Cour d’appel administrative de Lyon, le 9 juillet 2025, n°24LY02253

La Cour administrative d’appel de Lyon, par une décision rendue le 9 juillet 2025, précise les conditions de recevabilité des recours contre les mesures d’éloignement forcé. Un ressortissant étranger a fait l’objet, le 16 avril 2024, d’une obligation de quitter le territoire français sans délai, complétée par une interdiction de circulation et une assignation à résidence. Saisi d’une demande d’annulation, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté les prétentions du requérant par un jugement du 9 juillet 2024 pour cause de tardivité. L’appelant soutient devant la juridiction supérieure que le refus de délai de départ volontaire constitue une décision distincte ouvrant un délai de recours de trente jours. Il invoque également l’illégalité de l’obligation de quitter le territoire par voie d’exception à l’encontre de la mesure d’assignation à résidence décidée simultanément. La juridiction doit déterminer si l’absence de délai de départ volontaire unifie le délai de recours contentieux et si l’assignation à résidence forme une opération complexe avec l’éloignement. La Cour rejette l’appel en confirmant la tardivité du recours initial et l’impossibilité d’invoquer l’exception d’illégalité contre une mesure d’éloignement devenue définitive.

I. La rigueur du délai de recours contentieux en l’absence de délai de départ volontaire

A. L’unification des délais de contestation autour de la mesure d’éloignement

L’article L. 614-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile impose un délai de quarante-huit heures pour contester l’éloignement. Ce délai abrégé s’applique dès lors que l’autorité administrative décide de priver l’intéressé d’un délai de départ volontaire pour l’exécution de la mesure. La Cour rappelle que la notification administrative « fait courir un délai de quarante-huit heures pour contester cette obligation et les décisions relatives au séjour » notifiées simultanément. Cette règle dérogatoire répond à un impératif d’efficacité de l’action administrative et de célérité dans le traitement des situations d’urgence migratoire. Le juge refuse ainsi de scinder les délais de recours selon la nature des décisions contenues dans un même arrêté préfectoral de reconduite.

B. L’indifférence du bien-fondé de la décision sur la recevabilité de l’action

Le requérant tentait de justifier la recevabilité de son recours en critiquant le bien-fondé du refus de délai de départ qui lui était opposé. La Cour administrative d’appel écarte fermement cet argument en soulignant que l’erreur manifeste d’appréciation alléguée « est sans incidence sur la recevabilité du recours ». La légalité interne d’un acte administratif demeure une question distincte des conditions de forme et de délai régissant l’accès au juge de l’excès de pouvoir. Une décision même illégale devient définitive si elle n’est pas contestée dans les délais prescrits par les dispositions du code de justice administrative. La protection des droits des administrés s’exerce ainsi dans le cadre strict des procédures contentieuses dont le non-respect entraîne l’irrecevabilité irrémédiable de la demande.

II. L’autonomie de l’assignation à résidence face à l’exception d’illégalité

A. La nature de mesure d’exécution de l’assignation à résidence

L’assignation à résidence prévue par l’article L. 731-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers vise à garantir la représentation de l’intéressé. Cette mesure intervient pour organiser le maintien temporaire sur le territoire en attendant qu’une perspective raisonnable d’exécution de l’obligation de quitter le pays existe. Le juge souligne que si cette décision est prise en vue de l’éloignement, elle n’est pas pour autant prise pour l’application de ce dernier. L’assignation dispose d’un objet propre et de conditions légales spécifiques qui la distinguent de l’acte initial ordonnant le départ forcé du ressortissant étranger. Cette distinction organique et fonctionnelle limite les possibilités de contester indirectement l’obligation de quitter le territoire français lorsque celle-ci n’a pas été attaquée directement.

B. L’exclusion du mécanisme de l’opération complexe entre les mesures

La Cour administrative d’appel de Lyon précise que les décisions d’éloignement et d’assignation à résidence « ne constituent pas une opération complexe » au sens de la jurisprudence. L’illégalité d’un acte non réglementaire devenu définitif ne peut plus être invoquée par voie d’exception sauf si les actes forment une unité indissociable. En l’espèce, l’obligation de quitter le territoire sans délai n’est pas la base légale de l’assignation à résidence bien qu’elle en soit le préalable. Le caractère définitif de la mesure d’éloignement fait obstacle à toute critique de sa légalité lors du recours dirigé contre la mesure de surveillance. Cette solution jurisprudentielle consacre la stabilité des actes administratifs individuels et impose aux requérants une vigilance accrue lors de la notification des mesures d’éloignement.

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Hassan KOHEN
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