Cour d’appel administrative de Lyon, le 9 avril 2025, n°24LY00912

La Cour administrative d’appel de Lyon a rendu un arrêt le 9 avril 2025 concernant le régime indemnitaire des agents contractuels territoriaux. Un assistant familial, recruté en 2017 par un département, sollicitait le versement d’une prime annuelle couvrant les années 2018 à 2021. La collectivité a rejeté implicitement sa demande tendant au versement d’une somme totale de 5 992 euros nets. Le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa requête par un jugement rendu le 6 février 2024. Le requérant soutient en appel que le refus de versement méconnaît le principe d’égalité et une délibération locale de 2004. La juridiction d’appel devait déterminer si une prime instituée après l’entrée en vigueur de la loi du 26 janvier 1984 constituait un avantage maintenu. Elle devait aussi apprécier si le principe d’égalité permettait d’octroyer un avantage ne reposant sur aucun fondement légal régulier. La cour rejette l’appel en confirmant l’absence de droit acquis et l’impossibilité d’invoquer l’égalité pour obtenir un avantage indu. Le juge administratif rappelle la stricte condition d’antériorité des avantages collectifs (I) avant d’écarter le moyen tiré de la rupture d’égalité (II).

I. La stricte exigence d’antériorité pour le maintien des avantages collectifs

La loi du 26 janvier 1984 permet le maintien des avantages collectivement acquis ayant le caractère de complément de rémunération instaurés avant sa promulgation. Cette dérogation aux limites indemnitaires suppose que l’avantage ait été mis en place par la collectivité avant le 28 janvier 1984.

A. L’interprétation rigoureuse du critère temporel de maintien

La cour souligne que « seules les primes et indemnités existant antérieurement à la promulgation de la loi du 26 janvier 1984 sont considérées comme des droits acquis ». L’agent ne parvenait pas à démontrer que la prime réclamée existait effectivement avant cette date butoir fixée par le législateur. Cette exigence d’antériorité protège la transition vers le nouveau cadre statutaire tout en limitant la création de régimes dérogatoires injustifiés. Le requérant ne peut donc se prévaloir de droits dont l’origine demeure incertaine ou postérieure à l’entrée en vigueur de la loi.

B. L’insuffisance probatoire de la délibération postérieure à la loi

La délibération de 1985 mentionnait une rémunération servie antérieurement par une association, mais cette précision ne suffisait pas à établir une antériorité légale. Le juge administratif estime qu’il est impossible de « déterminer la date à laquelle cet avantage collectif a été ouvert pour les agents du département ». Les délibérations postérieures portant revalorisation du montant ne présentent pas davantage le caractère d’un avantage indemnitaire collectivement acquis. Cette absence de preuve de l’antériorité prive la prime de tout fondement juridique solide au regard du statut de la fonction publique territoriale.

II. L’inefficience du principe d’égalité face à un avantage indu

L’agent invoquait une rupture d’égalité car il était le seul membre du personnel à ne pas percevoir cette prime annuelle au sein de la collectivité. La juridiction écarte ce grief en rappelant qu’un principe général du droit ne saurait suppléer l’absence de base légale d’une rémunération.

A. La subordination de l’égalité au respect de la légalité

Le juge administratif considère que le principe d’égalité de traitement ne saurait « justifier l’octroi d’un avantage indu » au profit d’un agent de la fonction publique. L’illégalité de la prime pour le requérant prime sur la comparaison avec la situation des autres agents de la collectivité territoriale. La reconnaissance d’un droit à l’égalité dans l’illégalité est fermement rejetée pour préserver l’intégrité des règles de gestion des deniers publics. L’administration ne peut être contrainte de persévérer dans une erreur d’attribution indemnitaire sous le seul prétexte de la similitude des fonctions exercées.

B. La portée protectrice de la hiérarchie des normes indemnitaires

L’arrêt confirme une jurisprudence constante interdisant de se prévaloir de l’erreur commise au profit d’autrui pour obtenir un gain financier sans fondement. Cette solution assure la primauté du cadre statutaire et budgétaire sur les revendications individuelles fondées sur une pratique administrative irrégulière. La décision renforce la protection des finances locales en limitant les extensions injustifiées de régimes indemnitaires non conformes à la législation en vigueur. Elle rappelle enfin que le respect de la légalité constitue la limite indépassable de l’application du principe d’égalité dans la fonction publique.

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Hassan KOHEN
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