Cour d’appel administrative de Marseille, le 22 mai 2025, n°23MA02307

Par un arrêt en date du 22 mai 2025, la cour administrative d’appel se prononce sur la régularité et le bien-fondé d’une procédure de taxation d’office en matière d’impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée. En l’espèce, une société spécialisée dans la vente et l’installation de divers matériels a fait l’objet d’une vérification de comptabilité à l’issue de laquelle l’administration fiscale, constatant un défaut de dépôt des déclarations, a reconstitué son chiffre d’affaires et procédé à des impositions d’office. La réclamation de la société ayant été partiellement rejetée, celle-ci a saisi le tribunal administratif de Toulon, lequel a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions et majorations restantes. La société a alors interjeté appel de ce jugement, soulevant plusieurs moyens relatifs tant à la régularité de la procédure qu’au bien-fondé des redressements. Le litige posait ainsi à la cour la double question des garanties procédurales offertes au contribuable dans le cadre d’une taxation d’office et de la charge de la preuve lui incombant pour contester le montant des impositions. La cour administrative d’appel rejette la requête, confirmant en tous points le jugement de première instance. Elle juge que les obligations de l’administration en matière de communication d’informations ont été respectées et que la procédure de taxation d’office était justifiée, l’opinion subjective du contribuable sur son assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée étant inopérante. Sur le fond, elle rappelle qu’il appartient au contribuable taxé d’office de démontrer le caractère exagéré des impositions, ce que la société requérante n’a pas fait.

La cour examine d’abord la régularité de la procédure d’imposition menée par l’administration (I), avant de se prononcer sur le bien-fondé des impositions et des pénalités contestées (II).

I. La régularité de la procédure d’imposition confirmée

La cour administrative d’appel valide la procédure suivie par l’administration fiscale en adoptant une interprétation stricte des garanties procédurales (A) et en écartant la perception subjective du contribuable quant à ses obligations déclaratives (B).

A. L’interprétation stricte des garanties procédurales du contribuable

La société requérante soutenait que la procédure d’imposition était irrégulière au motif que l’administration ne lui avait pas communiqué les documents obtenus de tiers sur lesquels elle s’était fondée, en méconnaissance de l’article L. 76 B du livre des procédures fiscales. La cour écarte ce moyen en opérant une distinction claire entre l’obligation d’informer et celle de communiquer. Elle rappelle que l’administration est tenue d’informer le contribuable « de la teneur et de l’origine des renseignements et documents obtenus de tiers », afin de lui permettre d’y avoir accès. En l’espèce, la proposition de rectification contenait des informations suffisantes à cette fin. La cour souligne ainsi que l’administration « n’était pas tenue de lui transmettre spontanément les documents en question lors de la notification de la proposition de rectification ».

De plus, elle relève que la demande de communication formulée par la société est intervenue après la mise en recouvrement des impositions. Cette précision temporelle est déterminante, car elle rend la demande inopérante pour vicier la procédure d’imposition antérieure. La solution confirme une jurisprudence constante qui impose au contribuable une certaine diligence dans l’exercice de ses droits, tout en définissant de manière restrictive la portée des obligations de l’administration, qui se limitent à une information loyale et suffisante sans aller jusqu’à une transmission d’office des pièces du dossier.

B. Le rejet de la conception subjective de l’assujettissement à la TVA

La requérante contestait également le recours à la procédure de taxation d’office en matière de taxe sur la valeur ajoutée, arguant qu’elle « se considérait comme non-assujettie » et n’était donc pas tenue de déposer les déclarations afférentes. La cour rejette fermement cette argumentation en la qualifiant de non sérieuse. Elle rappelle que l’assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée découle de critères objectifs définis par l’article 256 du code général des impôts, à savoir l’exercice habituel d’une activité économique à titre onéreux. L’opinion du redevable sur sa propre situation fiscale est sans incidence sur la naissance de ses obligations.

La décision énonce clairement que la société « était donc soumise aux obligations déclaratives correspondantes et ce, alors même qu’elle aurait à tort estimé le contraire ». Dès lors que ces obligations n’ont pas été respectées dans les délais impartis après mise en demeure, l’administration était fondée à mettre en œuvre la procédure de taxation d’office prévue au 3° de l’article L. 66 du livre des procédures fiscales. Cet attendu constitue un rappel pédagogique de la primauté du droit objectif sur les convictions personnelles du contribuable en matière fiscale, et réaffirme que la méconnaissance de la loi ne saurait constituer une excuse pour se soustraire à ses obligations.

II. Le bien-fondé des impositions conforté par la carence probatoire du contribuable

La cour, après avoir validé la procédure, confirme le montant des impositions en se fondant sur les règles de charge de la preuve spécifiques à la taxation d’office (A) et sur l’insuffisance des justifications apportées quant au droit à déduction de la taxe (B).

A. Le renversement de la charge de la preuve en matière de taxation d’office

La conséquence principale du recours à la taxation d’office réside dans le renversement de la charge de la preuve. Conformément à l’article L. 193 du livre des procédures fiscales, il n’appartient plus à l’administration de justifier le bien-fondé de l’imposition, mais au contribuable de démontrer son caractère exagéré. La cour applique rigoureusement ce principe face aux arguments de la société requérante. Celle-ci se bornait à qualifier l’argumentation de l’administration de « lapidaire, non motivée et fallacieuse », sans produire le moindre élément concret à l’appui de ses dires.

L’arrêt met en évidence l’inefficacité d’une contestation purement formelle ou générale. En jugeant que la société « n’apporte pas la preuve du caractère exagéré des impositions », la cour rappelle que le contribuable doit fournir une démonstration chiffrée, des documents comptables ou toute autre pièce probante pour remettre en cause l’évaluation faite par l’administration, même si celle-ci repose sur une base forfaitaire. Cette solution illustre la situation probatoire très défavorable dans laquelle se place le contribuable qui, par sa propre défaillance déclarative, a provoqué la mise en œuvre d’une procédure d’exception.

B. L’exigence de justification du droit à déduction de la TVA

La question de la preuve se pose avec une acuité particulière concernant le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée. La société reprochait à l’administration d’avoir refusé toute déduction au seul motif de l’absence de factures. La cour rectifie cette allégation en précisant que l’administration a bien examiné les pièces produites et a admis les déductions pour lesquelles les conditions de forme et de fond étaient remplies. Elle rappelle ensuite les règles applicables, issues de l’article 271 du code général des impôts et de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, qui subordonnent le droit à déduction à la possession de factures conformes ou, à défaut, de tout document permettant d’établir la réalité et l’étendue de ce droit.

Face à cette exigence, la cour constate la défaillance de la requérante qui « s’abstient de produire des factures ou tout autre document en tenant lieu et ne justifie donc pas d’un droit à déduction supérieur à celui retenu par l’administration ». Par cette motivation, l’arrêt souligne que si le formalisme de la facture peut être assoupli, l’exigence de preuve matérielle des dépenses ouvrant droit à déduction demeure intangible. Le refus de la cour de suppléer la carence de la société dans l’administration de la preuve de son droit constitue une application orthodoxe des principes régissant la taxe sur la valeur ajoutée.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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