Cour d’appel administrative de Lyon, le 6 mars 2025, n°24LY03387

Par un arrêt en date du 6 mars 2025, la cour administrative d’appel de Lyon s’est prononcée sur les suites de l’inexécution d’une de ses précédentes décisions par l’administration. En l’espèce, un ressortissant étranger s’était vu opposer un refus de délivrance de titre de séjour par une autorité préfectorale, décision assortie d’une obligation de quitter le territoire français et d’une interdiction de retour. Saisi du litige, le tribunal administratif de Grenoble avait rejeté le recours de l’intéressé. Sur appel, la cour administrative d’appel de Lyon, par un arrêt du 31 janvier 2024, a annulé ce jugement ainsi que la décision préfectorale initiale. Elle a alors enjoint au préfet de procéder au réexamen de la situation de l’administré dans un délai de quatre mois. Constatant l’absence de toute diligence de l’administration à l’expiration de ce délai, le requérant a saisi la même cour d’une demande tendant à ce qu’elle assure l’exécution de sa décision.

Face au silence persistant de l’autorité préfectorale malgré plusieurs rappels, la cour a ouvert une procédure juridictionnelle d’exécution. Le problème de droit posé à la cour était donc de déterminer les mesures coercitives qu’elle pouvait prendre pour contraindre l’administration à exécuter une injonction de réexamen prononcée dans un arrêt antérieur et demeurée sans effet. En application de l’article L. 911-4 du code de justice administrative, la cour administrative d’appel de Lyon décide d’assortir son injonction d’une astreinte financière. Cette décision rappelle que le pouvoir du juge administratif ne se limite pas à l’annulation des actes illégaux mais s’étend à la garantie de l’exécution effective de ses décisions (I), en mobilisant des outils coercitifs destinés à vaincre l’inertie de l’administration (II).

I. La garantie juridictionnelle de l’exécution des décisions de justice

La décision commentée illustre le rôle essentiel du juge administratif comme garant de l’effectivité de ses propres décisions. Cette garantie se manifeste d’abord par le constat formel de la défaillance de l’administration (A), puis par la réaffirmation implicite de la force obligatoire attachée à l’injonction précédemment prononcée (B).

A. La constatation de la carence administrative

L’intervention du juge de l’exécution est subordonnée à la démonstration d’une inexécution, totale ou partielle, d’une décision de justice passée en force de chose jugée. En l’espèce, la cour prend soin de détailler la chronologie des faits postérieurs à son arrêt du 31 janvier 2024. Elle relève que le délai de quatre mois imparti au préfet pour réexaminer la situation du requérant est expiré. Surtout, elle souligne que l’administration, bien que sollicitée à plusieurs reprises, est demeurée silencieuse. L’arrêt précise en effet que le préfet « n’a produit aucune observation », alors qu’il avait été formellement « invité par la cour à justifier de l’exécution de l’injonction prononcée par cet arrêt ou à présenter des observations sur d’éventuelles difficultés ». Cette absence de réponse constitue une carence caractérisée, qui ouvre la voie à une intervention plus contraignante du juge. La procédure juridictionnelle d’exécution, ouverte par une ordonnance distincte, formalise ce constat et marque le passage d’une simple surveillance de l’exécution à une phase contentieuse nouvelle, entièrement dédiée à la recherche de mesures d’application.

B. La force obligatoire de l’injonction de réexamen

En ordonnant le réexamen de la situation, l’arrêt initial du 31 janvier 2024 avait fait usage du pouvoir d’injonction que le juge administratif tient des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative. Cette prérogative constitue le complément indispensable du pouvoir d’annulation, en ce qu’elle permet de prescrire à l’administration les mesures que l’exécution de la chose jugée implique nécessairement. L’injonction n’est pas une simple invitation, mais une obligation juridique dont le non-respect engage la responsabilité de l’administration et justifie le recours au juge de l’exécution. En décidant de sanctionner l’inertie du préfet, la cour ne fait que tirer les conséquences de la force obligatoire qui s’attache à ses propres décisions. L’arrêt du 6 mars 2025 ne se contente pas de sanctionner une défaillance ; il réaffirme que l’annulation d’un acte administratif pour illégalité ne peut rester une victoire de principe pour le justiciable et que l’administration est tenue d’en tirer toutes les conséquences.

II. L’astreinte, mesure coercitive face à l’inertie administrative

Face à la défaillance constatée, la cour administrative d’appel de Lyon opte pour le prononcé d’une astreinte, un mécanisme pécuniaire destiné à forcer l’exécution. Cette solution répond à des conditions de mise en œuvre précises (A) et sa portée doit être appréciée au regard de sa finalité comminatoire (B).

A. Les conditions du prononcé de l’astreinte

Le recours à l’astreinte est encadré par l’article L. 911-4 du code de justice administrative, qui dispose que la juridiction saisie « peut fixer un délai d’exécution et prononcer une astreinte ». Le caractère facultatif de cette mesure laisse au juge une marge d’appréciation pour choisir l’outil le plus adapté. En l’espèce, la cour estime que le silence prolongé de l’administration et son absence de justification rendent nécessaire une mesure de contrainte financière. La décision fixe un montant de cinquante euros par jour de retard. Elle prend également soin de définir un nouveau délai de deux mois pour que l’administration se conforme à l’injonction initiale, à l’issue duquel l’astreinte commencera à courir. Cette démarche graduée montre que le but premier reste d’obtenir l’exécution en nature, l’astreinte n’intervenant qu’en dernier recours pour sanctionner une résistance persistante. La décision est donc une application orthodoxe des textes, justifiée par l’attitude de l’administration.

B. La portée d’une mesure à finalité comminatoire

L’astreinte n’est pas une mesure d’indemnisation pour le requérant, mais un instrument de pression psychologique et financière sur l’ordonnateur. Sa portée réside dans son caractère dissuasif. Le montant, bien que modéré, est destiné à croître quotidiennement jusqu’à ce que l’administration justifie de l’exécution de l’arrêt. L’effectivité du mécanisme est renforcée par l’obligation faite à l’autorité préfectorale de rendre compte de ses diligences. L’arrêt précise en effet que l’administration devra communiquer « copie des actes justifiant des mesures prises pour exécuter » la décision. Cette obligation de suivi assure que la cour conserve la maîtrise de la procédure jusqu’à son terme. Cet arrêt, bien que constituant une décision d’espèce, illustre de manière pédagogique l’un des outils les plus efficaces dont dispose le juge administratif pour assurer le respect de l’État de droit et garantir aux justiciables que le gain d’un procès contre l’administration ne demeure pas lettre morte.

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Hassan KOHEN
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