Cour d’appel administrative de Marseille, le 24 juillet 2025, n°24MA02163

Par un arrêt en date du 24 juillet 2025, la cour administrative d’appel de Marseille s’est prononcée sur la légalité de l’exclusion définitive d’une étudiante d’un institut de formation en soins infirmiers. En l’espèce, une étudiante en troisième année de formation infirmière avait été exclue définitivement par la section compétente pour le traitement des situations individuelles de son institut, suite à des manquements constatés lors d’un stage. Cette décision était motivée par des actes jugés incompatibles avec la sécurité des patients.

L’étudiante a saisi le tribunal administratif de Marseille afin d’obtenir l’annulation de cette décision d’exclusion. Par un jugement du 12 juillet 2024, le tribunal a rejeté sa demande. L’étudiante a alors interjeté appel de ce jugement, contestant tant la régularité de la procédure suivie que le bien-fondé de la mesure prise à son encontre. Elle soutenait notamment que la procédure était entachée d’irrégularités, que les faits reprochés ne justifiaient pas une telle mesure, que celle-ci était disproportionnée et qu’elle révélait un détournement de pouvoir.

La question de droit qui se posait à la cour administrative d’appel était de savoir si l’exclusion définitive d’une étudiante infirmière, fondée sur une insuffisance professionnelle estimée dangereuse pour la sécurité des patients, pouvait être légalement prononcée malgré des vices de procédure allégués, et si une telle mesure ne revêtait pas un caractère disproportionné.

La cour administrative d’appel de Marseille a rejeté la requête de l’étudiante, confirmant ainsi la légalité de la décision d’exclusion. Elle a d’abord estimé que les éventuelles irrégularités de procédure n’avaient ni exercé une influence sur le sens de la décision, ni privé l’intéressée d’une garantie. Elle a ensuite jugé que les faits de manquements répétés aux règles d’hygiène et de sécurité, constatés objectivement, constituaient bien des actes incompatibles avec la sécurité des patients et que, par conséquent, la mesure d’exclusion définitive n’était entachée ni d’une erreur d’appréciation, ni d’un caractère disproportionné.

La solution retenue par les juges d’appel s’articule autour de deux axes principaux. D’une part, elle confirme une approche pragmatique du contrôle des vices de procédure, subordonnant leur effet dirimant à leur influence concrète sur la décision (I). D’autre part, elle consacre la prééminence de l’impératif de sécurité des patients dans l’appréciation de la proportionnalité d’une mesure d’éviction d’une formation paramédicale (II).

I. Une application rigoureuse de la jurisprudence Danthony au contentieux des sanctions étudiantes

La cour administrative d’appel, pour écarter les moyens de légalité externe soulevés par la requérante, a fait une application stricte d’une jurisprudence bien établie, en se concentrant sur les garanties fondamentales dont a pu bénéficier l’étudiante plutôt que sur le respect formel de chaque étape procédurale.

A. Le rejet des vices de forme n’ayant pas privé l’étudiante d’une garantie

L’étudiante invoquait plusieurs manquements aux dispositions de l’arrêté du 21 avril 2007, notamment quant au délai de convocation des membres de la section et à la transmission de certaines pièces. La Cour, sans nécessairement contester la matérialité de ces irrégularités, a mobilisé le principe selon lequel « un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable […] n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie ». Ce faisant, elle a vérifié si, concrètement, les droits de la défense de l’étudiante avaient été méconnus.

Elle a ainsi constaté que la convocation informait clairement l’intéressée de l’objet de la réunion et de la nature de la mesure encourue, lui permettant de préparer sa défense. De même, elle a relevé que le quorum était atteint et que les documents que l’étudiante souhaitait produire avaient bien été communiqués ou, à tout le moins, que leur contenu avait été débattu oralement durant la séance. Cette analyse pragmatique démontre que le juge se refuse à annuler une décision pour des motifs procéduraux qui ne se traduisent pas par une atteinte substantielle aux droits de l’administré.

