Cour d’appel administrative de Lyon, le 9 janvier 2025, n°24LY01608

Par un arrêt en date du 9 janvier 2025, la cour administrative d’appel de Lyon se prononce sur le rejet d’une requête visant à l’annulation d’un refus implicite de titre de séjour et à l’indemnisation des préjudices en découlant.

Un ressortissant étranger, entré sur le territoire national en 2008 et dont la demande d’asile avait été définitivement rejetée en 2014, a sollicité la délivrance d’un titre de séjour en janvier 2020. Face au silence de l’administration, une décision implicite de rejet est née. Le requérant a saisi le tribunal administratif de Lyon d’une demande d’annulation de cette décision et d’une action en responsabilité contre l’État. Par un jugement du 7 novembre 2023, le tribunal a rejeté sa demande au motif de sa tardiveté. L’intéressé a interjeté appel de ce jugement, soutenant la recevabilité de sa demande initiale et l’illégalité au fond du refus qui lui a été opposé. Il revenait ainsi aux juges d’appel de déterminer si une demande d’annulation d’un refus implicite de titre de séjour, enregistrée hors du délai de recours contentieux, pouvait néanmoins être jugée recevable, et si l’éventuelle illégalité d’une telle décision pouvait engager la responsabilité de l’administration. La cour administrative d’appel rejette la requête, confirmant l’irrecevabilité des conclusions à fin d’annulation en raison de l’expiration du délai de recours. Elle examine ensuite, pour les besoins de l’action indemnitaire, la légalité du refus implicite et n’identifie aucune faute de nature à engager la responsabilité de l’État. La cour confirme ainsi une application rigoureuse des règles de computation des délais de recours (I), tout en procédant à un contrôle subsidiaire de légalité qui anéantit toute perspective d’indemnisation (II).

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I. Une irrecevabilité inévitable face à une computation rigoureuse des délais

La cour confirme l’analyse des premiers juges en écartant les moyens qui auraient permis de considérer la requête comme recevable. Elle applique de manière stricte les règles de procédure relatives au point de départ du délai de recours (A) et rejette les arguments visant à en neutraliser les effets (B).

A. La détermination du point de départ du délai de recours

La décision implicite de rejet naît, en principe, au terme d’un délai de quatre mois suivant la demande de titre de séjour. La cour rappelle cependant l’incidence de l’état d’urgence sanitaire, qui a conduit à une suspension des délais administratifs. Elle précise que « le délai de quatre mois imparti à l’autorité administrative pour prendre sa décision ayant été suspendu pendant la période du 12 mars au 23 juin 2020 inclus ». Cette suspension a reporté la naissance de la décision implicite au 25 août 2020. Dès lors, le délai de recours contentieux de deux mois a commencé à courir à cette date, expirant le 25 octobre 2020. La requête, enregistrée au tribunal administratif le 21 avril 2022, était manifestement tardive. L’arrêt illustre ainsi l’application mécanique des règles de prorogation de délai, sans que les circonstances particulières du requérant puissent y faire échec.

B. Le rejet des arguments tendant à proroger le délai

Le requérant soutenait que l’administration aurait dû consulter la commission du titre de séjour, ce qui aurait eu pour effet de faire naître une nouvelle décision et d’ouvrir un nouveau délai. La cour écarte ce moyen en constatant que la condition légale pour une telle consultation, à savoir la justification d’une résidence habituelle en France depuis plus de dix ans, n’était pas remplie. Elle juge en effet qu’« il n’établit pas qu’il résidait en France habituellement depuis plus de dix ans à la date de la décision en litige ». L’appréciation des preuves de résidence relève ainsi du pouvoir souverain des juges du fond, qui adoptent ici une approche restrictive. De même, la demande de communication des motifs, adressée à l’administration en avril 2021, n’a pu proroger le délai de recours, car elle a été présentée bien après l’expiration de celui-ci.

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II. Une légalité subsidiairement contrôlée anéantissant l’espoir d’indemnisation

Bien que les conclusions à fin d’annulation soient irrecevables, le juge administratif se doit d’examiner la légalité de la décision pour statuer sur la demande indemnitaire. Ce contrôle, mené au fond, ne révèle aucune illégalité fautive, confirmant la validité du refus opposé (A) et le bien-fondé de l’appréciation portée par l’administration (B).

A. L’absence d’illégalité fautive dans la procédure administrative

Le requérant invoquait plusieurs illégalités pour fonder son action en responsabilité. D’abord, il soutenait que le refus était entaché d’un défaut de motivation. La cour réfute cet argument en relevant que la demande de communication des motifs était tardive, dispensant ainsi l’administration de son obligation de réponse. Ensuite, le moyen tiré du défaut de consultation de la commission du titre de séjour est logiquement écarté pour les mêmes motifs que ceux ayant conduit à juger la requête irrecevable. L’arrêt démontre que l’irrecevabilité de la demande principale a des conséquences directes sur l’appréciation des fautes procédurales potentielles, celles-ci se trouvant neutralisées par la propre négligence du requérant.

B. La confirmation de l’absence d’erreur d’appréciation

La cour procède enfin à un contrôle de l’atteinte portée au droit au respect de la vie privée et familiale et de l’erreur manifeste d’appréciation. Elle examine concrètement la situation personnelle de l’intéressé et conclut qu’« il ne fait pas état d’une insertion sociale et professionnelle notable ». Les juges relèvent son célibat, l’absence d’enfants, et le fait que sa mère fait également l’objet d’une mesure de refus de séjour. La nationalité française d’une sœur ne suffit pas à caractériser une intégration suffisante. En conséquence, la cour juge que la décision ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale et n’est entachée d’aucune erreur manifeste d’appréciation. Cette décision d’espèce rappelle la marge d’appréciation dont dispose l’administration en matière de régularisation et la nécessité pour le demandeur d’apporter des preuves tangibles et multiples de son intégration.

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Hassan KOHEN
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