Cour d’appel administrative de Marseille, le 20 janvier 2025, n°24MA01212

La Cour administrative d’appel de Marseille a rendu, le 20 janvier 2025, une décision relative au droit au séjour des ressortissants étrangers et à la nature des mesures d’éloignement. Deux ressortissants étrangers ont sollicité l’admission au séjour au titre de leur vie privée et familiale après plusieurs années de présence sur le territoire français. L’administration a opposé un refus à ces demandes, assorti d’une invitation à quitter le territoire sans mesure de contrainte immédiate. Les requérants ont alors saisi le tribunal administratif de Marseille afin d’obtenir l’annulation de ces décisions préfectorales. Les premiers juges ont rejeté leurs demandes par deux jugements rendus le 14 décembre 2023. Saisie en appel, la juridiction devait déterminer si une invitation à quitter le territoire constitue un acte faisant grief et si le refus de séjour portait une atteinte disproportionnée à l’intérêt des enfants scolarisés. La Cour administrative d’appel confirme l’irrecevabilité des conclusions dirigées contre l’invitation au départ et valide la légalité des refus de titre de séjour.

I. L’irrecevabilité contentieuse de l’invitation à quitter le territoire

L’arrêt précise d’abord la nature juridique de l’invitation au départ volontaire avant d’en tirer les conséquences procédurales rigoureuses pour les justiciables.

A. Le caractère non décisoire de l’invitation au départ

La Cour administrative d’appel de Marseille souligne que l’invitation à quitter le territoire constitue la « conséquence nécessaire de la décision de refus » de titre de séjour. Cette mesure purement informative ne modifie pas l’ordonnancement juridique de manière autonome par rapport à l’acte principal de refus. La juridiction administrative considère donc que cet acte « ne fait pas, par elle-même, grief » aux destinataires de la mesure préfectorale en litige. L’absence de caractère décisoire interdit ainsi au juge de l’excès de pouvoir de connaître de la légalité d’une telle mention. Cette position s’inscrit dans la lignée de la jurisprudence administrative distinguant les actes préparatoires ou indicatifs des décisions faisant grief.

B. Une solution protectrice de la clarté des voies de recours

L’irrecevabilité s’applique même lorsque l’administration assortit son invitation d’un délai ou mentionne le risque d’une future mesure d’obligation de quitter le territoire. Les juges d’appel rappellent que cette mention ne constitue pas une décision susceptible de recours devant les juridictions de l’ordre administratif. Cette solution évite ainsi la multiplication de recours contre des actes dépourvus de portée contraignante immédiate pour la situation de l’étranger. La Cour fonde son raisonnement sur la nécessité d’identifier précisément les actes administratifs modifiant la situation juridique des particuliers. Les requérants doivent donc diriger leurs critiques exclusivement contre le refus de titre ou contre une éventuelle mesure d’éloignement forcée ultérieure.

II. La proportionnalité du refus de séjour au regard de la vie privée et familiale

Le juge apprécie ensuite la réalité de l’insertion des requérants sur le territoire national pour vérifier le respect du droit à une vie privée et familiale.

A. L’exigence de preuves matérielles de la continuité du séjour

La juridiction administrative exige des justificatifs probants pour attester d’une présence habituelle et continue sur le sol français depuis l’entrée déclarée. La Cour observe que « l’intéressé ne produit aucune pièce pour attester de sa présence depuis l’année 2000 » malgré ses affirmations initiales. Elle relève également que la production de simples factures d’électricité ou de documents médicaux isolés demeure insuffisante pour établir une continuité de résidence. Le juge estime alors que « c’est sans commettre d’erreur d’appréciation » que l’administration a douté de la réalité du séjour prolongé. La charge de la preuve incombe ainsi au demandeur qui doit démontrer la stabilité de ses attaches personnelles en France.

B. La prééminence de l’insertion sociale sur la scolarisation des enfants

Le droit au respect de la vie privée et familiale ne saurait résulter de la seule durée du séjour sans preuve d’une insertion réelle. La Cour affirme que la présence depuis plus de dix ans « n’est pas de nature à caractériser à elle-seule une atteinte » disproportionnée aux droits protégés. Les juges écartent également l’argument tiré de la scolarisation des jeunes enfants pour contester la légalité des arrêtés préfectoraux. Ils considèrent que cette scolarisation « ne permet pas davantage de justifier d’une insertion particulière » des parents au sein de la société française. Le refus de séjour ne sépare pas les membres de la famille et ne porte pas une atteinte primordiale à l’intérêt supérieur de l’enfant. La décision d’appel confirme ainsi la marge d’appréciation dont dispose l’autorité administrative en matière de régularisation des étrangers.

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Hassan KOHEN
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