B. La confirmation de la prévalence de l’examen contradictoire sur les formalités procédurales

Au-delà de la seule application du principe de non-substantialité des vices de forme, l’arrêt souligne l’importance cardinale du respect du principe du contradictoire. La Cour a méticuleusement vérifié que l’étudiante avait été en mesure de présenter ses observations tant écrites qu’orales, et qu’elle avait été entendue par la section. Le fait que « les circonstances auxquelles il est fait référence dans ces pièces complémentaires […] ont été abordées lors des échanges » a été un élément déterminant pour la Cour.

Cette approche confirme que, dans le cadre d’une procédure administrative, la possibilité effective pour la personne concernée de faire valoir son point de vue et de discuter les éléments à charge constitue la garantie essentielle. Dès lors que cet échange contradictoire a pu avoir lieu de manière éclairée, les autres formalités, bien qu’obligatoires, perdent de leur substance et ne sauraient, à elles seules, justifier une annulation. La décision privilégie ainsi une vision matérielle des droits de la défense sur un formalisme procédural qui serait vidé de sa portée.

II. La consécration de la sécurité des patients comme motif impérieux justifiant l’exclusion définitive

Sur le fond, la Cour a validé la décision de l’institut en procédant à un contrôle approfondi de l’appréciation des faits et de la proportionnalité de la mesure, érigeant la sécurité des patients en critère prépondérant de sa décision.

A. La validation de l’appréciation des faits par l’autorité administrative

Face à l’argument de l’étudiante selon lequel les faits ne constituaient pas des actes incompatibles avec la sécurité des patients, la Cour a procédé à un examen détaillé des pièces du dossier. Elle s’est fondée sur le « rapport établi le 2 août 2023 par la cadre de santé », lequel faisait état de manière « précise et circonstanciée » d’erreurs répétées d’asepsie, d’hygiène et de technique. La Cour a notamment relevé des faits graves tels qu’une « erreur de dosage dans une injection » et des manquements jugés « inadmissibles à ce stade de la formation ».

En soulignant que l’étudiante ne contestait pas utilement ces éléments factuels et avait même reconnu devant la section avoir « multiplié les erreurs d’asepsie », la Cour a estimé que l’institut n’avait pas commis d’erreur d’appréciation. Elle a ainsi jugé que de tels manquements étaient bien constitutifs « d’actes incompatibles avec la sécurité des personnes dont la prise en charge lui avait été confiée ». Cette analyse montre que le juge administratif exerce un contrôle normal sur la qualification juridique des faits, en s’assurant que la matérialité de ceux-ci justifie la qualification retenue par l’administration.

B. Le contrôle de proportionnalité au service de la protection de la santé publique

L’argument le plus fort de l’étudiante résidait sans doute dans le caractère jugé disproportionné de l’exclusion définitive. Pour l’écarter, la Cour a mis en balance le droit de l’étudiante à poursuivre sa formation et l’intérêt général lié à la sécurité des soins. Elle a examiné l’ensemble de son parcours, notant que les difficultés n’étaient pas ponctuelles, comme en témoignaient des bilans de stage antérieurs relevant que l’étudiante « n’a pas le niveau pour un début de 3e année ».

La Cour a pris soin de distinguer la mesure d’exclusion, qui ne revêt pas un caractère disciplinaire, d’une sanction pour un comportement fautif. La décision n’est pas prise pour punir, mais pour protéger les futurs patients d’un professionnel dont l’insuffisance a été démontrée. En jugeant qu’« eu égard à leur nature, leur portée et leur répétition, les reproches en cause étaient de nature à justifier la mesure prononcée », la Cour fait de la protection de la santé publique un objectif primordial qui peut légitimer une mesure aussi radicale que l’exclusion définitive, dès lors que l’inaptitude professionnelle est avérée et persistante.

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Hassan KOHEN
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