Cour d’appel administrative de Marseille, le 3 avril 2025, n°23MA01335

La Cour administrative d’appel de Marseille, par un arrêt rendu le 3 avril 2025, s’est prononcée sur la régularité et le bien-fondé de rectifications fiscales. Un couple d’associés a fait l’objet de suppléments d’impôt sur le revenu à la suite de vérifications de comptabilité de deux sociétés à responsabilité limitée. L’administration a considéré que les recettes omises par ces structures constituaient des revenus appréhendés par le gérant en sa qualité de maître de l’affaire. Après un premier jugement du tribunal administratif de Marseille ayant partiellement réduit les bases d’imposition, les requérants ont sollicité la décharge totale devant la juridiction d’appel. Le litige porte sur l’obligation d’un avis de vérification préalable au contrôle sur pièces et sur la preuve de l’appréhension effective des sommes par le dirigeant. La juridiction devait déterminer si l’administration pouvait régulièrement fonder ses redressements sans avis préalable et maintenir la qualification de revenus distribués malgré l’absence de crédits personnels. La Cour administrative d’appel de Marseille a d’abord examiné la régularité de la procédure d’imposition (I) avant de statuer sur le bien-fondé des impositions litigieuses (II).

I. La régularité de la procédure de rectification contradictoire

A. L’absence d’obligation d’envoi d’un avis de vérification lors d’un contrôle sur pièces

Le contrôle des déclarations fiscales s’exerce librement par l’administration sur le fondement des dispositions de l’article L. 10 du livre des procédures fiscales. Les requérants soutenaient vainement qu’un tel contrôle devait être précédé d’un avis de vérification, formalité réservée aux procédures de vérification de comptabilité sur place. La Cour précise qu’ « un tel contrôle n’exige pas, contrairement à ce qui est soutenu, d’être précédé de l’envoi d’un avis de vérification ». Cette solution protège la fluidité des contrôles administratifs lorsque ceux-ci se limitent à l’examen des documents détenus par le service sans aucun déplacement. La distinction entre contrôle sur pièces et vérification de comptabilité demeure ainsi un pilier fondamental de la procédure fiscale contradictoire au bénéfice de l’efficacité administrative.

B. La validité de la motivation et de la notification de la proposition de rectification

La proposition de rectification doit être motivée pour permettre au contribuable de présenter ses observations conformément à l’article L. 57 du livre des procédures fiscales. En l’espèce, le document mentionnait précisément les motifs du rehaussement des bases imposables des deux sociétés et les raisons de l’appréhension des bénéfices. La Cour écarte le grief d’insuffisance de motivation en relevant que la proposition précisait « le montant des impositions au titre des revenus de capitaux mobiliers ». Concernant la notification, l’administration a prouvé l’envoi régulier de la réponse aux observations à l’adresse des contribuables malgré l’absence de réclamation du pli postal. Le juge valide ainsi une procédure où les garanties formelles du contribuable ont été scrupuleusement respectées par les services fiscaux durant toute la phase contradictoire.

II. Le bien-fondé des impositions et la présomption de maître de l’affaire

A. L’insuffisance probante des critiques relatives à l’évaluation d’office des bénéfices

L’administration a procédé à l’évaluation d’office des résultats sociaux après avoir constaté une opposition à contrôle fiscal et l’absence de toute déclaration de résultats. Les requérants critiquaient le montant des revenus réputés distribués en se fondant sur des balances générales produites tardivement ou dépourvues de toute date certaine d’établissement. La Cour juge que les intéressés ne sont pas fondés à soutenir que les montants sont exagérés car ils « ne justifient par aucune pièce » l’absence de recettes. Le juge administratif refuse de substituer des documents comptables non probants aux reconstitutions opérées par l’administration à partir des flux bancaires des sociétés contrôlées. La charge de la preuve incombe au contribuable qui doit démontrer le caractère excessif d’une taxation d’office régulièrement mise en œuvre par le service vérificateur.

B. La consécration de la qualité de maître de l’affaire pour l’appréhension des revenus distribués

L’application de l’article 109 du code général des impôts suppose que les bénéfices non mis en réserve soient considérés comme des revenus distribués aux bénéficiaires effectifs. Le gérant associé, détenteur unique de la signature bancaire et représentant légal, est présumé avoir appréhendé les sommes détournées en tant que maître de l’affaire fiscale. La Cour affirme que l’intéressé « doit donc être regardé comme ayant été le maître de l’affaire, et ainsi comme ayant appréhendé les revenus réputés distribués ». Les requérants ne peuvent utilement invoquer l’absence de crédit sur leurs comptes personnels pour renverser cette présomption simple attachée à l’exercice du pouvoir. Cette décision confirme la rigueur jurisprudentielle entourant la responsabilité fiscale des dirigeants gérant leurs structures de manière occulte au mépris des obligations comptables élémentaires.

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Hassan KOHEN
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