Par un arrêt rendu le 17 septembre 2025, la Cour administrative d’appel de Marseille précise les conditions de recevabilité d’une requête introductive d’instance. Une agente publique a sollicité le bénéfice de la protection fonctionnelle auprès de son administration en raison de faits qualifiés de harcèlement moral et de discrimination. Suite au rejet tacite de sa demande et de son recours hiérarchique, l’intéressée a saisi le tribunal administratif de Marseille d’un recours en annulation. Par une ordonnance du 25 février 2025, le président de la quatrième chambre de cette juridiction a rejeté sa demande pour irrecevabilité manifeste. Le premier juge estimait que la requête ne satisfaisait pas à l’exigence de motivation prévue par les dispositions du code de justice administrative. La requérante a alors interjeté appel contre cette décision en soutenant que sa requête contenait l’exposé d’un moyen de droit. Le litige porte sur le degré de précision requis pour qu’un moyen soit considéré comme valablement exposé au sens de l’article R. 411-1 du code susmentionné. La Cour administrative d’appel annule l’ordonnance attaquée en jugeant que l’énoncé d’un moyen, même non précisé, suffit à rendre la requête recevable.
**I. L’admission d’une motivation sommaire au titre de la recevabilité de la requête**
**A. L’existence d’un moyen juridique suffisant à la saisine de la juridiction**
L’article R. 411-1 du code de justice administrative impose que la requête contienne l’exposé des faits et des moyens sous peine d’irrecevabilité. Dans cette affaire, la requérante invoquait une erreur manifeste d’appréciation à l’encontre des décisions de rejet de la protection fonctionnelle. Elle avait également pris le soin d’annoncer la production ultérieure d’un mémoire complémentaire pour étayer ses prétentions initiales. La Cour relève que « cette requête contenait ainsi un moyen, alors même que celui-ci n’était pas, à ce stade, assorti des précisions permettant d’en apprécier le bien-fondé ». L’identification d’un grief de légalité suffit donc à interrompre le délai de recours contentieux et à lier l’instance devant le juge administratif. Cette solution privilégie une approche souple de la motivation initiale afin de ne pas fermer prématurément l’accès au juge pour les justiciables.
**B. La distinction entre l’existence du moyen et la précision de son bien-fondé**
Le juge d’appel sépare nettement l’exigence de motivation de la requête de la question de la preuve ou du détail des arguments présentés. Une requête peut être recevable dès lors qu’un moyen est identifié, même si ce dernier apparaît trop lacunaire pour emporter la conviction du juge. La Cour administrative d’appel de Marseille souligne que la requérante « n’était donc pas à cet égard irrecevable » malgré l’absence de faits précis au soutien de son moyen. Cette distinction protège le requérant contre un rejet brutal avant qu’il n’ait pu produire le mémoire complémentaire annoncé lors de sa saisine. Le respect de cette règle garantit que l’examen du fond de l’affaire ne soit pas évincé par une interprétation trop rigoureuse des formes procédurales.
**II. La sanction du recours irrégulier à l’ordonnance de rejet pour irrecevabilité manifeste**
**A. Le constat d’une application erronée des pouvoirs du juge statuant par ordonnance**
Le président de chambre du tribunal administratif avait fait usage des pouvoirs prévus au 4° de l’article R. 222-1 du code de justice administrative. Ces dispositions permettent de rejeter par ordonnance les requêtes manifestement irrecevables sans qu’une invitation à régulariser ne soit nécessaire dans certains cas. La Cour considère qu’en jugeant la requête irrecevable pour défaut de motivation, le premier juge « a fait une application erronée des dispositions » de cet article. L’ordonnance ne pouvait légalement intervenir puisque la condition relative à l’exposé d’un moyen de droit était techniquement remplie par la requérante. Le juge de première instance a donc confondu l’absence de motivation avec une motivation jugée insuffisante pour faire droit à la demande au fond.
**B. L’annulation de l’ordonnance et la garantie d’un double degré de juridiction par le renvoi**
L’irrégularité commise par le tribunal administratif entraîne nécessairement l’annulation de l’ordonnance et le renvoi de l’affaire devant cette même juridiction. La Cour administrative d’appel de Marseille décide que « le jugement de l’affaire est renvoyé devant le tribunal administratif de Marseille » pour un examen au fond. Cette procédure assure le respect du double degré de juridiction en permettant au premier juge de statuer à nouveau sur la légalité des actes. Elle évite que la Cour ne se prononce immédiatement sur des faits de harcèlement moral qui n’ont pas encore été débattus contradictoirement. L’arrêt réaffirme ainsi l’importance de la phase d’instruction et le droit pour chaque partie de voir son affaire examinée selon les règles ordinaires.