Cour d’appel administrative de Marseille, le 15 septembre 2025, n°25MA00307

La Cour administrative d’appel de Marseille, par un arrêt rendu le 15 septembre 2025, précise les modalités de contestation des refus d’aides du fonds de solidarité. Cette décision examine particulièrement l’office du juge face aux recours administratifs préalables et l’application temporelle des critères d’éligibilité liés à la crise sanitaire. Une société de restauration avait sollicité diverses subventions pour les mois de novembre 2020 à janvier 2021, essuyant des refus ou des demandes de remboursement. Le Tribunal administratif de Toulon avait initialement fait droit à ses demandes par un jugement du 5 décembre 2024. Le ministre de l’économie a interjeté appel, arguant d’une part de l’irrecevabilité de la demande de première instance et du bien-fondé des refus opposés. Le litige soulevait la question de l’interprétation des conclusions contentieuses et de la distinction entre les activités de restauration sur place et à emporter. La juridiction d’appel annule le jugement pour irrégularité avant de statuer sur le fond des prétentions de la société requérante à travers une double analyse procédurale et substantielle.

I. Une clarification nécessaire de l’office du juge administratif

L’arrêt souligne l’obligation pour les magistrats de premier ressort d’interpréter les requêtes afin d’assurer l’effectivité du contrôle de légalité des actes administratifs initiaux.

A. L’obligation d’interprétation des conclusions dirigées contre un recours gracieux

Le juge rappelle un principe classique selon lequel le recours contentieux contre le rejet d’un recours gracieux doit viser la décision initiale de l’autorité. La Cour énonce qu’il « appartient, en conséquence, au juge administratif (…) d’interpréter les conclusions qui lui sont soumises comme étant aussi dirigées contre la décision administrative initiale ». En l’espèce, le tribunal administratif avait omis de statuer sur la légalité des décisions premières, ce qui constitue une méconnaissance caractérisée de son office juridictionnel. Cette solution protège les administrés contre les erreurs formelles de rédaction de leurs requêtes, dès lors que le délai de recours contentieux est respecté. L’annulation du jugement attaqué permet ainsi à la Cour d’évoquer l’affaire pour examiner la situation juridique globale de la société requérante. Cette rectification de l’erreur des premiers juges s’accompagne d’une analyse pragmatique des conditions de recevabilité de la demande introduite devant la juridiction administrative.

B. La régularisation de la qualité pour agir par l’intervention du liquidateur

Le ministre soutenait que la demande initiale était signée par une personne n’ayant pas la qualité de gérant pour représenter légalement la société concernée. La Cour écarte cette fin de non-recevoir en constatant que la procédure de liquidation judiciaire a permis une régularisation automatique des écritures produites en instance. Elle précise que le mandataire liquidateur est « désormais seul habilité à la représenter en justice et nécessairement réputé s’être approprié l’ensemble de ses écritures antérieures ». Cette approche pragmatique évite que des difficultés de représentation purement formelles n’empêchent l’examen au fond d’un litige économique né durant la crise. Une telle position favorise la continuité de l’action en justice malgré les aléas affectant la structure juridique ou la gestion interne de l’entreprise requérante. Cette validation de la procédure permet alors à la juridiction d’apprécier la légalité interne des refus d’aides opposés par les services fiscaux.

II. Une application rigoureuse des conditions d’éligibilité au fonds de solidarité

L’analyse de la légalité des décisions administratives révèle une évolution notable des critères imposés aux entreprises de restauration durant la période de crise sanitaire.

A. L’erreur de droit commise par l’administration sur le régime de novembre 2020

Concernant l’aide de novembre 2020, l’administration avait exigé le remboursement d’une subvention au motif que la restauration sur place n’était pas l’activité principale déclarée. La Cour juge que cette aide « est due à l’ensemble des entreprises exploitant un restaurant, alors même que la vente sur place ne constituerait pas leur activité principale ». En ajoutant une condition d’activité principale non prévue par les textes alors en vigueur, l’autorité administrative a commis une erreur de droit manifeste. La première condition alternative du décret du 30 mars 2020 étant remplie, le titre exécutoire émis par l’administration doit être annulé par le juge. Cette protection jurisprudentielle assure le respect strict de la hiérarchie des normes et des conditions réglementaires fixées initialement pour soutenir le secteur économique. Toutefois, cette souplesse disparaît avec les modifications réglementaires intervenues pour les périodes de subvention suivantes au cours de l’année 2021.

B. Le durcissement législatif de la condition d’activité principale pour l’année 2021

La situation diffère pour le mois de janvier 2021, car le cadre réglementaire a expressément restreint le bénéfice des aides financières aux seules activités fermées. La Cour observe que le décret « a expressément réservé le bénéfice de l’aide aux entreprises dont l’activité principale a fait l’objet d’une interdiction d’accueil ». La société réalisant l’essentiel de son activité par la vente à emporter, elle ne pouvait légalement prétendre au bénéfice de ces nouvelles dispositions plus restrictives. Par ailleurs, les magistrats confirment que les chiffres d’affaires de référence ne devaient pas subir de déductions non prévues par la lettre du texte. Cette décision souligne ainsi l’importance de la temporalité dans l’application des mesures d’urgence économique et la précision rigoureuse des éléments déclaratifs fournis. La Cour rejette finalement le surplus des demandes, marquant ainsi les limites de l’indemnisation forfaitaire face à la diversité des modèles économiques de restauration.

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Hassan KOHEN
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