Cour d’appel administrative de Marseille, le 11 juin 2025, n°24MA02785

La Cour administrative d’appel de Marseille a rendu, le 11 juin 2025, une décision précisant les conditions de recevabilité d’un recours indemnitaire en matière administrative. Cet arrêt examine la validité de la liaison du contentieux lorsqu’un agent public invoque la responsabilité de son employeur sans formuler de demande pécuniaire. Un agent titulaire, licencié pour inaptitude physique totale en 2019, a sollicité la condamnation de son ancien employeur au versement d’une indemnité de réparation. La requérante reprochait notamment au service intercommunal une méconnaissance de son obligation de reclassement ainsi qu’un défaut d’aménagement de son poste de travail habituel. Le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande le 29 mai 2024, estimant qu’aucune décision préalable ne liait valablement le contentieux ainsi engagé. L’intéressée a soutenu en appel que ses courriers de 2019 et 2020, mentionnant la responsabilité administrative, suffisaient pourtant à constituer un recours préalable. La question posée est de savoir si la simple évocation de la responsabilité de l’administration, sans demande pécuniaire expresse, peut faire naître une décision. Les juges d’appel confirment la solution de première instance en relevant l’absence de demande de réparation chiffrée ou déterminable dans les correspondances administratives. L’examen de cette décision souligne la rigueur de la qualification de la demande préalable avant d’envisager les conséquences procédurales de cette irrecevabilité.

I. L’exigence de clarté de la demande préalable

A. La nécessité d’une intention indemnitaire manifeste

L’article R. 421-1 du code de justice administrative dispose que la juridiction ne peut être saisie qu’après l’intervention d’une décision administrative préalable expresse ou tacite. En matière de plein contentieux, cette exigence impose au requérant de soumettre ses prétentions pécuniaires à l’administration avant de porter le litige devant le juge. La décision de la Cour administrative d’appel de Marseille rappelle que cette demande doit présenter un caractère suffisamment précis pour permettre à l’autorité de statuer. L’appelante arguait que l’existence d’une procédure préalable n’était pas d’ordre public et qu’elle pouvait se borner à chiffrer ses conclusions devant le juge. Or, si le montant peut être précisé ultérieurement, l’objet même de la demande doit tendre nécessairement à obtenir la réparation d’un préjudice subi par l’administré.

B. L’insuffisance de la seule évocation de la responsabilité

Les juges relèvent que les missives adressées par l’agent se bornaient à déclarer contester l’arrêté de licenciement en invoquant  » la responsabilité  » du service employeur. Bien que l’intéressée mentionne son inaptitude, la Cour souligne qu’elle  » n’y demande ni l’attribution de dommages et intérêts, ni la réparation d’un quelconque préjudice « . La simple mention juridique de la responsabilité de l’administration ne saurait donc être assimilée à une volonté de solliciter une compensation financière ou pécuniaire effective. Cette solution consacre une distinction stricte entre le recours pour excès de pouvoir, visant l’annulation d’un acte, et l’action en responsabilité de nature pécuniaire. L’absence de volonté indemnitaire exprimée prive les courriers de leur nature de demande préalable, empêchant ainsi la naissance d’une décision liant valablement le contentieux.

II. La sanction de l’irrégularité de la liaison du contentieux

A. Le maintien d’une irrecevabilité d’ordre public

La méconnaissance de l’obligation de décision préalable constitue une irrégularité qui peut être régularisée en cours d’instance, conformément aux dispositions de l’article R. 612-1. Le tribunal administratif de Marseille avait adressé une demande de régularisation à l’appelante, l’invitant à produire la décision administrative ayant rejeté ses prétentions indemnitaires. En réponse, l’intéressée a produit ses correspondances antérieures dont la teneur a été jugée insuffisante pour faire naître une décision pécuniaire de rejet. La juridiction d’appel valide cette analyse en considérant que le contentieux n’était pas lié à la date à laquelle les premiers juges ont statué. Cette position ferme garantit que l’administration est mise en mesure de connaître précisément les prétentions financières de ses agents avant toute phase contentieuse.

B. La confirmation du rejet de la requête d’appel

La Cour administrative d’appel de Marseille conclut que c’est à bon droit que les premiers juges ont rejeté la demande indemnitaire pour cause d’irrecevabilité. L’arrêt du 11 juin 2025 confirme ainsi que l’absence de toute décision de nature à remplir cet office légal interdit l’examen au fond du litige. Par conséquent, l’ensemble des conclusions de l’appelante, y compris celles relatives aux frais liés à l’instance, est rejeté par la juridiction de second degré. Cette jurisprudence souligne l’importance d’une rédaction rigoureuse des recours administratifs préalables, lesquels doivent impérativement exprimer une demande de réparation pour lier le juge. L’agent se trouve ainsi privé de l’indemnisation de son préjudice faute d’avoir respecté les formes substantielles de la procédure administrative préalable obligatoire.

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Hassan KOHEN
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