Cour d’appel administrative de Marseille, le 28 mars 2025, n°24MA00293

La cour administrative d’appel de Marseille a rendu, le 28 mars 2025, une décision précisant les conditions d’indemnisation des frais de changement de résidence des militaires. Le litige concernait une militaire affectée initialement dans le Var qui, après une sélection interne, a suivi une formation spécialisée en Bretagne avant de rejoindre Hyères. Durant cette période transitoire, l’intéressée avait installé son domicile familial à Versailles afin de rejoindre son conjoint, lui-même militaire affecté dans la région parisienne. Elle sollicitait ainsi la prise en charge de ses frais de déménagement entre les Yvelines et son nouveau poste dans le sud de la France.

Le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande par un jugement rendu le 12 décembre 2023, décision dont la requérante a interjeté appel. Cette dernière soutenait notamment que le refus ministériel reposait sur une note dépourvue de valeur réglementaire et méconnaissait le principe constitutionnel d’égalité. La juridiction d’appel devait déterminer si le remboursement des frais de déplacement est dû lorsque le domicile de départ résulte d’une convenance personnelle étrangère au service. L’arrêt rejette la requête en considérant que l’absence d’affectation préalable à proximité du lieu de départ exclut toute qualification de changement de résidence.

I. L’exigence impérative d’une contrainte professionnelle liée à l’affectation

A. La définition stricte du changement de résidence administrative

Le droit au remboursement des frais de déménagement est strictement encadré par les dispositions de l’article 1er du décret du 30 avril 2007. Ce texte dispose que le changement de résidence constitue « le déménagement que le militaire se trouve dans l’obligation d’effectuer lorsqu’il reçoit une affectation ». La jurisprudence souligne ici que l’indemnisation est subordonnée à l’existence d’un lien de causalité direct entre l’ordre de mutation et le déplacement physique.

La notion de garnison joue un rôle central puisque le militaire doit normalement effectuer son service dans le territoire d’implantation de son unité. En l’espèce, la requérante n’avait jamais reçu d’affectation officielle dans une commune proche de Versailles avant de rejoindre son nouveau poste à Hyères. L’obligation de déménager, au sens strictement juridique du terme, ne saurait être reconnue si le point de départ ne correspond pas à une précédente garnison administrative.

B. L’exclusion des déménagements motivés par des raisons personnelles

Le juge administratif distingue avec précision les nécessités impérieuses du service public des choix relevant de la sphère privée ou de la vie familiale. L’arrêt relève ainsi que « le choix de ce domicile familial n’a été effectué qu’en raison de l’affectation de son époux » à Vélizy-Villacoublay. Cette circonstance prive le déplacement de son caractère obligatoire vis-à-vis de l’administration des armées, laquelle ne peut être tenue de financer des commodités résidentielles.

Bien que le regroupement familial constitue un objectif légitime, il ne saurait transformer une installation volontaire en un changement de résidence ouvrant droit à indemnisation. La cour administrative d’appel de Marseille confirme que la militaire « n’ayant jamais été affectée dans une garnison à proximité de cette ville », aucune prise en charge n’est due. Cette analyse rigoureuse des faits permet à la juridiction de substituer un nouveau fondement juridique à la décision initiale de l’administration.

II. La validation de la décision par la substitution de motifs

A. La faculté de rectification juridique opérée par le juge administratif

L’administration peut solliciter en cours d’instance que le juge fonde légalement sa décision sur un motif différent de celui initialement invoqué lors de la décision. Cette procédure de substitution impose au magistrat de vérifier que le requérant n’a été privé d’aucune garantie procédurale essentielle durant l’instruction. Dans cet arrêt, la ministre a fait valoir que l’intéressée ne remplissait pas les conditions générales fixées par le décret de 2007.

Le juge vérifie alors si l’administration aurait pris la même décision en se fondant initialement sur ce motif de droit plus exact que le précédent. La substitution est ici admise car elle repose sur une situation de fait constante et connue de toutes les parties présentes à l’audience. Cette technique juridictionnelle permet de maintenir la validité de l’acte administratif tout en corrigeant une erreur de droit commise lors de la phase préalable.

B. L’inopérance consécutive des griefs relatifs aux modalités de formation

L’admission du motif substitué rend superflue l’étude des autres arguments développés par la requérante concernant la durée ou la nature de sa formation militaire. La cour précise qu’il n’est pas besoin de se prononcer sur le moyen tiré de la valeur réglementaire de la note ministérielle du 3 décembre 2018. Dès lors que la condition de résidence préalable n’est pas remplie, les critères relatifs à la durée de vingt-six semaines deviennent totalement indifférents.

Le rejet de la requête est donc inéluctable puisque la demanderesse n’est « en tout état de cause, pas fondée à prétendre à la prise en charge de ses frais ». L’arrêt assure une cohérence parfaite entre les règles budgétaires et les réalités statutaires de la carrière des officiers de la marine. En statuant ainsi, la cour administrative d’appel de Marseille rappelle que la protection des deniers publics prime sur les considérations d’équité liées aux mutations.

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Hassan KOHEN
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