Cour d’appel administrative de Marseille, le 16 mai 2025, n°24MA01977

Par un arrêt en date du 16 mai 2025, la cour administrative d’appel de Marseille a statué sur les conditions d’appréciation du caractère réel et sérieux des études poursuivies par un étranger sollicitant le renouvellement de son titre de séjour. En l’espèce, une ressortissante colombienne, entrée en France en 2017 sous couvert d’un visa étudiant, s’est vu refuser le renouvellement de son titre de séjour par le préfet des Alpes-Maritimes le 13 février 2023. Après avoir suivi des cours de langue, l’intéressée avait entrepris une première année de licence qu’elle n’a validée qu’à l’issue d’un redoublement et avec une moyenne très faible, avant de se réorienter dans une autre filière où elle a de nouveau échoué. L’administration a fondé son refus sur l’absence de réalité et de sérieux des études. Saisi d’une demande d’annulation de cette décision, le tribunal administratif de Nice a rejeté le recours par un jugement du 17 octobre 2023. La requérante a interjeté appel de ce jugement, soutenant notamment que la décision préfectorale était entachée d’erreurs de fait et d’une appréciation inexacte de sa situation au regard des dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Il revenait donc au juge d’appel de déterminer si un parcours universitaire erratique, jalonné de redoublements et d’une réorientation infructueuse, peut légalement fonder un refus de renouvellement de titre de séjour pour défaut de sérieux des études, et ce, malgré des erreurs matérielles commises par l’administration dans l’évaluation des résultats académiques. La cour administrative d’appel a rejeté la requête, estimant que l’administration n’avait pas commis d’erreur d’appréciation en considérant que le parcours de l’étudiante ne témoignait pas d’une poursuite effective des études, et que les erreurs de fait relevées n’avaient pas vicié la décision. La décision consolide ainsi la large marge d’appréciation de l’administration dans l’évaluation globale du parcours de l’étudiant (I), tout en réaffirmant la portée limitée des autres moyens tenant à la situation personnelle de l’intéressée (II).

I. La consolidation de l’appréciation administrative du parcours de l’étudiant

La cour administrative d’appel confirme la validité du refus de séjour en s’appuyant sur une appréciation globale du parcours de l’étudiante, qui relativise la portée des succès partiels et des erreurs matérielles. Cette approche valide une interprétation extensive de la notion de sérieux des études (A) et neutralise l’impact des erreurs de fait commises par l’autorité préfectorale (B).

A. Une conception extensive du caractère réel et sérieux des études

Le renouvellement du titre de séjour portant la mention « étudiant » est subordonné à la démonstration par l’étranger qu’il poursuit un enseignement en France, conformément à l’article L. 422-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Le juge administratif exerce un contrôle sur la correcte application de ce critère, en vérifiant si l’administration a pu « raisonnablement regarde[r] comme poursuivant effectivement des études » le demandeur. En l’espèce, la cour évalue la réalité de la poursuite des études non pas sur une seule année, mais à travers une analyse rétrospective de l’ensemble du cursus depuis l’arrivée sur le territoire. Elle constate une inscription de près de trois ans dans un institut de langue, suivie d’une première année de licence obtenue au rattrapage après un redoublement, puis d’une réorientation soldée par un échec. La cour estime que « le défaut de sérieux et de réalité des études suivies que cette absence de diplôme révélait justifiait le refus de renouvellement du titre de séjour ». Ce faisant, elle considère que ni la réussite à des examens de langue non diplômants ni la validation in extremis d’une seule année universitaire en plusieurs tentatives ne suffisent à établir la consistance du projet d’études. L’appréciation se fonde donc sur la progression et la cohérence globale du parcours plutôt que sur des résultats isolés.

B. La neutralisation des erreurs de fait par une appréciation d’ensemble

La requérante soulevait à juste titre que l’arrêté préfectoral était entaché de plusieurs erreurs factuelles concernant ses résultats universitaires. Le juge d’appel reconnaît explicitement ces erreurs, notant que l’administration a retenu une moyenne inférieure à la réalité pour une année et a considéré l’étudiante comme ajournée alors qu’elle avait été admise au rattrapage. Toutefois, la cour écarte le moyen en affirmant que « le préfet aurait pris la même décision s’il n’avait pas commis ces erreurs ». Cette application de la théorie des motifs surabondants, bien que classique, démontre la force de l’appréciation globale du dossier. Pour le juge, les erreurs matérielles sur les notes sont secondaires par rapport à la trajectoire générale de l’étudiante, caractérisée par une stagnation et un manque de réussite tangible sur plusieurs années. La décision suggère qu’une absence de progression significative et l’échec dans une nouvelle filière constituent des éléments si déterminants qu’ils absorbent les inexactitudes commises par l’administration. Le contrôle du juge se concentre ainsi sur la substance du dossier académique plutôt que sur la précision arithmétique de chaque élément pris en compte.

II. La portée limitée des circonstances personnelles et des droits connexes

Face à la constatation du défaut de sérieux des études, la cour écarte logiquement les autres arguments soulevés par la requérante. Elle juge que les problèmes de santé et l’intégration sociale de l’intéressée ne sont pas de nature à infléchir la décision (A) et que les droits accessoires à la poursuite des études deviennent inopérants (B).

A. L’inefficacité des arguments liés à la situation personnelle

La requérante invoquait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale ainsi que des problèmes de santé pour contester la décision. La cour rejette ces arguments de manière concise. D’une part, elle relève que l’intéressée, arrivée récemment en France en 2017, ne justifie d’aucune attache privée ou familiale particulière sur le territoire et n’allègue pas en être dépourvue dans son pays d’origine. L’atteinte à l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales est donc jugée inexistante. D’autre part, si la requérante fait état d’une dépression et de pertes de mémoire, le juge estime que « les éléments médicaux qu’elle produit ne permettent pas d’établir l’existence d’une pathologie neurocognitive ». En l’absence d’une preuve circonstanciée d’une pathologie ayant directement et gravement impacté sa capacité à étudier, ces éléments ne sauraient justifier les échecs répétés et, par conséquent, ne peuvent vicier l’appréciation de l’administration. La décision réaffirme ainsi qu’en matière de séjour pour études, les considérations personnelles ne peuvent primer que de manière exceptionnelle sur l’exigence d’un parcours académique sérieux.

B. Le rejet logique des droits accessoires au statut d’étudiant

L’arrêt écarte également les moyens tirés de la violation du droit à l’éducation et des vices de procédure affectant l’obligation de quitter le territoire français. Concernant le droit à l’éducation, protégé notamment par le premier protocole additionnel à la Convention européenne, le juge rappelle qu’il « ne peuvent utilement être invoqués à l’encontre d’un refus de renouvellement d’un titre de séjour en qualité d’étudiant dès lors que ce refus est justifié par l’absence de sérieux des études ». Cette position constante signifie que le droit à l’éducation ne confère pas un droit inconditionnel au séjour pour l’étudiant étranger ; il est subordonné au respect des conditions posées par le droit au séjour lui-même. De même, les contestations visant l’obligation de quitter le territoire sont balayées en application d’une jurisprudence établie. Le juge rappelle que cette mesure étant la conséquence directe du refus de séjour, elle n’exige ni motivation distincte, ni procédure contradictoire spécifique dès lors que l’intéressé a pu faire valoir ses observations sur la demande de titre elle-même. La solution confirme la nature ancillaire de ces garanties par rapport à la décision principale de refus de titre.

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Hassan KOHEN
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Hassan Kohen

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