Cour d’appel administrative de Marseille, le 17 juin 2025, n°25MA00706

Par un arrêt rendu le 17 juin 2025, la Cour administrative d’appel de Marseille a précisé les conditions de retrait d’un titre de séjour pour menace à l’ordre public. Un ressortissant étranger, résidant en France depuis l’enfance, a subi le retrait de sa carte pluriannuelle suite à une condamnation pour agression sexuelle sur mineur. Le Tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande d’annulation par un jugement du 24 février 2025, décision dont l’intéressé a interjeté appel devant la juridiction marseillaise. Le litige porte sur l’équilibre délicat entre la sauvegarde de la sécurité publique et le respect de la vie privée d’un étranger durablement établi sur le territoire. La Cour administrative d’appel confirme la solution des premiers juges en estimant que la gravité des faits l’emporte sur l’ancienneté de la présence en France. Cette analyse nécessite d’étudier la caractérisation de la menace à l’ordre public (I), avant d’examiner la proportionnalité de la mesure au regard de la vie privée (II).

I. La caractérisation de la menace à l’ordre public comme fondement du retrait du titre

A. Une appréciation fondée sur la gravité intrinsèque des infractions commises

La Cour administrative d’appel de Marseille rappelle d’abord les dispositions de l’article L. 432-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Ce texte prévoit qu’une « carte de séjour temporaire ou pluriannuelle peut, par une décision motivée, être retirée à tout étranger dont la présence constitue une menace ». Les juges marseillais considèrent que des faits d’agression sexuelle sur mineur justifient pleinement une telle mesure administrative sans qu’une erreur manifeste d’appréciation ne soit caractérisée. L’administration dispose ici d’un pouvoir d’appréciation étendu pour sanctionner un comportement qui heurte frontalement les valeurs fondamentales de la société et la protection des mineurs.

B. La prévalence de la sécurité publique malgré les efforts de réinsertion

Le requérant invoquait le caractère isolé des faits et le suivi d’un stage de responsabilisation pour contester la réalité de la menace actuelle pour l’ordre public. La juridiction rejette cet argument en soulignant que le stage et l’indemnisation de la victime constituaient des obligations découlant directement de la condamnation pénale probatoire. Les magistrats affirment que « compte tenu de la nature des faits commis et de leur gravité », le préfet pouvait légalement constater l’existence d’une menace réelle. La temporalité de l’infraction, qualifiée de récente à la date de l’arrêté préfectoral, renforce la légitimité de la mesure d’éloignement prise par l’autorité administrative.

II. Une atteinte proportionnée aux droits fondamentaux garantis par la convention européenne

A. La relativité de l’insertion économique face à l’insuffisance des preuves familiales

L’examen de la légalité du retrait implique un contrôle de proportionnalité au regard de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme. Bien que l’intéressé dispose d’un emploi stable et soit propriétaire d’un logement, la Cour relève que cette insertion ne présente pas de caractère remarquable. Les juges notent également que le requérant ne produit aucun document d’état civil probant permettant d’attester de la réalité de ses liens familiaux allégués en France. Ils précisent ainsi que « l’intégration socio-économique dont [l’intéressé] peut se prévaloir ne présente pas de caractère particulièrement remarquable » au regard des exigences de sécurité.

B. La validité des mesures d’éloignement et d’interdiction du territoire

L’interdiction de retour pour une durée de trois ans est également confirmée par la Cour administrative d’appel de Marseille sur le fondement de l’article L. 612-6. Cette mesure accessoire doit tenir compte de la durée de présence sur le territoire mais aussi de la menace que représente la présence de l’étranger. La juridiction administrative considère que la menace précédemment caractérisée justifie l’absence de délai de départ volontaire et le prononcé d’une interdiction de retour significative. L’arrêt souligne enfin que la propriété immobilière peut être gérée à distance, ce qui limite l’impact disproportionné de l’éloignement sur le patrimoine du requérant.

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Hassan KOHEN
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