Cour d’appel administrative de Marseille, le 29 septembre 2025, n°25MA00715

La Cour administrative d’appel de Marseille a rendu, le 29 septembre 2025, un arrêt relatif à la validité d’une délégation de service public. Une commune a conclu un contrat de vingt-cinq ans pour confier la gestion d’un aérodrome à une société d’économie mixte à opération unique. Le représentant de l’État ainsi qu’une conseillère municipale et une association ont formé des recours pour contester la validité de cet acte. Le tribunal administratif de Marseille a annulé la convention le 17 janvier 2025 au motif d’un vice de consentement de l’assemblée locale. La collectivité et la société cocontractante ont interjeté appel afin d’obtenir l’annulation de ces jugements et le maintien de la concession. Les requérantes soutiennent que le conseil municipal s’est régulièrement prononcé sur les éléments essentiels du contrat malgré les modifications ultérieures apportées. Les défendeurs invoquent une méconnaissance du droit à l’information des élus car des clauses financières majeures ont été insérées après le vote. Le problème de droit porte sur l’obligation de soumettre à l’assemblée délibérante toute modification substantielle d’un projet de contrat de concession. Le juge confirme l’annulation au motif que les élus n’ont pas pu délibérer sur des éléments touchant à l’objet et au financement. L’étude de cet arrêt portera sur l’exigence de consentement des élus avant d’analyser la portée de la sanction d’annulation immédiate retenue.

I. L’exigence de l’approbation des éléments essentiels par le conseil municipal

A. La compétence exclusive de l’assemblée sur l’économie générale du contrat Le code général des collectivités territoriales dispose que « le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune ». L’article L. 1411-7 précise également que « l’assemblée délibérante se prononce sur le choix du délégataire et la convention de délégation de service public ». Cette règle impose que les élus soient informés de l’objet précis du contrat ainsi que de ses modalités financières définitives et exactes. Le juge vérifie ainsi que la volonté de la personne publique s’est exprimée de manière éclairée sur l’ensemble des clauses substantielles envisagées. En l’espèce, le texte signé différait du projet initial sur des points relatifs au financement de la zone aéroportuaire et mécanique. La compétence de l’exécutif pour signer la convention demeure strictement subordonnée au respect du périmètre défini par le vote de l’assemblée.

B. La caractérisation de modifications substantielles postérieures à la délibération Des clauses nouvelles ont été insérées dans le contrat final sans que le conseil municipal ne puisse en prendre connaissance avant la signature. Une stipulation permettait de réduire les obligations de la société si une centrale photovoltaïque n’était pas mise en service sur le site. Or, ces revenus énergétiques devaient représenter une part prépondérante des recettes totales permettant d’assurer l’équilibre financier de la délégation de service. Le maire a également modifié la portée d’une condition suspensive relative à l’obtention des financements bancaires nécessaires à la réalisation du projet. Ces évolutions contractuelles affectaient des éléments « d’autant plus essentiels » que la faisabilité technique de l’opération faisait l’objet de doutes sérieux. La Cour en déduit que le consentement des élus a été vicié par cette absence de transparence sur l’économie générale du contrat.

II. La rigueur de la sanction attachée au vice de consentement des élus

A. L’annulation comme conséquence d’un vice d’une particulière gravité Le juge administratif doit tirer les conséquences de cette méconnaissance des règles de compétence et de la réalité du consentement de l’assemblée. Il lui appartient de prononcer l’annulation totale lorsque le contrat est affecté d’un vice d’une particulière gravité que les parties ne peuvent régulariser. Le défaut d’approbation des clauses financières essentielles par le conseil municipal constitue une irrégularité qui interdit la poursuite de l’exécution du contrat. La juridiction d’appel confirme que cette absence de base légale au consentement de la commune justifie l’anéantissement rétroactif de l’acte juridique litigieux. Cette solution protège les prérogatives des élus locaux face aux dérives potentielles du pouvoir exécutif dans la gestion des services publics délégués. La gravité du vice de consentement prime ici sur la stabilité contractuelle afin de garantir le respect des principes fondamentaux de la démocratie.

B. Le refus d’un effet différé de l’annulation au regard de l’intérêt général La collectivité demandait de différer les effets de l’annulation pour éviter une interruption soudaine de l’exploitation de la plateforme aéroportuaire et mécanique. Cependant, le juge peut refuser une telle mesure s’il apparaît que l’annulation immédiate ne porte pas une « atteinte excessive à l’intérêt général ». La Cour relève que la mise en place d’une régie directe par la commune est une alternative viable et rapide pour le service. Les précédentes expériences de gestion publique démontrent que l’administration est capable de reprendre l’activité sans délai excessif ni perte de compétence technique. L’annulation n’entraîne pas non plus la perte des créances envers les usagers puisque la commune demeure titulaire des droits issus de l’exploitation. Le juge écarte ainsi toute modulation dans le temps afin de rétablir immédiatement la légalité républicaine au sein de la gestion locale.

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Hassan KOHEN
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