Cour d’appel administrative de Lyon, le 9 janvier 2025, n°23LY02943

Par un arrêt en date du 9 janvier 2025, la cour administrative d’appel de Lyon a été amenée à se prononcer sur la régularité et le bien-fondé d’une procédure de taxation d’office à la taxe sur la valeur ajoutée, initiée à l’encontre d’un entrepreneur individuel. En l’espèce, un artisan exerçant une activité de plâtrerie et de peinture, initialement placé sous le régime de la franchise en base de taxe sur la valeur ajoutée, a fait l’objet d’une vérification de comptabilité. À l’issue de ce contrôle, l’administration fiscale a reconstitué son chiffre d’affaires et constaté un dépassement du seuil de la franchise au cours de l’année 2017. Elle a par conséquent assujetti le contribuable à la taxe sur la valeur ajoutée à compter du premier jour du mois du dépassement et a procédé à une taxation d’office pour défaut de souscription des déclarations correspondantes. Le contribuable a saisi le tribunal administratif de Dijon afin d’obtenir l’annulation de la proposition de rectification et la décharge des impositions. Suite au rejet de sa demande par un jugement du 18 juillet 2023, il a interjeté appel, contestant tant la régularité de la procédure que le montant des droits réclamés. Le litige soulevait principalement deux questions. D’une part, il s’agissait de déterminer si la procédure d’imposition avait respecté les garanties dues au contribuable, notamment le principe du contradictoire. D’autre part, la cour devait apprécier si le redevable pouvait valablement contester les modalités de calcul de l’impôt, en particulier l’application du taux normal de la taxe sur la totalité de ses recettes. La cour administrative d’appel rejette la requête, confirmant en tous points le jugement de première instance. Elle juge que la procédure a été menée régulièrement, le contribuable n’apportant pas la preuve de ses allégations. Sur le fond, elle valide l’assujettissement à la taxe et le taux appliqué, faute pour le requérant de produire les justificatifs nécessaires pour bénéficier d’un régime plus favorable.

La décision de la cour s’articule autour d’une double validation : celle de la procédure de contrôle et de taxation menée par l’administration (I), puis celle du bien-fondé des impositions établies en conséquence (II).

I. La confirmation de la régularité de la procédure d’imposition d’office

La cour écarte les critiques du requérant visant la procédure en se fondant d’abord sur une application stricte des règles de compétence et de forme (A), avant de rappeler les exigences probatoires pesant sur le contribuable qui invoque une atteinte au débat contradictoire (B).

A. Le rejet des moyens de procédure formelle

Le requérant tentait d’obtenir l’annulation de la proposition de rectification, acte initiant le redressement. La cour rappelle une solution constante en contentieux fiscal, selon laquelle un tel acte ne constitue pas une décision faisant grief susceptible d’un recours pour excès de pouvoir. Elle précise que la proposition de rectification « qui ne constitue pas un acte détachable de la procédure d’imposition de nature à être déféré au juge de l’impôt par des conclusions en annulation, ne peut être contestée que dans le cadre du litige de plein contentieux contestant l’imposition elle-même ». Cette clarification, conforme à la jurisprudence, canalise le débat vers la seule contestation de l’impôt final, évitant ainsi un contentieux morcelé sur les actes préparatoires.

Par ailleurs, la cour balaie rapidement les autres moyens de forme. Elle juge que la compétence de l’agent signataire de la proposition de rectification n’est pas en cause, un fonctionnaire de catégorie A étant habilité à le faire. De même, elle estime que la motivation de l’acte était suffisante au regard des prescriptions de l’article L. 76 du livre des procédures fiscales, dès lors que les bases et les modalités de calcul des impositions y étaient clairement exposées. Cette approche pragmatique montre que le juge se concentre sur la substance de l’information fournie au contribuable plutôt que sur un formalisme excessif.

B. L’appréciation de la garantie du débat contradictoire

L’argument central du contribuable portait sur une prétendue absence de débat oral et contradictoire concernant le taux de marge retenu par l’administration pour reconstituer une partie de son chiffre d’affaires. La réponse de la cour est significative de la répartition de la charge de la preuve en la matière. Elle relève que la procédure a comporté plusieurs réunions et que le requérant « ne fournit aucun élément de nature à justifier cette allégation ». En l’absence de commencement de preuve de sa part, la cour refuse de considérer que la garantie a été méconnue.

Cette position réaffirme le principe selon lequel il ne suffit pas d’alléguer une irrégularité ; il appartient à celui qui s’en prévaut d’étayer ses dires par des éléments concrets. La simple affirmation d’une absence de débat, face à un dossier qui mentionne plusieurs rencontres, est jugée insuffisante. La valeur de cette solution est de responsabiliser le contribuable dans l’administration de la preuve, l’empêchant de se prévaloir de manquements purement hypothétiques pour vicier une procédure de contrôle approfondie.

Après avoir ainsi validé la régularité formelle et substantielle de la procédure, la cour se penche sur le bien-fondé même des rappels d’impôt.

II. La justification du bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée

La cour confirme la légitimité des impositions en retenant d’abord le caractère automatique de l’assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée dès le dépassement des seuils légaux (A), puis en appliquant rigoureusement les conditions légales pour l’octroi d’un taux réduit (B).

A. La constatation du franchissement du seuil de la franchise en base

Le contribuable ne contestait pas avoir dépassé le seuil de chiffre d’affaires lui permettant de bénéficier de la franchise en base, mais il arguait de divers éléments pour modérer la dette fiscale en résultant. La cour rappelle le mécanisme implacable de l’article 293 B du code général des impôts : le dépassement en cours d’année du seuil majoré entraîne l’assujettissement à la taxe dès le premier jour du mois du dépassement. Les chiffres d’affaires des années antérieures, invoqués par le requérant, sont jugés sans pertinence pour l’application de cette règle.

De plus, l’argument relatif au taux de marge, déjà évoqué sur le plan procédural, est déclaré inopérant. La cour souligne que ce taux n’a servi qu’à déterminer la date du franchissement du seuil, point que le requérant ne contestait pas. L’assiette de l’impôt ayant été fixée sur la base des recettes réelles reconstituées, et non sur la base de ce taux de marge, le moyen était sans influence sur le calcul final des droits. Ce raisonnement témoigne d’une analyse rigoureuse, qui distingue les outils d’analyse de l’administration des fondements juridiques de l’imposition.

B. Le refus du bénéfice du taux réduit en l’absence de preuve

Enfin, le requérant soutenait qu’une partie de son activité aurait dû bénéficier du taux réduit de 10 % applicable à certains travaux de rénovation de locaux d’habitation. La cour examine ce moyen au regard de l’article 279-0 bis du code général des impôts. Elle rappelle que le bénéfice de ce taux est subordonné à une double condition : les travaux doivent porter sur des locaux d’habitation de plus de deux ans et le preneur doit fournir au prestataire une attestation le certifiant.

Or, la cour constate que le contribuable « ne produit aucun document signé par ses clients attestant que les travaux ont été réalisés sur des locaux d’habitation achevés depuis plus de deux ans ». Face à cette carence probatoire, elle conclut que l’administration était en droit de soumettre l’intégralité des recettes au taux normal de 20 %. Cette solution, d’une portée pratique considérable, réaffirme que les régimes dérogatoires et les taux réduits constituent une exception dont le bénéfice est strictement conditionné à la production des justificatifs prévus par la loi. La charge de la preuve incombe entièrement au contribuable qui sollicite l’avantage fiscal. En l’absence de ces preuves, le principe, qui est l’application du taux normal, prévaut sans discussion possible.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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