Par un arrêt en date du 12 septembre 2025, la cour administrative d’appel de Marseille a été amenée à se prononcer sur la légalité d’une décision de non-renouvellement d’un engagement de sapeur-pompier volontaire. En l’espèce, un sapeur-pompier volontaire, engagé pour une période de cinq ans, s’est vu notifier par le président du conseil d’administration du service départemental d’incendie et de secours le non-renouvellement de son engagement au terme de celui-ci. L’administration a fondé sa décision sur la manière de servir de l’agent, citant deux sanctions disciplinaires antérieures, l’une pour abandon de poste et l’autre pour des propos irrespectueux tenus publiquement envers sa hiérarchie. L’agent a alors saisi le tribunal administratif de Nice en annulation de cette décision et en réparation de divers préjudices qu’il estimait avoir subis, notamment du fait d’une discrimination. Le tribunal ayant rejeté sa demande par un jugement du 11 juin 2024, l’intéressé a interjeté appel, maintenant ses prétentions et soutenant que la décision était entachée d’une erreur manifeste d’appréciation, d’un détournement de pouvoir et procédait d’un motif discriminatoire. Il incombait ainsi à la cour de déterminer dans quelle mesure le juge administratif exerce son contrôle sur une décision de non-renouvellement d’un agent public volontaire fondée sur sa manière de servir, et comment s’aménage la charge de la preuve lorsque cette décision est contestée sur le terrain de la discrimination. La cour administrative d’appel a rejeté la requête, confirmant que la décision de non-renouvellement, qui ne constitue pas une sanction disciplinaire, relève de l’appréciation de l’autorité administrative et n’est susceptible d’être censurée par le juge qu’en cas d’erreur manifeste. Elle a par ailleurs rappelé que pour établir une discrimination, le requérant doit apporter des éléments de fait laissant présumer son existence, ce qui n’était pas le cas en l’espèce, l’administration justifiant sa décision par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
La décision de la cour administrative d’appel confirme la nature et le régime du non-renouvellement d’un engagement pour un motif lié à la manière de servir, en le soumettant à un contrôle juridictionnel restreint (I). Par conséquent, elle applique avec rigueur le mécanisme probatoire propre aux allégations de discrimination, ce qui conduit logiquement au rejet des prétentions indemnitaires de l’agent (II).
I. La confirmation du caractère discrétionnaire de la décision de non-renouvellement
La cour rappelle d’abord avec fermeté la distinction essentielle entre une mesure disciplinaire et un non-renouvellement d’engagement, ce dernier relevant d’une appréciation de l’administration dans l’intérêt du service (A), ce qui emporte une limitation du contrôle exercé par le juge à la seule erreur manifeste (B).
**A. Le non-renouvellement d’engagement, une mesure prise dans l’intérêt du service distincte de la sanction**
La cour écarte d’emblée les moyens relatifs à une méconnaissance de la procédure disciplinaire, jugeant un tel moyen « inopérant à l’encontre de la décision contestée, laquelle n’a pas le caractère d’une telle sanction ». Cette clarification est fondamentale : le refus de renouveler un contrat à durée déterminée, même pour un agent public comme un sapeur-pompier volontaire, ne constitue pas une sanction visant à réprimer une faute, mais une décision de gestion prise en considération de l’aptitude et de la manière de servir de l’agent. L’administration n’est pas tenue de maintenir dans ses effectifs un agent dont le comportement passé a révélé des manquements, même si ces manquements ont déjà fait l’objet de sanctions. La cour valide ainsi le raisonnement de l’autorité administrative qui s’est fondée sur des faits précis, à savoir « une première sanction d’exclusion temporaire » et une autre pour « avoir tenu publiquement des propos irrespectueux envers sa hiérarchie ». En jugeant que ces motifs sont « en lien avec l’intérêt du service et sont ainsi de nature à justifier légalement la décision contestée », la cour confirme que la fiabilité et le comportement d’un agent sont des critères légitimes pour apprécier l’opportunité de poursuivre la relation de service.
