Cour d’appel administrative de Marseille, le 3 mars 2025, n°24MA01613

La Cour administrative d’appel de Marseille a rendu, le 3 mars 2025, une décision précisant les conditions d’indemnisation consécutives à l’annulation d’une sanction disciplinaire. Le litige porte sur la responsabilité pour faute de l’administration suite à des mesures de confinement en cellule illégalement prononcées contre un détenu.

Le requérant a subi deux sanctions de quatorze jours en avril 2017, lesquelles furent annulées par le juge de l’excès de pouvoir pour un vice de procédure. L’administration n’avait pas prouvé les diligences effectuées pour remplacer l’assesseur décédé de la commission de discipline, entachant ainsi la régularité des décisions de sanction.

Saisi d’une demande indemnitaire de 14 000 euros, le tribunal administratif de Nice a rejeté la requête par un jugement en date du 16 décembre 2021. L’intéressé a alors interjeté appel devant la juridiction marseillaise afin d’obtenir la réparation du préjudice résultant de l’exécution de ces sanctions jugées illégales.

Le juge doit déterminer si l’annulation d’une sanction pour vice de procédure ouvre systématiquement droit à réparation lorsque les faits reprochés sont par ailleurs établis. La Cour rejette la requête au motif que l’irrégularité procédurale ne présente aucun lien de causalité avec le préjudice allégué par le requérant incarcéré.

Cette solution repose sur une analyse rigoureuse de la légalité interne de la décision (I), avant de conclure à l’absence de préjudice indemnisable (II).

I. L’exigence d’un lien de causalité entre l’illégalité externe et le préjudice

A. La caractérisation d’un vice de procédure sans incidence sur le fond La juridiction rappelle qu’une annulation contentieuse pour vice de procédure n’implique pas nécessairement que la mesure de sanction soit dépourvue de tout fondement juridique. L’arrêt souligne que le tribunal administratif avait seulement retenu un « vice de procédure tenant à l’absence de preuve, par l’administration, des diligences faites pour remplacer l’assesseur ».

Cette irrégularité formelle, bien que suffisante pour entraîner l’annulation de l’acte, ne préjuge en rien du bien-fondé de la sanction sur le plan disciplinaire. Le juge administratif distingue ainsi la régularité de la composition de l’organe décisionnel de la réalité des fautes commises par le détenu durant son incarcération.

B. L’obligation pour le juge de rechercher la légalité potentielle de la sanction Le juge de plein contentieux doit rechercher si « la même décision aurait pu être légalement prise, s’agissant tant du principe même de la sanction que de son quantum ». Cette méthodologie impose une vérification concrète de ce qu’aurait été la décision administrative si la procédure avait été régulièrement suivie par l’autorité.

Il appartient désormais au magistrat de forger sa conviction au vu de l’ensemble des éléments produits par les parties pour apprécier la gravité de l’irrégularité. Cette approche limite les effets indemnitaires des annulations purement procédurales lorsque la substance de la décision attaquée apparaît conforme aux règles de droit applicables.

II. L’absence de droit à réparation pour une sanction disciplinaire justifiée

A. L’admission de la matérialité des faits reprochés au requérant La solution de la Cour s’appuie sur le comportement du requérant, lequel a « admis la matérialité des faits qui lui étaient reprochés » lors de l’instance. Il ne soutenait nullement que les sanctions prononcées à son encontre étaient injustifiées ou que la sévérité de la mesure était manifestement disproportionnée aux fautes.

Dès lors que le bien-fondé de la sanction n’est pas sérieusement contesté, l’illégalité externe ne saurait être regardée comme la cause directe du préjudice subi. L’exécution de la sanction trouve sa source réelle dans la faute disciplinaire commise et non dans l’omission administrative relative à la désignation de l’assesseur.

B. L’inexistence d’un préjudice indemnisable découlant de l’irrégularité Le juge conclut que l’intéressé « n’établit pas l’existence d’un lien de causalité entre les illégalités entachant les sanctions disciplinaires prononcées à son encontre et le préjudice ». Cette position confirme une jurisprudence constante refusant l’indemnisation lorsque la même décision aurait pu être légalement prise par l’administration pénitentiaire.

Le rejet des conclusions indemnitaires et des frais de procédure marque la volonté du juge de ne pas transformer l’irrégularité formelle en rente de situation. La protection des droits des détenus s’efface ici devant la reconnaissance de la nécessité de la sanction dès lors que celle-ci demeure proportionnée.

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Hassan KOHEN
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