Cour d’appel administrative de Marseille, le 28 février 2025, n°24MA00327

La Cour administrative d’appel de Marseille a rendu, le 28 février 2025, une décision relative à l’indemnisation des congés annuels non pris par un agent public. Un fonctionnaire ayant exercé ses fonctions au sein d’un service de distribution du courrier a été placé en congé de longue maladie durant trois années. Suite à une période de disponibilité d’office, l’administration l’a admis à la retraite pour invalidité sans verser d’indemnité compensatrice de congés. Le requérant a sollicité le paiement d’une somme globale en réparation du préjudice résultant de la perte de ses droits à congés. Le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande par un jugement dont l’irrégularité est soulevée en appel pour omission de statuer. La Cour doit déterminer si les dispositions réglementaires nationales s’opposent au versement d’une indemnité financière lorsque le lien de service est rompu. Le juge d’appel annule le jugement attaqué puis examine au fond la compatibilité du droit français avec les règles de l’Union européenne. L’arrêt rendu confirme le droit à indemnisation des congés non pris tout en précisant les conditions temporelles de ce report.

**I. La primauté du droit à l’indemnité compensatrice de congés payés**

Le juge administratif écarte l’application du décret du 26 octobre 1984 pour assurer la pleine efficacité du droit de l’Union européenne. L’analyse porte d’abord sur l’éviction des restrictions nationales avant d’aborder le caractère direct du droit à réparation.

**A. L’éviction des restrictions nationales au report des congés**

L’article 5 du décret national dispose que « le congé dû pour une année de service accompli ne peut se reporter sur l’année suivante ». Ce texte prévoit également qu’un congé non pris ne donne lieu à aucune indemnité compensatrice en cas de fin de service. La Cour administrative d’appel de Marseille souligne toutefois que ces dispositions sont « incompatibles dans cette mesure avec les dispositions de l’article 7 de la directive 2003/88/CE ». La jurisprudence européenne impose en effet aux États membres de garantir un congé annuel payé d’au moins quatre semaines à chaque travailleur. Cette norme supérieure fait obstacle à une réglementation nationale privant l’agent de toute compensation financière lorsque la prise effective du congé est devenue impossible. L’impossibilité de prendre les congés en raison d’un arrêt maladie prolongé ne saurait donc éteindre le droit à une compensation pécuniaire. Cette reconnaissance du droit au report fonde la possibilité pour l’agent d’obtenir une indemnité financière lors de son départ définitif.

**B. Le caractère direct du droit à une indemnité financière**

La Cour rappelle que l’article 7, paragraphe 2, de la directive produit un effet direct permettant aux particuliers de s’en prévaloir devant le juge. Ce droit est conditionné par la fin de la relation de travail et par l’existence de congés non épuisés à cette date précise. Le juge précise que ce bénéfice « n’est soumis à aucune autre condition que celle tenant au fait, d’une part, que la relation de travail a pris fin ». Les dispositions nationales ne peuvent subordonner ce versement à des exigences supplémentaires non prévues par le droit de l’Union européenne. L’indemnité remplace alors la jouissance effective du repos dont l’agent a été privé durant sa période d’activité pour des motifs de santé. Cette consécration du droit à réparation s’accompagne toutefois d’un encadrement temporel nécessaire pour garantir la sécurité juridique des relations administratives.

**II. La délimitation rigoureuse des droits à indemnisation**

Si le droit à l’indemnité est reconnu, son exercice demeure limité par un délai de report et par des modalités de calcul strictes. L’étude de l’extinction des créances précédera celle de l’exigence d’une liquidation annuelle individualisée.

**A. L’extinction des créances par le délai de report de quinze mois**

Le juge considère que les congés peuvent être reportés durant une période de quinze mois suivant le terme de l’année de référence. Ce délai est jugé compatible avec l’article 7 de la directive dès lors qu’il excède substantiellement la durée de la période annuelle. En l’espèce, les droits acquis au titre des années 2016 et 2017 étaient expirés à la date de la mise à la retraite. La Cour indique que le droit au report « s’exerce, en l’absence de dispositions… dans la limite de quatre semaines prévue par cet article 7 ». Seuls les congés correspondant aux années 2018 et 2019 peuvent donc ouvrir droit à une indemnisation financière effective pour le requérant. La cessation de la relation de travail doit intervenir impérativement dans ce délai de quinze mois pour permettre la cristallisation de la créance. Cette limite temporelle impose une vigilance particulière lors de la liquidation finale des droits acquis par l’agent.

**B. L’exigence d’une liquidation annuelle des droits à congés**

Le calcul de l’indemnisation doit être effectué année par année sans possibilité de compensation globale entre les différents exercices de service. L’employeur public avait initialement déduit des sommes dues au titre de 2018 et 2019 des montants versés antérieurement pour l’année 2016. La Cour sanctionne cette méthode en rappelant que « le calcul ne peut être effectué qu’année par année » pour préserver l’intégrité des droits. Le requérant obtient ainsi une indemnisation complémentaire calculée sur la base de son traitement net pour les jours de congés restant dus. Le juge accorde également une réparation au titre du préjudice moral causé par les démarches administratives restées infructueuses durant plusieurs années. Cette décision illustre l’équilibre entre la protection sociale du travailleur et les limites temporelles imposées à la responsabilité pécuniaire de l’administration.

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Hassan KOHEN
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