Cour d’appel administrative de Marseille, le 17 février 2025, n°24MA02822

Par un arrêt en date du 17 février 2025, la Cour administrative d’appel de Marseille a rejeté la requête d’un ressortissant algérien dirigée contre un jugement du tribunal administratif de Marseille du 26 juin 2024, lequel avait validé le refus du préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour et l’obligation de quitter le territoire français qui l’accompagnait. En l’espèce, un ressortissant algérien, entré régulièrement en France avec son fils mineur, avait sollicité la délivrance d’un titre de séjour en sa qualité de parent d’un enfant malade, après l’expiration de son autorisation provisoire de séjour. Le préfet a rejeté sa demande au motif que l’enfant pouvait bénéficier d’un traitement approprié dans son pays d’origine. Saisi par le requérant, le tribunal administratif de Marseille a confirmé la légalité de cette décision. Le requérant a donc interjeté appel de ce jugement, soutenant notamment une inexacte application des textes, une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale et une méconnaissance de l’intérêt supérieur de son enfant. Se posait alors à la Cour la question de savoir si le refus de séjour, fondé sur la disponibilité d’un traitement approprié dans le pays d’origine, portait une atteinte excessive au droit à la vie privée et familiale d’un étranger dont l’enfant nécessite un dispositif médical spécifique non commercialisé dans ledit pays. La Cour administrative d’appel de Marseille répond par la négative, considérant que le requérant n’établissait pas l’absence de dispositif de lavement équivalent et substituable en Algérie et que, au regard de ses attaches familiales dans son pays d’origine et de son arrivée récente en France, la décision préfectorale n’était pas entachée d’une erreur d’appréciation.

La solution retenue par la Cour administrative d’appel témoigne d’une application rigoureuse des conditions de délivrance du titre de séjour (I), la conduisant à faire prévaloir la marge d’appréciation de l’administration dans la mise en balance des intérêts en présence (II).

I. La réaffirmation d’une appréciation rigoureuse des conditions de délivrance du titre de séjour

La Cour fonde sa décision sur une interprétation stricte du droit applicable aux ressortissants algériens (A) et fait peser sur le requérant une charge de la preuve exigeante quant à l’indisponibilité du traitement (B).

A. L’application exclusive de l’accord franco-algérien

Le juge d’appel prend soin de rappeler le cadre juridique pertinent en matière de droit au séjour des ressortissants algériens. Il écarte d’emblée les dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, rappelant que « l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissant de manière exclusive la situation des ressortissants algériens au regard du droit au séjour ». Cette précision liminaire réaffirme le principe de spécialité de cet accord, qui déroge au droit commun des étrangers. Le requérant ne pouvait donc utilement se prévaloir des articles L. 425-9 et L. 425-10 de ce code. De même, la Cour écarte l’invocation du 7° de l’article 6 de l’accord, qui concerne l’étranger malade pour lui-même et non le parent d’un enfant malade. En procédant à cette requalification, le juge administratif ancre son raisonnement dans le seul terrain juridique opérant, à savoir les stipulations relatives à la vie privée et familiale et à l’intérêt supérieur de l’enfant, qui étaient implicitement mais nécessairement invoquées.

B. La charge de la preuve de l’indisponibilité du traitement, un élément central

Le cœur de l’argumentation du requérant reposait sur l’état de santé de son fils, qui requiert l’emploi d’un système d’irrigation spécifique non commercialisé en Algérie. La Cour ne conteste pas cette dernière circonstance. Cependant, elle estime qu’il « ne ressort pas des pièces du dossier qu’aucun dispositif de lavement équivalent et substituable au « Peristeen » ne serait disponible en Algérie ». Par cette formule, le juge administratif place le fardeau probatoire sur les épaules du demandeur. Il ne s’agit pas pour l’administration de prouver l’existence d’une alternative thérapeutique, mais pour l’étranger de démontrer l’absence totale de solution médicale appropriée. Cette exigence de preuve, bien que classique en contentieux administratif, se révèle particulièrement difficile à satisfaire pour un particulier. Le juge effectue ainsi un contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation qui se concentre non pas sur l’indisponibilité d’un produit précis, mais sur l’accès effectif à des soins adaptés, quelle que soit leur forme, dans le pays d’origine.

Cette analyse rigoureuse des conditions légales et factuelles conduit logiquement la Cour à valider la décision préfectorale au terme d’un contrôle de proportionnalité.

II. La prévalence de la marge d’appréciation de l’administration dans la balance des intérêts

Le juge estime que l’atteinte portée aux droits du requérant est mesurée au regard de sa situation personnelle (A), livrant ainsi une solution d’espèce qui s’inscrit dans le cadre d’une jurisprudence bien établie (B).

A. Une atteinte jugée proportionnée au droit à la vie privée et familiale

La Cour procède à une balance concrète des intérêts en présence, comme l’exige le contrôle de conventionnalité au regard de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme. D’un côté, elle prend en compte les attaches de l’intéressé en France, constituées par la présence de son fils malade, de sa fratrie et d’une cousine. De l’autre, elle relève des éléments déterminants tenant à sa vie privée et familiale en Algérie, où résident son épouse et ses quatre autres enfants. L’arrêt souligne également que le requérant a quitté son pays « à l’âge de cinquante ans » et y a donc vécu la majeure partie de son existence. Au regard de cette faible intégration sur le territoire français et de la persistance de liens familiaux forts dans son pays d’origine, la Cour conclut que « le préfet n’a pas porté au droit de M. B… au respect de sa vie privée et familiale ou à l’intérêt supérieur de l’enfant une atteinte disproportionnée ». L’intérêt de l’enfant, bien que primordial, n’est donc pas jugé suffisant pour l’emporter sur les considérations tenant à la maîtrise des flux migratoires lorsque des attaches familiales substantielles et une possibilité de traitement existent dans le pays d’origine.

B. Une solution d’espèce s’inscrivant dans une jurisprudence constante

En définitive, cet arrêt ne constitue pas un revirement de jurisprudence mais une application classique du contrôle exercé par le juge administratif en matière de police des étrangers. La décision est éminemment une décision d’espèce, sa solution étant entièrement dépendante des faits soumis à l’appréciation des juges. Elle illustre la méthode du faisceau d’indices, où le juge pondère l’ensemble des éléments de la situation personnelle et familiale de l’étranger. La date d’entrée en France, l’âge, l’intensité des liens familiaux en France et dans le pays d’origine, ainsi que l’appréciation concrète de l’offre de soins sont autant de critères qui forgent la conviction du juge. Pour les mêmes motifs factuels, la Cour écarte l’existence d’une erreur manifeste dans l’appréciation des conséquences de la décision sur la situation du requérant. Cette décision rappelle ainsi que si le droit au séjour pour des motifs de santé est une garantie importante, sa mise en œuvre demeure soumise à des conditions strictes dont l’appréciation relève, sous le contrôle du juge, de l’autorité préfectorale.

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Hassan KOHEN
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