Cour d’appel administrative de Marseille, le 20 janvier 2025, n°24MA01178

La Cour administrative d’appel de Marseille a rendu, le 20 janvier 2025, un arrêt relatif au séjour des parents de citoyens de l’Union européenne. Une ressortissante de nationalité marocaine a sollicité un titre de séjour en se prévalant de la citoyenneté espagnole de sa fille mineure. Le préfet a opposé un refus à cette demande le 19 octobre 2023, assortissant sa décision d’une obligation de quitter le territoire français. Le tribunal administratif de Nice a rejeté le recours formé contre cet acte par un jugement rendu en date du 9 avril 2024. La requérante soutient que sa situation financière et sa vie familiale justifiaient la délivrance du titre de séjour sollicité devant l’administration. Le litige porte sur l’application des conditions de ressources et d’assurance maladie prévues par le code de l’entrée et du séjour des étrangers. Les juges d’appel confirment la légalité du refus en raison de l’insuffisance des revenus et de l’absence de couverture santé au jour de l’arrêté. La solution retenue par la juridiction administrative repose sur une appréciation stricte des critères matériels avant d’examiner la proportionnalité de la mesure d’éloignement.

I. La rigueur des conditions matérielles du droit au séjour des parents de citoyens européens

A. L’exigence de ressources suffisantes et d’une couverture maladie effective

Le droit au séjour du parent d’un mineur citoyen européen est subordonné à des conditions de ressources et de protection sociale bien définies. La Cour administrative d’appel de Marseille rappelle que le parent doit disposer de « ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale ». Cette exigence permet d’éviter que les bénéficiaires du droit de séjour ne pèsent de manière déraisonnable sur les finances publiques de l’État d’accueil. En l’espèce, les revenus tirés d’une activité de gérance s’élevaient seulement à neuf mille cinq cent cinquante-cinq euros pour l’année civile écoulée. Une telle somme ne permet pas de satisfaire au critère de l’autonomie financière requis par les dispositions du code de l’entrée et du séjour. L’administration peut donc légalement rejeter la demande si l’une au moins des conditions relatives aux ressources ou à l’assurance maladie n’est pas remplie.

B. L’appréciation souveraine des circonstances de fait à la date de la décision

La légalité d’un acte administratif s’apprécie au regard des circonstances de fait et de droit existant au jour de sa signature par l’autorité. La requérante tentait de produire un contrat de complémentaire santé conclu plusieurs mois après l’édiction de l’arrêté contesté devant la juridiction administrative. Les juges soulignent que l’intéressée « ne peut sérieusement se prévaloir » de cette adhésion tardive pour contester un refus fondé sur l’absence initiale de couverture. De même, l’augmentation des revenus professionnels constatée après la date de la décision préfectorale ne peut pas régulariser rétroactivement la situation de l’étrangère. Cette solution illustre la fermeté de la jurisprudence concernant le respect des conditions cumulatives au moment où l’administration statue sur le droit au séjour. Le défaut de garanties matérielles lors de l’examen de la demande autorise le préfet à refuser la délivrance du titre de séjour sollicité.

II. Une conciliation stricte entre le respect de la vie familiale et les impératifs de sécurité

A. Le constat d’une intégration insuffisante malgré la présence d’enfants mineurs

Le droit au respect de la vie privée et familiale ne constitue pas un droit absolu au maintien sur le territoire national pour l’étranger. La Cour administrative d’appel de Marseille observe que la requérante réside en France depuis 2015 avec son époux et ses deux enfants scolarisés. Toutefois, cette présence prolongée et la scolarisation des mineurs ne suffisent pas à caractériser une intégration particulière au sein de la société française. Les juges considèrent que la cellule familiale peut se reconstituer dans le pays d’origine où l’intéressée a vécu la majeure partie de son existence. Aucun obstacle ne s’oppose à ce que les enfants poursuivent leur éducation au Maroc, pays dont ils possèdent la nationalité par leurs parents. L’intérêt supérieur de l’enfant n’est pas méconnu dès lors que la mesure d’éloignement n’entraîne pas de séparation durable entre les membres de la famille.

B. La prévalence de l’ordre public sur la pérennité de l’installation en France

La proportionnalité de l’atteinte à la vie familiale s’apprécie en tenant compte du comportement des intéressés et des nécessités liées à l’ordre public. L’arrêt souligne que le conjoint de la requérante se trouve en situation irrégulière et a fait l’objet d’une condamnation pénale assez lourde. Cette condamnation porte sur des faits de détention d’images pornographiques de mineurs et d’agression sexuelle commis sur le territoire de la République française. La gravité de ces agissements pèse lourdement dans la balance des intérêts en présence lors du contrôle exercé par le juge de l’excès de pouvoir. La juridiction estime que l’arrêté n’a pas porté une atteinte disproportionnée aux droits protégés par la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme. La protection de la sécurité publique et la prévention des infractions justifient ainsi l’éloignement de la requérante malgré ses attaches familiales locales.

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Hassan KOHEN
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