Cour d’appel administrative de Lyon, le 9 janvier 2025, n°23LY01038

La cour administrative d’appel de Lyon, par un arrêt rendu le 9 janvier 2025, s’est prononcée sur la régularité de rappels de taxe sur la valeur ajoutée. Une société exerçant une activité de plâtrerie a fait l’objet d’une vérification de comptabilité ayant entraîné d’importantes rectifications fiscales en matière de taxe collectée et déductible. Après le rejet de sa demande initiale par le tribunal administratif de Grenoble, l’entreprise a sollicité l’annulation du jugement et la décharge intégrale des impositions. Le litige porte principalement sur la déduction d’une facture jugée fictive ainsi que sur des encaissements réalisés sur le compte bancaire d’une société tierce. Les juges devaient déterminer si l’administration fiscale apportait la preuve suffisante du caractère élusoire des pratiques comptables et si les conditions d’exigibilité de la taxe étaient réunies. La juridiction d’appel a rejeté la requête en confirmant le bien-fondé des rappels d’imposition et l’application des majorations pour manquement délibéré à l’encontre du contribuable. Cette décision permet d’étudier l’encadrement du droit à déduction face aux opérations fictives avant d’analyser les critères d’exigibilité de la taxe et la caractérisation de l’intention frauduleuse.

I. L’encadrement du droit à déduction face à la démonstration de l’irréalité des opérations

A. Le mécanisme de la preuve en matière de facturation fictive

L’administration peut valablement refuser la déduction de la taxe si elle « établit qu’il s’agissait d’une facture fictive ou d’une facture de complaisance » selon les dispositions fiscales. Le juge rappelle qu’une entreprise ne peut déduire la taxe mentionnée sur une facture établie par une personne n’ayant fourni aucun bien ou aucune prestation de services. Dans cette affaire, le service a exercé son droit de communication pour constater qu’un fournisseur n’avait jamais enregistré la facture litigieuse dans ses propres écritures comptables. Cette discordance manifeste entre les comptabilités respectives des deux opérateurs économiques permet de présumer le caractère fictif de l’achat de matériaux initialement comptabilisé par la requérante. Dès lors que le service apporte des éléments suffisants pour douter de la réalité de l’opération, il « appartient alors au contribuable d’apporter toutes justifications utiles ». La charge de la preuve bascule sur la société qui doit démontrer que les biens ont été effectivement livrés pour les besoins de son activité professionnelle habituelle.

B. L’exigence de preuves comptables précises face aux présomptions administratives

La société requérante a contesté la récupération effective de la taxe en invoquant l’existence d’un solde créditeur de taxe déductible supérieur au montant du rappel opéré. Cependant, les juges précisent que « cette seule circonstance, en l’absence de production de pièces justificatives », ne permet pas d’infirmer les constatations précises réalisées par les agents vérificateurs. Le contribuable n’a pas produit les fichiers des écritures comptables ni la déclaration de taxe sur la valeur ajoutée permettant de vérifier ses allégations concernant l’absence de déduction. L’administration n’est pas tenue de démontrer l’existence d’une insuffisance déclarative préalable pour qualifier l’irrégularité d’une déduction opérée sur la base d’un document dépourvu de toute réalité économique. La simple comptabilisation d’une facture ne correspondant à aucune opération réelle justifie la remise en cause du droit à déduction initialement exercé par l’assujetti à la taxe. La constatation de l’irréalité de l’opération conduit au rejet des moyens relatifs à la taxe déductible et impose l’examen des flux financiers concernant la taxe collectée.

II. L’exigibilité de la taxe collectée et la sanction de la dissimulation volontaire

A. Le maintien de l’exigibilité malgré la confusion des flux financiers

La taxe est légalement « exigible pour les prestations de services lors de l’encaissement des acomptes, du prix ou de la rémunération » selon le code général des impôts. Le service a relevé que des factures émises par la requérante étaient encaissées sur le compte bancaire d’une société sœur sans donner lieu à des régularisations comptables. La société soutenait que ces sommes provenaient d’erreurs commises par ses clients et qu’elle n’en avait jamais eu la disposition effective au sens de la loi. Néanmoins, le juge considère que l’absence de reversement des fonds entre les deux entités liées confirme l’existence d’une recette occulte devant être soumise à la taxe. L’administration a pu reconstituer les encaissements à partir des comptes bancaires de la société tierce pour déterminer la base taxable réelle de l’entreprise vérifiée durant la période. Cette méthode de reconstitution permet de pallier les insuffisances d’une comptabilité dépourvue de valeur probante en raison de la dissimulation systématique d’une partie des recettes d’exploitation.

B. La validation des pénalités pour manquement délibéré

L’administration justifie l’application de la majoration de quarante pour cent en se fondant sur le « caractère répétitif des insuffisances déclaratives » constatées durant l’ensemble de la période vérifiée. Ces omissions portent sur des montants significatifs et résultent de l’encaissement systématique de créances professionnelles sur un compte bancaire distinct de celui de l’entreprise ayant facturé. Le juge administratif estime que ces éléments établissent « l’intention délibérée de la société appelante d’éluder l’impôt » en minorant volontairement le montant de la taxe collectée devant être déclarée. La circonstance que ces défaillances puissent résulter d’erreurs commises par un cabinet comptable ne saurait exonérer le redevable de sa propre responsabilité en matière de souscription des déclarations. La persistance des manquements et la nature des procédés utilisés démontrent une volonté certaine de soustraire une fraction importante du chiffre d’affaires à l’établissement de l’impôt. La cour confirme ainsi la sévérité de la sanction financière face à une stratégie d’évitement fiscal caractérisée par une confusion organisée des patrimoines sociaux.

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Hassan KOHEN
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