La Cour administrative d’appel de Marseille, par une décision rendue le 16 juillet 2025, s’est prononcée sur le droit au séjour d’un ressortissant étranger malade. Un ressortissant albanais, souffrant d’une tétraparésie spastique consécutive à une paralysie cérébrale, a sollicité la délivrance d’un titre de séjour pour raison de santé. Le préfet des Bouches-du-Rhône a toutefois refusé cette demande par un arrêté du 1er septembre 2023, assorti d’une obligation de quitter le territoire français. Le tribunal administratif de Marseille a rejeté le recours dirigé contre cet acte par un jugement prononcé le 4 mars 2024, dont l’intéressé a interjeté appel.
La juridiction d’appel doit déterminer si les séquelles neurologiques présentées par le requérant justifient la délivrance d’un titre de séjour au regard des dispositions législatives. Le litige repose sur l’appréciation des conséquences d’un éventuel défaut de prise en charge médicale et sur l’accès effectif aux soins dans le pays d’origine. La Cour confirme le rejet de la demande en estimant que la condition de gravité exceptionnelle des conséquences n’est pas remplie en l’espèce. L’analyse de la décision permet d’étudier la rigueur de l’appréciation médicale avant d’envisager le caractère subsidiaire de l’examen de l’offre de soins.
I. La confirmation de l’absence de conséquences d’une exceptionnelle gravité
A. La prédominance de l’expertise médicale de l’office spécialisé
La Cour administrative d’appel de Marseille fonde son raisonnement sur l’avis émis par le collège des médecins de l’Office français de l’immigration et de l’intégration. Ce document technique constitue la pièce maîtresse du dossier pour évaluer si le défaut de prise en charge entraînerait des conséquences d’une exceptionnelle gravité. Les magistrats relèvent que, selon cet avis, « cet état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner de telles conséquences ». L’administration suit généralement cette expertise médicale spécialisée à moins que des éléments probants ne viennent sérieusement remettre en cause les conclusions des médecins experts.
L’avis du 6 juin 2023 précise également que l’intéressé peut voyager sans risque vers son pays d’origine, ce qui fragilise la position du demandeur au séjour. La Cour rappelle que le juge forge sa conviction au vu des échanges contradictoires et des pièces médicales produites par les différentes parties à l’instance. La présomption de régularité attachée à l’avis de l’office médical spécialisé impose ainsi au requérant de démontrer précisément l’erreur d’appréciation commise par les experts.
B. L’insuffisance probante des certificats médicaux produits en appel
Pour contester l’avis médical de l’administration, le requérant produit deux certificats émanant d’un spécialiste en médecine physique et de réadaptation assurant son suivi habituel. Ces documents soulignent que le traitement par toxine botulique montre des résultats satisfaisants sur la douleur, la rigidité spastique et les capacités fonctionnelles du patient. La Cour administrative d’appel de Marseille juge cependant que « ces documents ne suffisent pas à établir que le défaut de prise en charge pourrait entraîner des conséquences graves ». Le juge administratif opère une distinction claire entre l’utilité certaine d’un traitement médical et le seuil de gravité exceptionnelle requis par la loi.
Le simple constat d’une amélioration de l’état de santé grâce à des soins constants ne suffit pas à caractériser un risque vital ou structurel majeur. La Cour note également que les certificats médicaux se bornent à mentionner une dépendance pour les actes de la vie quotidienne sans démontrer un péril imminent. Cette appréciation souveraine des faits confirme que la pathologie congénitale, bien qu’invalidante, ne remplit pas les conditions restrictives de l’article L. 425-9 du code précité.
II. Le caractère superflu de l’examen de l’offre de soins étrangère
A. La hiérarchisation stricte des critères du code de l’entrée et du séjour
L’arrêt précise qu’en l’absence de conséquences d’une exceptionnelle gravité, l’administration n’est pas tenue d’examiner la disponibilité des soins dans le pays d’origine de l’étranger. La Cour administrative d’appel de Marseille valide explicitement ce raisonnement en indiquant que le préfet et le tribunal n’avaient pas l’obligation de se prononcer sur l’Albanie. Cette hiérarchie entre les critères légaux simplifie la procédure administrative et juridictionnelle lorsque la condition de gravité médicale n’est pas préalablement satisfaite par le demandeur. Le juge d’appel applique ainsi avec une certaine rigueur les dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
La motivation de la décision administrative peut se limiter au seul critère de l’état de santé dès lors que celui-ci est jugé insuffisant pour le titre. Cette solution juridique évite des recherches inutiles sur les systèmes de santé étrangers quand la pathologie ne justifie pas en soi une protection contre l’éloignement. La Cour réaffirme ainsi l’autonomie du critère de gravité par rapport à celui de l’offre de soins effective dans l’État de renvoi de l’étranger.
B. L’absence de démonstration d’une impossibilité de traitement en Albanie
La juridiction examine toutefois, à titre surabondant, les arguments relatifs au système de santé albanais pour répondre aux moyens soulevés par l’appelant lors de l’audience. Elle constate que le requérant n’établit pas l’impossibilité de bénéficier d’une prise en charge adaptée dans son pays en dépit de ses multiples allégations contraires. Le document médical de l’hôpital régional produit aux débats se limite en effet à signaler l’absence de services spécialisés pour les enfants souffrant de paralysie. La Cour souligne que l’intéressé a bénéficié d’un suivi médical régulier en Albanie jusqu’à sa majorité sans que son état de santé ne se dégrade.
L’entrée en France n’a pas été motivée par une insuffisance de soins dans le pays d’origine, ce qui affaiblit considérablement la thèse de l’appelant. La Cour conclut que le refus de séjour et l’obligation de quitter le territoire français ne méconnaissent pas les protections prévues pour les étrangers malades. Le jugement du tribunal administratif de Marseille est donc confirmé et la requête est intégralement rejetée par les magistrats de la quatrième chambre.