Par un arrêt en date du 13 février 2025, une cour administrative d’appel se prononce sur les conséquences d’un manquement à des obligations déclaratives en matière de taxe sur la valeur ajoutée sur le bénéfice d’une exonération d’impôt sur le revenu. En l’espèce, un entrepreneur individuel à responsabilité limitée, exerçant son activité en zone franche urbaine, s’était vu refuser par l’administration fiscale le bénéfice de l’exonération d’impôt sur le revenu prévue à l’article 44 octies A du code général des impôts au titre de l’année 2017. Le service avait motivé ce redressement par l’absence de dépôt de deux déclarations de chiffre d’affaires trimestrielles successives. Le contribuable a saisi le tribunal administratif de Toulon d’une demande en décharge de ces impositions, laquelle fut rejetée par un jugement du 17 avril 2023. Le requérant a interjeté appel de ce jugement, soutenant notamment que son entreprise était éligible au dispositif d’exonération et que la procédure d’imposition était irrégulière, faute d’une motivation suffisante de la proposition de rectification. La question de droit qui était posée à la cour était de savoir si le manquement répété à une obligation déclarative périodique en matière de taxe sur la valeur ajoutée suffisait à justifier la déchéance d’un régime d’exonération d’impôt sur le revenu, indépendamment de l’examen des conditions de fond de ce même régime. La cour administrative d’appel répond par l’affirmative en rejetant la requête. Elle juge que l’omission de souscrire à deux déclarations successives de chiffre d’affaires constitue un motif suffisant pour exclure un contribuable du bénéfice de l’exonération, confirmant ainsi le caractère essentiel du respect des obligations procédurales.
La solution retenue par la cour administrative d’appel consacre une application rigoureuse des conditions formelles d’octroi des avantages fiscaux, subordonnant leur maintien à une discipline déclarative stricte (I). Cette décision confirme également une interprétation pragmatique des garanties procédurales du contribuable, tout en réaffirmant la nature non punitive des intérêts de retard (II).
I. La subordination de l’avantage fiscal au respect des obligations déclaratives
La cour fonde sa décision sur le constat d’un manquement formel qui, à lui seul, emporte la perte du droit à l’exonération. Elle valide ainsi un mécanisme où la double omission déclarative constitue un critère de déchéance suffisant (A), rendant par là même inopérant tout débat sur l’éligibilité de fond de l’entreprise au dispositif d’exonération (B).
A. La double omission déclarative, un manquement suffisant à la déchéance de l’exonération
Le juge administratif d’appel ancre son raisonnement dans une lecture littérale des dispositions de l’article 302 nonies du code général des impôts. Selon ce texte, « les allégements d’impôt sur le revenu ou d’impôt sur les sociétés prévus aux articles (…) 44 octies A (…) ne s’appliquent pas lorsqu’une ou des déclarations de chiffre d’affaires se rapportant à l’exercice concerné n’ont pas été souscrites dans les délais et qu’il s’agit de la deuxième omission successive ». La cour constate que le contribuable, ayant opté pour le régime réel d’imposition à la taxe sur la valeur ajoutée, était tenu au dépôt de déclarations trimestrielles. L’absence de déclaration au titre des premier et deuxième trimestres de l’année 2017 matérialise la condition de double manquement exigée par la loi. Cette approche formaliste ne laisse aucune place à l’appréciation des circonstances ou de la gravité des omissions. La sanction est automatique, dès lors que le fait matériel de la seconde omission successive est établi. La décision illustre ainsi la prééminence de la procédure déclarative, qui n’est pas une simple formalité administrative mais une condition substantielle du maintien des droits du contribuable.
B. L’indifférence de l’éligibilité de fond au dispositif
En conséquence directe de cette approche, la cour écarte l’ensemble des arguments du requérant relatifs à son éligibilité de principe au régime de la zone franche urbaine. Le juge considère que la discussion sur le fond n’a plus lieu d’être dès lors qu’une condition de forme, érigée en couperet par le législateur, n’est pas remplie. La cour le souligne en affirmant que « l’administration était fondée à lui refuser, pour ce seul motif, le bénéfice de l’exonération prévue à l’article 44 octies A du code général des impôts ». Cette formule lapidaire démontre que le manquement procédural prime sur toute autre considération. La solution peut paraître sévère, car elle conduit à priver une entreprise de l’intégralité d’un avantage fiscal pour un motif qui peut sembler déconnecté de l’objectif économique et social de la loi d’exonération. Cependant, elle a le mérite de la clarté et renforce l’incitation au respect scrupuleux des obligations fiscales, quelles qu’elles soient, en établissant un lien de causalité direct et implacable entre la discipline déclarative et le bénéfice des régimes de faveur.
II. La confirmation d’une conception rigoureuse des garanties du contribuable
Outre le fond du droit, l’arrêt apporte des précisions sur l’étendue des garanties procédurales. Le juge d’appel adopte une vision restrictive de l’obligation de motivation qui pèse sur l’administration (A) et en profite pour rappeler la nature purement réparatrice des intérêts de retard (B).
A. Le rejet d’une conception extensive de l’obligation de motivation
Le requérant soutenait que la proposition de rectification était insuffisamment motivée, au motif qu’elle n’explicitait pas les règles relatives à son régime de taxe sur la valeur ajoutée. La cour rejette ce moyen en opérant une distinction claire entre le fondement de la rectification et les éléments de contexte. Elle précise que la motivation doit porter sur la base légale du redressement, en l’occurrence la remise en cause de l’exonération, et non sur les conditions annexes. Selon l’arrêt, « L’administration n’avait pas à préciser les motifs justifiant du régime applicable en matière de taxe sur la valeur ajoutée, qu’elle n’entendait pas remettre en cause et qui ne constituaient pas le fondement des rectifications ». Cette interprétation pragmatique de l’article L. 57 du livre des procédures fiscales évite d’imposer à l’administration une charge excessive, qui consisterait à détailler l’ensemble des règles fiscales applicables à la situation du contribuable. La motivation doit permettre de comprendre la cause et la portée du redressement afin de pouvoir y répondre utilement, un objectif que la cour a estimé atteint en l’espèce.
B. Le caractère réparateur confirmé des intérêts de retard
Enfin, la cour balaie les arguments du contribuable tendant à faire qualifier les intérêts de retard de sanction. Confronté à un moyen invoquant la bonne foi et le principe de rétroactivité de la loi pénale plus douce, le juge rappelle avec constance la finalité de ces intérêts. Ils « vise[nt] essentiellement à réparer les préjudices de toute nature subis par l’Etat à raison du non-respect par les contribuables de leurs obligations de déclarer et payer l’impôt aux dates légales ». La cour ajoute que leur niveau, bien que supérieur aux taux d’emprunt de l’État, ne leur confère pas la nature d’une sanction dès lors qu’il n’est pas « manifestement excessif au regard du taux moyen pratiqué par les prêteurs privés pour un découvert non négocié ». Cette position, solidement établie en jurisprudence, ferme la porte à toute contestation des intérêts de retard sur le terrain des principes applicables en matière répressive. L’arrêt confirme ainsi que ces intérêts demeurent une simple compensation financière du préjudice subi par le Trésor public du fait du paiement tardif de l’impôt, leur application étant une conséquence automatique de ce retard.