Cour d’appel administrative de Marseille, le 20 décembre 2024, n°23MA00911

Par un arrêt du 20 décembre 2024, la Cour administrative d’appel de Marseille précise les conditions de légalité d’un changement d’affectation dans la fonction publique. Un agent de maîtrise exerçait les fonctions de responsable adjoint avant d’être suspendu puis réaffecté comme conducteur d’engins par le nouveau maire. Estimant subir une sanction déguisée et un harcèlement moral, l’intéressé a sollicité l’annulation des décisions et une indemnisation de cent mille euros. Le Tribunal administratif de Toulon ayant rejeté ses demandes le 10 février 2023, le requérant a saisi la juridiction d’appel pour obtenir réparation. Les juges d’appel devaient examiner la régularité du premier jugement ainsi que la réalité des griefs portant sur la gestion de la carrière. La Cour annule partiellement le jugement pour vice de procédure mais rejette les conclusions au fond après avoir analysé les nécessités du service. L’analyse de cette décision suppose d’examiner d’abord la régularité de la procédure avant d’apprécier la qualification juridique des faits de harcèlement.

**I. La sanction de l’irrégularité juridictionnelle et la légalité de la réaffectation d’office**

**A. L’annulation du jugement pour méconnaissance du principe du contradictoire**

Les magistrats constatent que le Tribunal administratif de Toulon a omis de communiquer un mémoire contenant des éléments de fait nouveaux avant l’audience. Ce défaut de communication porte atteinte au caractère contradictoire de l’instruction, imposant ainsi l’annulation de la partie du jugement relative aux conclusions indemnitaires. La Cour décide alors de statuer immédiatement sur la demande de réparation en utilisant son pouvoir d’évocation pour examiner les griefs au fond. « Le jugement a été rendu à la suite d’une procédure irrégulière » et doit être partiellement censuré pour garantir le droit à un procès équitable.

**B. La validité d’une mutation justifiée par des nécessités de réorganisation**

La mutation d’un agent vers un poste moins qualifié constitue une « mesure prise en considération de la personne » imposant le respect des garanties procédurales. L’administration justifie toutefois ce changement par des « difficultés managériales constatées » qui perturbaient gravement le fonctionnement collectif des services techniques de la commune concernée. Le juge valide cette réorganisation car elle répond à un intérêt général du service et ne présente pas les caractéristiques d’une sanction déguisée illégale. La validation de la mutation conduit naturellement à s’interroger sur la réalité du harcèlement moral invoqué par l’agent au soutien de sa demande.

**II. La preuve du harcèlement moral à l’épreuve des nécessités du service**

**A. L’absence de présomption de harcèlement malgré la dégradation statutaire**

Le requérant doit présenter des faits précis laissant supposer l’existence d' »agissements répétés de harcèlement moral » ayant pour effet de dégrader ses conditions de travail. La suppression d’une bonification indiciaire ou le retrait de responsabilités d’encadrement ne suffisent pas à établir une telle présomption de faute administrative. Les preuves sonores apportées par l’agent ne révèlent aucune intention malveillante de l’autorité territoriale, se bornant à discuter des capacités professionnelles de l’intéressé. La Cour administrative d’appel de Marseille maintient une interprétation stricte des critères de harcèlement pour éviter de sanctionner de simples ajustements managériaux.

**B. La justification des agissements administratifs par des motifs de gestion**

La collectivité démontre avoir fourni le matériel de protection sanitaire nécessaire et organisé les services pour faire face aux contraintes de l’épidémie mondiale. Certains désagréments comme le retard de livraison de chaussures de sécurité « ne sauraient établir une intention de dégrader les conditions de travail » de l’agent. L’ensemble des faits invoqués « révèlent une situation conflictuelle » sans pour autant caractériser une volonté de nuire ou un harcèlement moral juridiquement sanctionnable. La juridiction rejette par conséquent les conclusions indemnitaires de l’agent en confirmant que l’administration a agi dans le cadre de son pouvoir de direction.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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