La cour administrative d’appel de Marseille a rendu le 20 décembre 2024 un arrêt portant sur l’indemnisation des préjudices liés à l’exposition à l’amiante. Le requérant a été employé dans des ateliers de la marine entre 1966 et 1999, période durant laquelle il fut exposé à des poussières nocives. Il a formé une réclamation indemnitaire en 2016 afin d’obtenir réparation de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d’existence.
Le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande le 13 juin 2024 en accueillant l’exception de prescription quadriennale soulevée par l’administration. L’intéressé a interjeté appel de ce jugement en soutenant que le point de départ de la prescription n’était pas valablement établi par l’autorité publique. Il affirme que l’absence de notification formelle de son attestation d’exposition empêche le déclenchement du délai et invoque la méconnaissance du droit au procès équitable.
Le litige soulève la question de l’identification de la date à laquelle la réalité du risque est révélée à l’agent pour faire courir la prescription. La cour administrative d’appel de Marseille confirme la solution de première instance en jugeant que la délivrance d’une attestation d’exposition suffit à caractériser cette connaissance. L’analyse portera sur les modalités de déclenchement de la prescription avant d’examiner la conformité de cette règle aux exigences de la convention européenne.
I. L’acquisition de la connaissance du risque comme point de départ de la prescription
A. La matérialisation de la connaissance par l’attestation d’exposition
L’article 1er de la loi du 31 décembre 1968 prévoit que les créances sur l’administration se prescrivent par quatre ans après l’acquisition des droits. La jurisprudence précise que ces droits sont acquis lorsque la réalité et l’étendue des préjudices sont entièrement révélées et peuvent être exactement mesurées.
La cour administrative d’appel de Marseille souligne que le requérant est regardé comme ayant eu connaissance de l’étendue du risque à compter de la perception de l’attestation. Ce document énumère précisément les périodes d’affectation sur des bâtiments contenant de l’amiante, permettant ainsi de mesurer l’ampleur de l’anxiété subie par l’agent.
B. L’absence d’exigence formelle quant à la notification du document
L’autorité administrative n’est pas tenue de notifier l’attestation d’exposition par lettre recommandée avec accusé de réception ou par une remise contre un récépissé. Cette souplesse probatoire s’explique par la finalité du document qui vise uniquement à permettre au bénéficiaire de solliciter une surveillance médicale post-professionnelle.
L’attestation résulte d’une demande de l’intéressé, ce qui induit une présomption de réception dans les délais d’acheminement postaux habituels selon les juges d’appel. La juridiction considère que la connaissance du risque est intervenue au cours de l’année de l’établissement de l’acte, déclenchant ainsi le délai légal.
La détermination souveraine du point de départ de la prescription invite à confronter la rigueur de cette règle aux garanties fondamentales du procès.
II. La validation de la rigueur temporelle au regard des exigences conventionnelles
A. La proportionnalité du délai de prescription au but de sécurité juridique
Le requérant dénonçait une atteinte au droit à un procès équitable en raison de la fixation stricte du point de départ du délai de prescription. La cour administrative d’appel de Marseille écarte ce moyen en rappelant que la loi de 1968 garantit la sécurité juridique de la puissance publique.
Le droit à un tribunal n’est pas absolu et supporte des limitations proportionnées aux objectifs d’intérêt général poursuivis par le législateur dans l’ordre juridique. Les juges affirment que le délai quadriennal ne présente pas un caractère exagérément court et respecte les exigences de la convention européenne de sauvegarde.
B. L’effectivité préservée du recours juridictionnel malgré la forclusion
La juridiction rejette l’argument tiré de la violation de l’article 13 de la convention européenne relatif au droit à l’octroi d’un recours effectif. La mise en œuvre de la prescription n’a pas eu pour effet de priver l’intéressé de la possibilité concrète de saisir un tribunal.
Le refus d’indemnisation découle de l’inaction du créancier qui n’a pas manifesté sa prétention dans les temps impartis par le droit positif en vigueur. La requête est rejetée car la créance était éteinte avant l’introduction de la réclamation préalable auprès de l’autorité administrative compétente pour statuer.