Cour d’appel administrative de Marseille, le 20 décembre 2024, n°24MA01981

La Cour administrative d’appel de Marseille a rendu, le 20 décembre 2024, une décision relative à la responsabilité de l’Etat pour les risques liés à l’amiante. Un ancien agent de la marine nationale sollicitait l’indemnisation de son préjudice moral résultant de son exposition professionnelle prolongée à des matériaux toxiques. Le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande par un jugement du 13 juin 2024 en opposant la prescription quadriennale des créances publiques. Le requérant a interjeté appel devant la juridiction marseillaise en contestant la date de départ du délai de prescription retenue par les premiers juges. Le litige porte sur la détermination du moment où le créancier est réputé avoir eu connaissance de la réalité et de l’étendue de ses préjudices. L’examen de cette décision permet d’étudier la détermination du point de départ de la prescription avant d’analyser la conformité de cette déchéance aux exigences conventionnelles.

I. La détermination du point de départ de la prescription quadriennale

La Cour administrative d’appel de Marseille rappelle que le délai de prescription court dès que les préjudices sont connus et peuvent être exactement mesurés.

A. La connaissance de l’étendue du risque par l’attestation d’exposition

L’arrêt précise que « l’intéressé doit être regardé comme ayant eu connaissance de l’étendue du risque à l’origine du préjudice moral » lors de la délivrance de l’attestation. Ce document énumère précisément les périodes d’affectation sur des bâtiments renfermant de l’amiante et permet ainsi de quantifier le risque d’anxiété subi par l’agent. La jurisprudence administrative lie désormais le point de départ de la prescription à la détention de cette preuve formelle de l’exposition environnementale dangereuse.

B. L’imputation de la connaissance effective au créancier

Les juges considèrent que l’attestation d’exposition, établie à la demande de l’intéressé, doit être regardée comme étant parvenue à son destinataire dans un délai normal. Toutefois, l’arrêt retient que le requérant ne fait état « d’aucune raison pour laquelle ce document, délivré à sa demande, ne lui serait pas parvenu » pour contester sa réception. La Cour refuse d’exiger une notification par lettre recommandée, estimant que la connaissance du risque est acquise par la simple mise à disposition du document administratif.

II. La conformité de la déchéance quadriennale aux exigences conventionnelles

Le requérant invoquait une violation du droit à un procès équitable en raison de l’application rigoureuse du délai de prescription à sa créance indemnitaire.

A. L’absence d’atteinte au droit à un procès équitable

La juridiction administrative souligne que la loi du 31 décembre 1968 garantit la sécurité juridique de l’Etat en fixant un terme aux actions contre lui. Elle affirme que ces dispositions « ne peuvent être regardées comme portant atteinte au droit à un procès équitable » garanti par la Convention européenne des droits de l’homme. Néanmoins, le droit d’accès au juge n’est pas absolu et peut faire l’objet de limitations proportionnées aux objectifs d’intérêt général poursuivis par le législateur national.

B. La préservation de la sécurité juridique et du droit au recours

L’arrêt écarte le grief tiré de l’absence de recours effectif en soulignant que le délai de quatre ans ne présente pas un caractère exagérément court. Dès lors, ce cadre temporel « n’a pas eu pour effet de priver le requérant de la possibilité de saisir un tribunal » du litige l’opposant à l’administration. La solution confirme la primauté de la stabilité des comptes publics sur les actions indemnitaires engagées tardivement après la révélation initiale du dommage.

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Hassan KOHEN
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Hassan Kohen

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