Cour d’appel administrative de Marseille, le 25 février 2025, n°24MA00245

La Cour administrative d’appel de Marseille a rendu, le 25 février 2025, une décision relative à la suspension de fonctions d’un sapeur-pompier professionnel. Ce litige porte sur l’application de l’obligation vaccinale contre la Covid-19 imposée à certaines catégories d’agents publics par la loi du 5 août 2021. Un agent exerçant au sein d’un service départemental d’incendie et de secours a été suspendu sans traitement le 22 octobre 2021. Cette mesure faisait suite à son refus de présenter les justificatifs requis pour l’exercice de ses missions opérationnelles. Saisi d’une demande d’annulation de cet arrêté, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la requête de l’intéressé par un jugement du 6 décembre 2023. L’appelant soutient que cette suspension constitue une sanction déguisée et méconnaît les principes de dignité humaine ainsi que diverses conventions internationales. Le juge administratif doit déterminer si la suspension d’un agent pour défaut de vaccination présente un caractère répressif ou s’il s’agit d’une simple mesure administrative. La juridiction d’appel confirme la solution des premiers juges en écartant la qualification de sanction disciplinaire pour retenir une application stricte du cadre législatif sanitaire. L’analyse portera d’abord sur la nature juridique de la suspension prononcée avant d’étudier la validité de l’obligation vaccinale au regard des droits fondamentaux.

**I. Une mesure de suspension soustraite au régime du droit disciplinaire**

Le juge précise que la suspension prévue par la loi du 5 août 2021 constitue un régime juridique distinct de la suspension pour faute grave. L’agent ne peut donc pas se prévaloir des garanties prévues par le statut général de la fonction publique concernant le maintien du traitement.

*A. L’exclusion de la qualification de sanction disciplinaire*

La Cour administrative d’appel de Marseille rejette l’argumentation du requérant qui voyait dans l’interruption de sa rémunération une sanction déguisée ou arbitraire. Le juge souligne que l’autorité administrative « se borne à constater que l’agent ne remplit plus les conditions légales pour exercer son activité ». Cette mesure ne manifeste aucune intention répressive de la part de l’employeur public puisqu’elle ne vise pas à punir un comportement fautif. La suspension est la conséquence automatique et objective du manquement à une obligation d’ordre sanitaire fixée par le législateur pour la sécurité collective. L’absence d’intention punitive conduit nécessairement à l’application d’un cadre normatif autonome et spécialisé.

*B. L’application d’un régime juridique sui generis*

L’arrêt souligne l’inopérance des dispositions classiques relatives à la suspension des fonctionnaires dans le cadre d’une procédure disciplinaire en cours. La loi sanitaire a institué un cas de suspension spécifique qui s’accompagne nécessairement de l’interruption du versement de la rémunération de l’agent public concerné. Cette mesure prend fin dès que l’intéressé remplit les conditions nécessaires, ce qui confirme son caractère provisoire et strictement lié à la situation administrative. L’administration exerce ainsi une compétence liée dès lors que le défaut de justificatif vaccinal est matériellement constaté par le service compétent. Le constat de la régularité formelle de la suspension appelle un examen de la compatibilité de l’obligation vaccinale avec les normes supérieures.

**II. La primauté de l’objectif de santé publique sur les libertés individuelles**

La juridiction administrative valide la proportionnalité de l’obligation vaccinale en s’appuyant sur l’urgence sanitaire et la protection des personnes vulnérables prises en charge. Elle écarte les moyens tirés de la violation des engagements internationaux de la France en soulignant la valeur juridique de certains textes invoqués.

*A. Une restriction aux libertés justifiée par la protection collective*

L’obligation faite aux sapeurs-pompiers de se vacciner répond à la nécessité de garantir le bon fonctionnement des services de secours pendant la pandémie. Le juge considère que l’efficacité du vaccin est établie par les connaissances scientifiques disponibles au moment de l’édiction de l’acte administratif contesté. La circonstance que l’agent travaille dans un bureau sans contact direct avec le public est jugée sans incidence sur la légalité de la mesure. Les interactions inhérentes au lieu de travail avec d’autres professionnels de santé justifient l’application uniforme de cette règle de sécurité sanitaire globale. Cette justification par l’intérêt général doit être confrontée aux stipulations protectrices issues des engagements internationaux de la France.

*B. Le rejet de l’exception d’illégalité fondée sur le droit international*

La Cour administrative d’appel de Marseille précise que la Déclaration universelle sur la bioéthique et les droits de l’homme est dépourvue d’effet direct. Elle ajoute que la convention d’Oviedo permet des restrictions à la protection de la santé dès lors qu’elles sont prévues par la loi nationale. La restriction au consentement libre et éclairé est ici jugée inhérente au caractère obligatoire de la vaccination pour prévenir la propagation du virus. Le juge conclut à l’absence d’atteinte disproportionnée au principe de respect de la dignité humaine au regard des bénéfices attendus pour la collectivité. L’ensemble des conclusions aux fins d’annulation et d’injonction est par conséquent rejeté par les magistrats de la juridiction marseillaise.

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Hassan KOHEN
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Hassan Kohen

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