La Cour administrative d’appel de Marseille, par un arrêt rendu le 3 avril 2025, se prononce sur la déductibilité des honoraires versés à une entreprise tierce. Une société à responsabilité limitée exerçant une activité de cession de droits audiovisuels a fait l’objet d’une vérification de sa comptabilité en juin 2015. L’administration a notifié des rectifications portant sur l’impôt sur les sociétés pour les exercices clos en 2012 et 2013 et sur la taxe sur la valeur ajoutée. Le litige se concentre sur des charges correspondant à la rémunération de prestations effectuées par le gérant commun au sein d’une société partenaire de gestion. Le tribunal administratif de Montpellier a d’abord prononcé la décharge des cotisations supplémentaires avant que la cour administrative d’appel ne soit saisie d’un appel ministériel. Après une cassation partielle prononcée par le Conseil d’Etat le 4 octobre 2023, l’affaire est renvoyée devant la juridiction marseillaise pour statuer sur le fond. Le ministre demande l’annulation du jugement initial en soutenant que le versement des honoraires constitue un acte anormal de gestion faute de contrepartie réelle démontrée. La société requérante conclut au rejet du recours en faisant valoir que les versements correspondent à une rémunération indirecte légitime de son gérant non rémunéré. La question posée est de savoir si le versement d’honoraires à une tierce société pour des missions inhérentes au mandat social est déductible du bénéfice imposable. La cour rejette les prétentions de la société en considérant que l’absence de preuve d’une rémunération indirecte validée par les associés caractérise un acte anormal. L’analyse de cette décision conduit à étudier la caractérisation de l’acte anormal de gestion avant d’aborder les conditions de preuve de la rémunération indirecte.
I. La caractérisation de l’acte anormal de gestion au travers des conventions de gestion
L’examen du caractère anormal de la gestion suppose de vérifier l’existence d’un appauvrissement sans contrepartie avant de distinguer les fonctions de direction des prestations techniques.
A. Le principe de l’appauvrissement sans contrepartie pour les fonctions de direction
Le bénéfice imposable est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l’entreprise, à l’exception de celles étrangères à une gestion normale. « Constitue un acte anormal de gestion l’acte par lequel une entreprise décide de s’appauvrir à des fins étrangères à son intérêt » social et commercial. Les juges rappellent que les missions relevant des fonctions normalement dévolues au dirigeant ne peuvent donner lieu à une rémunération supplémentaire sans justification de prestations réelles. En l’espèce, les prestations décrites par la convention signée le 1er juin 2013 faisaient double emploi avec les fonctions gratuites du gérant de la société requérante. La juridiction administrative considère que le paiement de services déjà couverts par le mandat social constitue un appauvrissement dépourvu de contrepartie réelle pour la personne morale.
B. L’exigence probatoire d’une distinction entre mandat social et prestations techniques
L’administration fiscale établit que l’intéressé n’a effectué aucune mission spécifique permettant de justifier le versement d’honoraires par la société au profit du prestataire de services. La société doit démontrer que son dirigeant a fourni des « prestations techniques distinctes des fonctions inhérentes à sa qualité de gérant de société à responsabilité limitée » pour justifier la déduction. Les tâches de coordination ou de détermination de la stratégie opérationnelle ne révèlent pas l’exercice de fonctions techniques spécifiques et identifiables par le juge administratif. Dès lors, l’absence de démonstration d’une activité technique réelle conduit le juge à confirmer le caractère anormal de la gestion opérée par la société requérante. L’analyse du principe de l’acte anormal de gestion conduit désormais à examiner les modalités restrictives permettant de justifier une éventuelle rémunération indirecte du dirigeant.
II. L’encadrement de la preuve de la volonté de rémunération indirecte
La validité d’une rémunération indirecte repose sur un choix de gestion dont la réalité doit être confirmée par une approbation formelle des associés.
A. La reconnaissance de la rémunération indirecte comme motif légitime de déduction
La conclusion d’une convention de prestations ne relève pas d’une gestion anormale si la société établit la volonté de « rémunérer indirectement le dirigeant » par ces versements. Le choix d’un mode de rémunération indirect ne caractérise pas en lui-même un appauvrissement à des fins étrangères à l’intérêt de la société à responsabilité limitée. Cette position jurisprudentielle permet de respecter la liberté de gestion de l’entreprise tout en s’assurant de la réalité de la contrepartie financière ainsi versée. Toutefois, cette possibilité demeure strictement subordonnée à la démonstration de l’intention réelle des organes sociaux au moment de la conclusion du contrat de prestations de services.
B. La subordination de la déductibilité à l’approbation formelle des associés
La preuve de la rémunération indirecte exige une « décision ou une validation par une décision collective des associés de la société à responsabilité limitée » compétents en la matière. Le simple rapport de gestion mentionnant l’existence de la convention et le montant des honoraires versés est jugé insuffisant par la cour administrative d’appel de Marseille. L’information donnée à l’assemblée générale doit être explicite sur le contenu des missions et l’implication réelle du gérant dans le système de rémunération indirecte. La référence à l’article L. 223-19 du code de commerce ne suffit pas à caractériser une validation d’une rémunération indirecte du gérant par les associés. La juridiction annule donc le jugement de première instance et remet les impositions contestées à la charge de la société requérante au titre de l’exercice 2013.