Cour d’appel administrative de Marseille, le 1 avril 2025, n°25MA00004

L’ordonnance rendue par la Cour administrative d’appel de Marseille le 1er avril 2025 s’inscrit dans le contentieux de la responsabilité pour renseignements erronés fournis par l’administration. Un médecin généraliste sollicitait le versement d’une provision indemnitaire à la suite d’un préjudice résultant de son installation dans une commune rurale non éligible aux aides financières. Le juge des référés du tribunal administratif de Bastia avait rejeté cette demande par une ordonnance du 19 décembre 2024 dont la requérante a interjeté appel. La question posée au juge consistait à déterminer si le manquement à une promesse de subvention constituait une obligation non sérieusement contestable malgré l’absence de vérification préalable. La juridiction d’appel confirme le rejet de la requête en estimant que l’existence de l’obligation indemnitaire demeure incertaine en l’état de l’instruction menée. L’étude de cette décision impose d’analyser l’appréciation restrictive du caractère non sérieusement contestable de l’obligation avant d’aborder la reconnaissance d’une imprudence fautive du professionnel de santé.

I. L’appréciation restrictive du caractère non sérieusement contestable de l’obligation

A. Le cadre procédural contraignant du référé-provision

Le juge fonde sa décision sur les dispositions de « l’article R. 541-1 du code de justice administrative » qui conditionnent l’octroi d’une provision à l’absence de contestation sérieuse. Cette exigence impose au magistrat de s’assurer que le droit de la créancière ne se heurte à aucun argument juridique ou factuel doté d’une réelle consistance. En l’espèce, le litige porte sur l’indemnisation de préjudices nés d’un « engagement non tenu de la faire bénéficier du contrat d’aide à l’installation des médecins ». La Cour doit ainsi évaluer si la responsabilité de l’organisme public est manifestement engagée par les informations communiquées par ses services locaux.

B. L’insuffisance probatoire de l’information administrative informelle

La requérante invoquait des assurances reçues d’un agent pour justifier son installation et son droit à percevoir une aide forfaitaire de cinquante mille euros. Le juge souligne toutefois que de « simples informations, certes erronées, données par un de ses agents ne pouvaient l’engager » de manière certaine et définitive. Cette distinction entre un acte administratif créateur de droits et un simple renseignement limite considérablement la portée de la responsabilité pour faute de l’administration. L’absence de caractère non sérieusement contestable découle ici de la fragilité juridique de l’engagement verbal face aux conditions cumulatives fixées par la convention nationale.

II. La reconnaissance implicite d’une imprudence fautive du professionnel de santé

A. Le devoir de vérification pesant sur l’administré averti

Le juge des référés valide l’argumentation de l’organisme de sécurité sociale relative à l’absence de diligence raisonnable de la part de la praticienne lors de son installation. Il est reproché à la requérante de ne pas avoir consulté les données relatives au zonage médical « facilement accessible au public sur le site » officiel de l’administration. Cette faute de la victime, consistant en un manque de prudence élémentaire, vient neutraliser l’évidence de la créance indemnitaire nécessaire au succès du référé. Le professionnel libéral est ainsi tenu à une obligation de vigilance particulière qui l’oblige à corroborer les informations obtenues auprès des guichets administratifs.

B. La protection de la légalité conventionnelle face aux préjudices allégués

La solution retenue par la Cour administrative d’appel de Marseille préserve l’intégrité des fonds publics en évitant le versement de provisions fondées sur des erreurs individuelles. Le rejet des conclusions indemnitaires et morales confirme que le juge du référé ne peut se substituer au juge du fond pour trancher des responsabilités partagées. La « convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l’assurance maladie » impose des critères stricts que le juge entend faire respecter rigoureusement. Cette jurisprudence rappelle aux praticiens que l’accès aux aides financières dépend exclusivement du respect de la légalité territoriale et non des seules promesses administratives.

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Hassan KOHEN
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