La Cour administrative d’appel de Marseille a rendu, le 18 septembre 2025, un arrêt relatif aux conditions de recevabilité et de preuve d’une réclamation fiscale. Une société soumise à l’impôt sur les sociétés a déposé une déclaration rectificative déficitaire deux ans après avoir initialement déclaré un résultat bénéficiaire important. Le tribunal administratif a rejeté sa demande de restitution, décision confirmée en appel avant que le Conseil d’Etat n’annule l’arrêt pour une erreur de droit. La juridiction de renvoi doit déterminer si la déclaration rectificative tardive constitue une réclamation préalable et si les preuves fournies justifient la réalité du déficit. Les juges admettent la recevabilité de la requête mais la rejettent au fond car la société ne démontre pas l’exagération de l’imposition qu’elle a elle-même souscrite. Ce commentaire analysera d’abord l’admission libérale de la déclaration rectificative comme réclamation (I) puis la rigueur de l’exigence probatoire pesant sur le contribuable (II).
I. La qualification de la déclaration rectificative en réclamation préalable
A. L’assimilation de la déclaration tardive à une réclamation contentieuse
L’arrêt dispose qu’une « déclaration rectificative qui tend, par elle-même, à la réparation d’erreurs commises dans l’assiette » constitue une réclamation préalable au sens législatif. Cette qualification juridique est subordonnée à la condition que le document soit déposé auprès de l’administration fiscale après l’expiration du délai de déclaration de droit commun. La Cour administrative d’appel applique ici une lecture finaliste des dispositions du livre des procédures fiscales afin de préserver les droits de la défense du contribuable. Cette solution permet d’éviter un formalisme rigide qui imposerait la rédaction d’un mémoire spécifique alors que la déclaration rectificative expose déjà l’objet du litige.
B. La levée de l’irrecevabilité opposée par l’administration fiscale
Le juge constate que la liasse fiscale rectificative a été déposée en mars 2016 pour un exercice clos en 2013, soit après le délai légal. Cette démarche constitue donc une réclamation préalable valable, ce qui entraîne l’écartement de la fin de non-recevoir soulevée par le ministre chargé du budget. La Cour se conforme ainsi à la décision de cassation du Conseil d’Etat qui imposait d’examiner les prétentions du contribuable malgré l’absence de réclamation formelle. Cette étape procédurale franchie permet d’aborder l’examen du bien-fondé de l’imposition et la véracité des écritures comptables présentées par la société pour obtenir décharge.
II. La rigueur de l’exigence probatoire relative au bien-fondé de l’imposition
A. La charge de la preuve pesant sur le déclarant initial
L’imposition ayant été établie d’après les bases indiquées dans la déclaration souscrite par la société, il appartient à cette dernière de « démontrer son caractère exagéré ». Cette règle probatoire fondamentale interdit au contribuable de se prévaloir de ses propres erreurs sans apporter des éléments de justification précis, extérieurs et incontestables. Le juge administratif rappelle que l’administration n’est pas tenue de mettre en œuvre son pouvoir de contrôle pour suppléer la carence probatoire du demandeur à l’instance. La présomption d’exactitude attachée à la déclaration initiale ne peut être combattue que par une preuve positive dont la charge repose exclusivement sur la requérante.
B. L’insuffisance des éléments comptables produits pour justifier le déficit
La société produit des documents comptables édités sept ans après l’exercice litigieux ainsi qu’une note explicative dont l’auteur et la date demeurent totalement inconnus. Ces pièces ne sont « assorties d’aucun document démontrant le défaut de perception des produits financiers » qui avaient pourtant été déclarés comme acquis lors de l’exercice. La Cour estime que la seule production de balances et de grands livres ne suffit pas à établir la réalité matérielle d’un déficit fiscal occulte. Le rejet final illustre la vigilance constante du juge administratif face aux tentatives de régularisation a posteriori qui ne s’appuient sur aucune pièce justificative probante.