**B. Un contrôle restreint du juge limité à l’erreur manifeste d’appréciation**
Découlant de cette qualification, le contrôle du juge administratif sur le bien-fondé de la décision de non-renouvellement est nécessairement restreint. La cour n’examine pas si elle aurait pris la même décision que l’administration, mais seulement si celle-ci n’est pas entachée d’une erreur manifeste dans l’appréciation des faits. En l’espèce, elle juge que « c’est sans entacher sa décision d’erreur manifeste d’appréciation que le président du conseil d’administration […] a retenu que la manière de servir de l’intéressé ne donnait pas entièrement satisfaction ». La présence de deux sanctions disciplinaires, dont la légalité de l’une n’était pas discutée et celle de l’autre confirmée le même jour par la cour, constituait un dossier suffisant pour que la décision ne paraisse pas manifestement disproportionnée ou inappropriée. De même, ce constat factuel objectif permet d’écarter les allégations de détournement de pouvoir ou de procédure, la cour estimant qu’il ne « ressort pas non plus des pièces du dossier que l’arrêté contesté ait été pris dans le but de sanctionner […] de manière déguisée ». Le contrôle restreint opère ici comme une garantie de la marge d’appréciation de l’administration dans la gestion de ses agents volontaires.
Au-delà de ce contrôle classique de la légalité externe et interne, la cour a dû se prononcer sur le terrain plus spécifique de la discrimination, ce qui l’a conduite à rappeler les exigences probatoires en la matière.
II. Le rejet des allégations de discrimination et des demandes indemnitaires
La cour applique de manière orthodoxe le régime de la preuve partagée en matière de discrimination, constatant une défaillance du requérant à établir une présomption (A). Cette absence de toute illégalité fautive constatée entraîne, par voie de conséquence, le rejet de l’ensemble des conclusions indemnitaires présentées par l’agent (B).
**A. La réaffirmation du mécanisme probatoire en matière de discrimination**
Face à une allégation de discrimination, le juge administratif met en œuvre un aménagement de la charge de la preuve. La cour rappelle la règle avec une grande clarté : « Il appartient au requérant qui s’estime lésé par une telle mesure de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte à ce dernier principe, et au défendeur de produire tous ceux permettant d’établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ». En l’espèce, le requérant échoue dès la première étape. La cour relève que l’agent « s’en tient à des affirmations non corroborées par des tiers, notamment en ce qui concerne les propos qu’il attribue à ses collègues sur le port de sa barbe ». Face à ces simples allégations, l’administration produit des éléments objectifs et pertinents : les sanctions légalement prises à l’encontre de l’agent. La cour en conclut que les faits présentés ne sont pas « de nature à faire présumer l’existence d’une discrimination à raison de son origine, de sa nationalité ou de sa religion supposée ». La solution est rigoureuse mais conforme à une jurisprudence constante qui exige plus que de simples déclarations pour faire naître une présomption de traitement inégal.
**B. Le rejet conséquent des prétentions indemnitaires en l’absence de faute prouvée**
L’absence de toute illégalité fautive emporte logiquement le rejet de toutes les demandes de réparation. La cour examine successivement chaque fait générateur de responsabilité invoqué par le requérant. Concernant les mesures de suspension alléguées, elle souligne que « les sapeurs-pompiers volontaires ne disposent d’aucun droit à se voir proposer des gardes », écartant ainsi l’existence même d’une décision fautive. Concernant le dépassement du temps de travail, elle constate un double défaut de preuve : l’agent ne justifie ni de la réalité du préjudice subi, ni même de la matérialité des dépassements, les éléments produits étant des « tableaux établis par ses soins et dont le contenu est contesté en défense ». Enfin, et de manière décisive, la légalité de la décision de non-renouvellement et l’absence de discrimination démontrée privent de tout fondement les demandes d’indemnisation pour les préjudices matériel et moral qui en découleraient. Le rejet des conclusions indemnitaires n’est donc que la stricte application du principe selon lequel la mise en jeu de la responsabilité administrative suppose avant tout la preuve d’une faute de l’administration.