Par un arrêt rendu le 8 avril 2025, la cour administrative d’appel de Lyon précise les conditions de maintien des avantages indemnitaires acquis par les agents territoriaux. Une assistante familiale, recrutée en 2013 par un conseil départemental, sollicitait le versement d’une prime annuelle dénommée gratification pour les années 2018 à 2021. Le tribunal administratif de Grenoble avait rejeté sa demande indemnitaire le 6 février 2024, provoquant ainsi l’introduction d’un recours devant la juridiction d’appel. La requérante soutient que le refus de versement méconnaît une délibération locale de 1985 et porte atteinte au principe d’égalité entre les agents publics. La question posée aux juges porte sur la qualification de cette prime comme avantage collectivement acquis au sens de la loi du 26 janvier 1984. La cour administrative d’appel de Lyon écarte les prétentions de l’agent en raison du défaut d’antériorité de la délibération créant ladite prime par rapport à la loi.
I. L’exigence de certitude quant à l’antériorité de l’avantage indemnitaire
A. Le rappel du cadre temporel dérogatoire fixé par la loi de 1984
Le régime indemnitaire des agents territoriaux est strictement encadré par le principe de parité avec les services de l’État désormais codifié au code général de la fonction publique. L’article 111 de la loi du 26 janvier 1984 prévoit cependant une dérogation pour les avantages collectivement acquis ayant le caractère de complément de rémunération. La cour rappelle que seuls les dispositifs « mis en place avant le 28 janvier 1984 » peuvent être légalement maintenus au profit de l’ensemble des agents. Cette disposition législative fige les droits acquis à une date précise pour limiter la croissance autonome des dépenses de personnel des collectivités locales. L’application de ce texte nécessite donc une vérification scrupuleuse de la genèse de chaque prime revendiquée par les agents contractuels ou titulaires. Les juges d’appel confirment ici que seules les indemnités existant antérieurement à la promulgation de la loi sont considérées comme des droits acquis opposables à l’administration.
B. L’insuffisance probatoire des références aux pratiques antérieures
La requérante invoquait une délibération du 28 janvier 1985 qui faisait mention de rémunérations servies antérieurement par l’intermédiaire d’une association pour justifier son droit. Les juges considèrent que cette mention est insuffisante pour établir que l’avantage était effectivement acquis et budgétisé avant la date charnière de janvier 1984. La décision souligne que cette circonstance « est sans influence sur l’impossibilité de déterminer la date à laquelle cet avantage collectif a été ouvert ». Le juge administratif refuse de se contenter de simples présomptions ou de visas imprécis pour valider le maintien d’un complément de rémunération hors parité. La prime litigieuse ne répondant pas à la condition d’antériorité, elle ne peut recevoir la qualification d’avantage collectivement acquis au sens de la jurisprudence. La délibération de 1985 ne constitue donc pas un titre juridique valable pour fonder une créance indemnitaire sur le fondement des droits acquis.
II. L’inefficacité du principe d’égalité face à un avantage juridique indu
A. Le refus de consacrer une rupture d’égalité au profit d’un droit inexistant
L’assistante familiale soutenait que le non-versement de la prime constituait une rupture d’égalité dès lors que les autres agents du département en bénéficiaient encore. La cour administrative d’appel de Lyon rejette fermement ce moyen en rappelant qu’une pratique illégale ou indue ne peut jamais créer de droits au profit d’autrui. La juridiction énonce avec clarté qu’un « tel principe ne peut justifier l’octroi d’un avantage indu » même si d’autres agents continuent d’en percevoir le montant. Le principe d’égalité ne saurait contraindre l’administration à persévérer dans l’erreur ou à étendre le bénéfice d’une mesure dépourvue de base légale suffisante. Cette solution classique protège les finances publiques contre l’extension par contagion de régimes indemnitaires dont l’origine juridique est devenue caduque ou irrégulière. L’égalité de traitement se conçoit uniquement dans le cadre de la légalité et ne peut servir à revendiquer l’application d’une règle erronée.
B. La confirmation de la spécificité du régime des assistants familiaux
Le litige s’inscrit dans le cadre particulier des assistants familiaux qui sont des agents non titulaires soumis à des dispositions spécifiques du code de l’action sociale. Bien que l’article R. 422-1 de ce code renvoie au décret relatif aux agents contractuels territoriaux, la nature de leurs fonctions justifie des règles indemnitaires propres. La cour valide le raisonnement des premiers juges qui avaient estimé que la requérante n’était pas fondée à se prévaloir du montant de la prime sollicitée. L’absence de contestation initiale du fondement de la prime par le département lors des échanges administratifs ne saurait non plus valider rétroactivement une créance sans fondement. Les délibérations postérieures ayant relevé le montant de la gratification n’ont pas pour effet de régulariser l’absence de preuve concernant l’existence historique de l’avantage. Par conséquent, la requête est rejetée car l’agent ne dispose d’aucun droit acquis au versement de cette prime spécifique pour la période réclamée.