Par un arrêt en date du 3 juin 2025, une cour administrative d’appel s’est prononcée sur la légalité d’un refus de renouvellement de titre de séjour opposé à une étudiante étrangère. La solution retenue, bien que classique sur le fond, est éclairante quant à l’office du juge administratif et à son appréciation de la réalité du projet d’études.
En l’espèce, une ressortissante centrafricaine, titulaire d’une licence universitaire obtenue en France, s’était vu refuser le renouvellement de son titre de séjour en qualité d’étudiante pour l’année 2023-2024. Sa candidature à un master dans une université publique n’ayant pas été retenue, elle s’était inscrite à une formation de type MBA dispensée intégralement à distance. L’autorité préfectorale avait alors considéré que son projet d’études ne justifiait plus sa présence sur le territoire national.
Saisi en première instance, le tribunal administratif de Toulon avait rejeté le recours en annulation formé contre cette décision. La requérante a alors interjeté appel de ce jugement, soutenant principalement que le préfet avait commis une erreur manifeste d’appréciation en ne reconnaissant pas le caractère réel et sérieux de ses études, en méconnaissance de l’article L. 422-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
Il appartenait donc aux juges d’appel de déterminer si le suivi d’une formation à distance pouvait constituer un motif suffisant pour le renouvellement d’un titre de séjour « étudiant » et, au préalable, de s’assurer du cadre normatif pertinent. La cour, après avoir rectifié d’office la base légale de la décision contestée, a confirmé le jugement de première instance, validant ainsi l’analyse de l’administration. La démarche du juge illustre l’articulation entre le contrôle de la légalité externe et l’appréciation souveraine du projet de l’étudiant (I), avant de confirmer une interprétation stricte de la condition de poursuite d’études qui limite la portée du statut d’étudiant étranger (II).
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I. La clarification du cadre normatif par le juge administratif
La cour administrative d’appel procède en premier lieu à une rectification de la base légale de l’acte, rappelant la primauté des engagements internationaux (A), pour ensuite appliquer les critères de fond qu’ils contiennent, dont la portée s’avère équivalente à celle du droit interne (B).
A. La primauté de la convention bilatérale sur le droit commun des étrangers
L’un des apports de la décision réside dans le moyen que le juge a relevé d’office, un pouvoir qui lui est conféré par l’article R. 611-7 du code de justice administrative. La cour constate que le préfet, tout comme la requérante dans ses écritures initiales, avait fondé son raisonnement sur l’article L. 422-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Or, la situation d’une ressortissante centrafricaine est régie par des stipulations spécifiques.
La cour rappelle ainsi l’existence et la prééminence de l’article 9 de la convention franco-centrafricaine du 26 septembre 1994. Ce mécanisme de substitution de base légale, désormais bien établi en jurisprudence, permet au juge de sauver un acte d’une annulation certaine pour un motif de pure légalité externe. L’acte contesté est ainsi purgé de son vice initial, le juge considérant qu’il « aurait pu être » pris sur le fondement du texte pertinent. La démarche souligne que le droit des étrangers est un entrelacs de normes où les conventions bilatérales, lorsqu’elles existent, dérogent au droit commun et doivent impérativement être appliquées.
B. La neutralisation des effets de la substitution par l’équivalence des conditions
L’opération de substitution n’est possible que sous deux conditions cumulatives : l’administration doit disposer du même pouvoir d’appréciation en vertu des deux normes et l’intéressé ne doit être privé d’aucune des garanties procédurales attachées à l’application du texte adéquat. En l’espèce, la cour prend soin de vérifier cette double condition.
Elle juge que « la portée des conditions posées par les stipulations précitées de l’article 9 de la convention […] est équivalente à celles résultant des dispositions de l’article L. 422-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ». Effectivement, les deux textes subordonnent la délivrance ou le renouvellement du titre à la justification de la poursuite effective des études et à la possession de moyens d’existence suffisants. L’étudiante n’ayant été privée d’aucune garantie, la substitution pouvait être opérée sans préjudice pour ses droits. Une fois le cadre juridique ainsi sécurisé, le juge pouvait se livrer à son contrôle sur le fond de la décision.
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II. Une conception matérielle et restrictive de la poursuite des études
L’arrêt confirme une approche pragmatique de la condition de séjour pour études, en se fondant sur la nécessité matérielle de la présence en France (A), tout en réaffirmant le principe de l’appréciation de la légalité à la date de la décision contestée (B).
A. L’exigence d’une présence physique comme corollaire du statut d’étudiant
Le cœur du litige portait sur le caractère réel et sérieux des études. La requérante, inscrite dans un cursus à distance, soutenait que cette formation était en lien avec son parcours antérieur et qu’elle la suivait assidûment. La cour, suivant le raisonnement des premiers juges, ne conteste pas la qualité de la formation mais son incompatibilité avec l’objet même d’un titre de séjour.
Elle retient que « la requérante n’établit pas que le suivi des enseignements de ce MBA nécessiterait sa présence sur le territoire français ». Cette formule révèle le critère déterminant pour l’administration et le juge : le titre de séjour « étudiant » n’a pas pour but de permettre à un ressortissant étranger de suivre depuis la France des cours qu’il pourrait suivre depuis n’importe quel autre point du globe, y compris son pays d’origine. La finalité du séjour doit être directement liée à la nature des études. La solution est sévère mais logique, car elle rattache le droit au séjour à sa cause objective, qui est ici la participation à une formation impliquant une présence physique dans un établissement d’enseignement sur le territoire.
B. L’indifférence des projets d’études futurs sur la légalité de l’acte
Pour tenter de démontrer la pérennité de son projet, la requérante faisait valoir son admission dans plusieurs masters pour l’année universitaire suivante, 2025-2026. La cour écarte cet argument d’un revers de main, le jugeant inopérant.
Elle rappelle un principe fondamental du contentieux de l’excès de pouvoir : « ces circonstances demeurent sans incidence sur la légalité de l’arrêté en litige qui s’apprécie à la date de ce dernier ». Au 13 mai 2024, date de l’arrêté préfectoral, la seule réalité tangible était l’inscription à une formation à distance. Les admissions futures, bien que pouvant témoigner de la qualité du parcours académique de l’intéressée, constituent des éléments de fait postérieurs à la décision attaquée et ne peuvent donc en affecter la légalité. Cette rigueur temporelle dans l’appréciation du juge, si elle peut paraître frustrante pour l’administré, est le garant de la sécurité juridique et de la cohérence du contrôle juridictionnel. La décision du préfet n’est donc pas entachée d’erreur d’appréciation, car elle était justifiée par la situation de fait et de droit existant au moment où elle a été prise.