Par un arrêt en date du 19 juin 2025, la cour administrative d’appel s’est prononcée sur la légalité d’un refus de titre de séjour opposé à un ressortissant algérien pour des motifs médicaux. En l’espèce, un individu de nationalité algérienne, entré régulièrement en France, avait sollicité son admission au séjour en raison de son état de santé. Le préfet du Var, se fondant sur les dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, a rejeté sa demande par un arrêté du 14 juin 2024, assortissant sa décision d’une obligation de quitter le territoire français. L’intéressé a saisi le tribunal administratif de Toulon, qui a rejeté son recours par un jugement du 26 novembre 2024. Le requérant a alors interjeté appel de ce jugement, contestant la légalité de la décision préfectorale en invoquant notamment la méconnaissance des textes applicables et une atteinte à son droit au respect de la vie privée et familiale. La question soumise à la cour était double : d’une part, le juge administratif peut-il, de sa propre initiative, corriger une erreur de base légale commise par l’administration sans annuler l’acte contesté ? D’autre part, le refus de séjour, fondé sur un avis médical estimant qu’un traitement approprié existe dans le pays d’origine, constitue-t-il une atteinte disproportionnée aux droits fondamentaux du demandeur ? La cour administrative d’appel a répondu à la première question par l’affirmative, en procédant à une substitution de base légale, et à la seconde par la négative, en confirmant l’appréciation portée sur la situation médicale et personnelle du requérant. L’arrêt illustre ainsi l’étendue de l’office du juge dans la régularisation d’une décision administrative (I), avant de confirmer une application rigoureuse des conditions de fond pour l’octroi d’un titre de séjour pour raison de santé (II).
I. L’office du juge dans la régularisation d’une décision fondée sur une base légale erronée
La cour administrative d’appel a d’abord rectifié une erreur de droit manifeste commise par l’administration en appliquant un mécanisme jurisprudentiel de substitution. Cette intervention a permis de sauver l’acte de l’annulation, en réaffirmant la primauté du texte spécial sur la loi générale (A), tout en encadrant strictement les conditions de cette régularisation contentieuse (B).
A. La nécessaire substitution d’un texte inapplicable
La décision préfectorale contestée était fondée sur l’article L. 425-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Or, le juge d’appel rappelle une règle bien établie en droit des étrangers, selon laquelle le régime applicable aux ressortissants algériens est défini de manière exclusive par l’accord franco-algérien. La cour énonce ainsi clairement que la demande du requérant « ne relève pas de l’article L. 425-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, qui n’est pas applicable aux ressortissants algériens dont la situation est entièrement régie par les stipulations de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ». Cette affirmation consacre la nature dérogatoire et complète de l’accord, qui fait obstacle à l’application du droit commun en la matière. L’erreur commise par le préfet était donc substantielle et aurait dû, en principe, entraîner l’annulation de sa décision pour incompétence négative, l’administration s’étant crue à tort liée par un texte qui ne lui était pas applicable.
B. La mise en œuvre d’un mécanisme de régularisation jurisprudentielle
Plutôt que d’annuler la décision, la cour a usé de son pouvoir de substitution de base légale, une construction jurisprudentielle lui permettant de valider un acte administrativement mal fondé en droit. Elle rappelle les conditions de ce mécanisme en des termes classiques : « le juge de l’excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l’intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l’application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée ». La cour a vérifié que le pouvoir d’appréciation du préfet était identique sous l’empire de l’accord franco-algérien et que le requérant n’avait été privé d’aucune garantie. De plus, agissant de sa propre initiative, le juge a pris soin de respecter le principe du contradictoire en informant préalablement les parties de son intention de procéder à cette substitution, démontrant une volonté de concilier l’efficacité administrative et le respect des droits de la défense.
II. Le rejet confirmé des moyens relatifs à l’état de santé et à la vie privée
Après avoir purgé la décision de son vice de forme, la cour examine les arguments de fond du requérant. Elle confirme l’analyse du préfet en s’appuyant sur le poids déterminant de l’expertise médicale (A), ce qui la conduit logiquement à écarter l’existence d’une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale du requérant (B).
A. Le poids déterminant de l’avis médical dans l’appréciation de la situation
La délivrance du titre de séjour au titre de l’article 6, 7) de l’accord franco-algérien est subordonnée à une double condition cumulative : l’état de santé doit nécessiter une prise en charge médicale dont le défaut entraînerait des conséquences d’une exceptionnelle gravité, et l’étranger ne doit pas pouvoir « effectivement bénéficier d’un traitement approprié dans son pays ». Pour évaluer cette seconde condition, le préfet s’est fondé sur un avis du collège de médecins de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII). La cour rappelle la portée d’un tel avis, qui fait peser une présomption sur l’existence ou non d’un traitement approprié. Le requérant, malgré la production de certificats de son psychiatre, n’a pas réussi à renverser cette présomption. Le juge estime qu’il « ne démontre pas que, contrairement à ce qu’a estimé, après examen médical, le collège de médecins de l’OFII, il ne peut bénéficier d’un traitement approprié dans son pays d’origine ». Cette approche, centrée sur la charge de la preuve, montre que le juge administratif se refuse à substituer son appréciation à celle des experts médicaux, sauf en cas de preuve contraire flagrante apportée par le requérant.
B. L’absence d’atteinte disproportionnée au droit à la vie privée et familiale
Le requérant invoquait enfin une violation de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. La cour procède à un contrôle de proportionnalité en mettant en balance les intérêts en présence. Elle constate que l’intéressé ne réside en France que « depuis seulement un an à la date de la décision attaquée » et n’est « pas dépourvu d’attaches personnelles et familiales en Algérie, où réside notamment sa mère ». Bien qu’il vive en France auprès de son père et de son oncle, ces éléments ne suffisent pas à caractériser une intégration telle que le refus de séjour porterait une atteinte excessive à son droit au respect de la vie privée et familiale. Le raisonnement de la cour lie explicitement cette appréciation à la conclusion précédente sur son état de santé, notant que celui-ci « ne nécessite pas son maintien en France ». La décision de refus de séjour est donc considérée comme une mesure proportionnée aux objectifs de maîtrise des flux migratoires.