Cour d’appel administrative de Lyon, le 6 mars 2025, n°24LY02453

Par un arrêt en date du 6 mars 2025, la Cour administrative d’appel de Lyon a statué sur la contestation d’une condamnation aux frais irrépétibles prononcée en première instance, dans le cadre d’un litige relatif à l’obligation de présentation d’un justificatif de statut vaccinal.

En l’espèce, une agente publique avait été mise en demeure par une agence régionale de santé de justifier de sa situation vaccinale. L’agente a saisi le tribunal administratif de Grenoble afin d’obtenir l’annulation de cette décision. Par un jugement du 21 juin 2024, cette juridiction a rejeté sa demande et l’a condamnée à verser à l’agence une somme de 800 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. La requérante a alors interjeté appel de ce jugement, mais uniquement en ce qu’il l’avait condamnée au paiement de cette somme. Elle soutenait, d’une part, que le jugement était irrégulier faute de comporter les signatures requises par le code de justice administrative, et d’autre part, que la condamnation pécuniaire était inéquitable au regard de sa situation financière. Se posait alors au juge d’appel la double question de savoir, premièrement, si l’absence de signatures sur l’ampliation d’un jugement notifiée à une partie entache celui-ci d’irrégularité et, deuxièmement, quelle est l’étendue de son contrôle sur l’appréciation portée par les premiers juges pour condamner une partie aux frais de l’instance.

La Cour administrative d’appel de Lyon a rejeté la requête. Elle a jugé, d’une part, que la régularité d’un jugement s’apprécie au regard de la minute, laquelle était dûment signée, et non de l’ampliation. D’autre part, elle a estimé que le tribunal n’avait pas procédé à une appréciation inexacte de la situation de la requérante ni du montant des frais justifiant la condamnation.

Cette décision permet ainsi de rappeler la distinction entre les exigences de forme s’appliquant à la minute du jugement et celles relatives à sa notification (I), avant de confirmer le caractère restreint du contrôle du juge d’appel sur l’appréciation des frais irrépétibles (II).

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I. La validité formelle du jugement assurée par la seule signature de la minute

La Cour administrative d’appel écarte le moyen tiré de l’irrégularité du jugement en distinguant clairement la minute, acte juridictionnel authentique, de son ampliation, simple copie de notification (A), ce qui confirme la portée limitée d’un tel vice de forme (B).

A. La distinction entre la minute et l’ampliation du jugement

La requérante soulevait l’irrégularité du jugement de première instance au motif que l’ampliation qui lui avait été notifiée ne comportait pas les signatures requises par l’article R. 741-7 du code de justice administrative. Cet article dispose que : « Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d’audience ».

En réponse, la Cour rappelle que l’obligation de signature ne pèse que sur la minute de la décision. La minute constitue l’original du jugement, le document authentique conservé au greffe de la juridiction qui atteste de l’existence et du contenu de la décision rendue. L’ampliation, quant à elle, n’est qu’une copie certifiée conforme de cet original, destinée à être notifiée aux parties pour les informer de la décision et faire courir les délais de recours. La Cour énonce ainsi que la validité formelle du jugement est assurée dès lors qu’il « ressort du dossier de première instance que la minute du jugement a été régulièrement signée par le rapporteur, le président de la formation de jugement et la greffière ».

B. La portée limitée du moyen tiré du défaut de signature de l’ampliation

En jugeant que l’absence de signatures sur la copie notifiée à la requérante était sans incidence sur la régularité de la décision, la Cour fait une application classique et constante de la jurisprudence administrative. Cette solution est pragmatique et vise à éviter que des vices purement formels et sans incidence sur les droits des parties ne puissent conduire à l’annulation de décisions de justice.

La solution se justifie par le fait que l’authenticité de l’acte est garantie par la signature de la minute, qui seule fait foi. Toute partie a la possibilité de consulter cette minute au greffe pour vérifier sa régularité. Le fait que l’ampliation ne soit pas signée est donc « peu important », pour reprendre les termes de l’arrêt, car cela n’entame en rien la force juridique de la décision elle-même. Cette position réaffirme que les formalités de notification, si elles sont essentielles pour le déclenchement des voies de recours, ne se confondent pas avec les conditions de validité substantielles de l’acte juridictionnel.

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Après avoir écarté le moyen de procédure, la Cour examine le bien-fondé de la condamnation prononcée au titre des frais irrépétibles, exerçant sur ce point un contrôle limité.

II. Le contrôle restreint sur l’appréciation des frais irrépétibles par les juges du fond

La Cour administrative d’appel rappelle d’abord le large pouvoir d’appréciation dont dispose le juge en matière de frais de l’instance (A), avant d’exercer un contrôle qui se limite à l’erreur manifeste d’appréciation (B).

A. Le principe du pouvoir d’appréciation du juge en matière de frais de l’instance

L’article L. 761-1 du code de justice administrative dispose que le juge condamne la partie perdante à payer à l’autre partie une somme qu’il détermine au titre des frais exposés, en tenant « compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée ». Le juge peut même décider, pour ces mêmes motifs, qu’il n’y a pas lieu à condamnation.

Ces dispositions confèrent au juge du fond un pouvoir souverain pour apprécier l’opportunité d’une condamnation et pour en fixer le montant. Le juge doit opérer une balance entre plusieurs éléments : le fait que la partie gagnante a dû exposer des frais pour se défendre, la situation financière de la partie perdante et les circonstances générales de l’affaire qui relèvent de l’équité. En l’espèce, les premiers juges avaient condamné la requérante, partie perdante, à verser 800 euros à l’agence régionale de santé. La requérante demandait à la Cour de réformer cette appréciation en invoquant sa situation financière.

B. La confirmation d’une appréciation en l’absence d’erreur manifeste

Face à la contestation de la requérante, la Cour n’examine pas à nouveau l’ensemble des éléments pour substituer sa propre appréciation à celle des juges de première instance. Elle exerce un contrôle restreint, qui se limite à vérifier que les premiers juges n’ont pas commis d’erreur manifeste dans leur appréciation.

L’arrêt énonce qu’« il ne ressort pas des pièces du dossier que le tribunal aurait fait une inexacte appréciation du montant des frais exposés en défense et qui étaient spécialement explicités, ni qu’il aurait inexactement évalué la situation de Mme B… ». Par cette formulation, la Cour indique qu’en l’absence d’éléments probants démontrant une évaluation manifestement erronée, elle n’a pas à remettre en cause la décision des premiers juges. La portée de cet arrêt est donc de confirmer une solution d’espèce qui illustre le standard de contrôle appliqué en la matière. Il rappelle que la condamnation au titre de l’article L. 761-1 relève avant tout de l’appréciation des juges du fond et que le juge d’appel n’intervient que de manière marginale pour sanctionner les erreurs les plus flagrantes, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.

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