciation plus concrète des arguments tirés de la situation personnelle de la requérante (II).
I. Le contrôle rigoureux des conditions objectives du séjour
La cour administrative d’appel confirme la décision de l’administration en validant l’application stricte des conditions légales et conventionnelles requises pour l’obtention d’un titre de séjour (A), tout en précisant la portée du droit d’être entendu dans le cadre d’une telle procédure (B).
A. L’application stricte des conventions internationales et du droit au séjour étudiant
La juridiction d’appel rappelle d’abord que la situation de la requérante, de nationalité camerounaise, est régie par les stipulations de la convention franco-camerounaise du 24 janvier 1994. L’article 7 de cet accord subordonne la délivrance d’un titre de séjour pour études à la possession d’un visa de long séjour et à une inscription dans un établissement d’enseignement. La cour constate que l’intéressée ne remplit pas ces conditions cumulatives, soulignant qu’elle « ne conteste pas être dépourvue du visa de long séjour exigé par les stipulations précitées et ne poursuivre que des études secondaires en seconde professionnelle, qui ne lui confèrent pas la qualité d’étudiante ». Ce faisant, le juge administratif adopte une interprétation littérale des textes, considérant que la poursuite d’une formation au sein d’un lycée professionnel ne suffit pas à conférer la qualité d’étudiant au sens de la convention. Cette approche formaliste, fondée sur le principe de l’application des conventions internationales spécifiques, prime sur les dispositions générales du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile que la requérante invoquait également.
B. La portée limitée du droit d’être entendu en cas de décision liée
L’un des apports de la décision réside dans la clarification du droit d’être entendu, principe général du droit de l’Union européenne. La cour rappelle que ce droit s’applique lorsqu’une autorité nationale met en œuvre le droit de l’Union, ce qui est le cas pour une obligation de quitter le territoire français prise sur le fondement de la directive « retour ». Toutefois, elle en circonscrit la portée dans l’hypothèse où la mesure d’éloignement découle directement d’un refus de titre de séjour. Le juge énonce que « le droit d’être entendu n’implique alors pas que l’administration ait l’obligation de mettre l’intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la mesure d’éloignement, dès lors qu’il a pu être entendu avant que n’intervienne le refus de titre de séjour ». La cour considère que la procédure de demande de titre de séjour a permis à la requérante de présenter tous les éléments utiles à sa situation. Par conséquent, l’absence de nouvelle phase contradictoire spécifiquement dédiée à la mesure d’éloignement ne constitue pas une violation de ce droit, dès lors que cette dernière est la conséquence nécessaire de la première décision.
II. L’appréciation souveraine de la situation personnelle de la requérante
Après avoir validé la légalité externe et le bien-fondé objectif de la décision administrative, la cour examine les moyens tirés d’une atteinte aux droits fondamentaux de l’intéressée, en procédant à un contrôle de proportionnalité classique au regard de sa vie privée et familiale (A) et en écartant les autres arguments jugés non établis (B).
A. Le contrôle de proportionnalité de l’atteinte à la vie privée et familiale
La requérante invoquait une violation de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, arguant de la présence régulière de sa mère en France et de son hébergement chez sa sœur. La cour procède à une balance des intérêts en présence, méthode classique en la matière. D’un côté, elle prend en compte les attaches familiales de l’intéressée sur le territoire français. De l’autre, elle retient plusieurs éléments factuels, tels que son arrivée récente en France, à l’âge de dix-huit ans, et le fait qu’elle a vécu dans son pays d’origine « séparée des membres de sa famille jusqu’à son arrivée en France ». La cour en déduit qu’elle ne saurait être considérée comme dépourvue de liens personnels et familiaux au Cameroun. Au terme de cette analyse, elle juge que « la décision de refus de titre de séjour contestée n’a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de Mme B… au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels elle a été prise ». Cette solution illustre le caractère concret et factuel de l’appréciation du juge, qui dispose d’une marge d’appréciation importante pour déterminer si l’ingérence est justifiée.
B. Le rejet des moyens relatifs à l’état de santé et au droit à l’instruction
La cour écarte également les autres moyens soulevés par la requérante. Concernant son état de santé, elle relève que l’intéressée n’a pas initialement fondé sa demande sur ce motif et, en tout état de cause, « ne justifie pas que le défaut de prise en charge pourrait avoir pour elle des conséquences d’une exceptionnelle gravité ni qu’elle ne pourrait effectivement bénéficier d’un traitement approprié dans son pays d’origine ». Le défaut de preuve suffisante conduit ainsi au rejet du moyen. De même, l’argument tiré de la méconnaissance du droit à l’instruction est jugé inopérant, la cour rappelant une jurisprudence constante selon laquelle le droit à l’instruction « ne confère pas un droit au séjour sur le territoire national ». Par cette série de rejets, la décision confirme que l’invocation de droits fondamentaux ne saurait pallier l’absence des conditions légales requises pour le séjour, sauf à démontrer une atteinte d’une particulière gravité à une situation personnelle et humanitaire.