La Cour administrative d’appel de Marseille a rendu, le 30 janvier 2025, un arrêt précisant les conditions de liquidation d’une astreinte prononcée contre l’État. Un ressortissant étranger demande en 2020 la délivrance d’un titre de séjour, dont le refus implicite est annulé par le Tribunal administratif de Nice en 2022. La juridiction ordonne un réexamen de la situation individuelle sous deux mois, mais cette injonction demeure inexécutée par l’administration dans le délai imparti. Le tribunal administratif prononce alors, le 30 avril 2024, une astreinte provisoire de cent euros par jour pour contraindre l’autorité compétente à statuer. L’intéressée saisit de nouveau le juge pour solliciter la liquidation de cette somme en raison de la persistance de l’inertie administrative durant plusieurs mois. Par un jugement du 24 septembre 2024, les premiers juges condamnent la puissance publique à verser la somme de treize mille huit cents euros. L’autorité administrative interjette appel de cette condamnation en invoquant des difficultés d’organisation interne ainsi que le mode de transmission des pièces par le requérant. Elle soutient également que la saturation de ses services justifie une modération substantielle du montant de l’astreinte au regard des efforts de traitement accomplis. Le litige soulève la question de la marge d’appréciation du juge administratif lorsqu’il liquide une astreinte provisoire face à des difficultés matérielles alléguées. La Cour confirme la décision de première instance en estimant que les circonstances invoquées ne justifient pas une réduction du taux de l’astreinte initialement fixé. L’étude de cette solution permet d’analyser la caractérisation d’une inexécution fautive (I) avant d’examiner la fermeté du juge dans l’évaluation de la sanction pécuniaire (II).
I. La caractérisation d’une inexécution prolongée et fautive de la part de l’administration
A. Le constat d’une carence administrative persistante malgré les injonctions juridictionnelles
L’exécution des décisions de justice constitue une obligation fondamentale pour l’autorité administrative, laquelle doit agir dans les délais fixés par le juge du fond. En l’espèce, un délai de cent trente-huit jours s’est écoulé entre la notification de l’astreinte et le jugement constatant la persistance du silence administratif. La Cour souligne que « l’administration n’avait pas procédé à l’examen du droit au séjour » malgré l’existence de plusieurs injonctions restées sans réponse concrète. Cette situation caractérise une méconnaissance prolongée de la chose jugée, dès lors que l’autorité n’a pris aucune décision explicite durant cette période de retard. L’inaction est d’autant plus manifeste que le réexamen ordonné constituait une mesure simple ne nécessitant pas d’investigations complexes ou de recherches juridiques particulières.
B. L’insuffisance des obstacles matériels invoqués pour justifier le retard de traitement
Pour obtenir une modération de l’astreinte, l’administration peut invoquer des difficultés techniques imprévues ou un comportement fautif de la part du demandeur à l’instance. L’autorité préfectorale prétendait ici que l’envoi de documents par courrier électronique avait retardé l’instruction du dossier par rapport à un envoi postal classique. Le juge écarte fermement cet argument en relevant que l’objet de la communication électronique était « suffisamment explicite » pour permettre un traitement administratif normal. La saturation alléguée des services ne saurait constituer un cas de force majeure exonératoire, les difficultés structurelles ne dispensant pas du respect des injonctions. La persistance de la carence administrative durant l’été témoigne d’un manque de diligence qui ne permet pas de réduire le montant de la condamnation financière.
Le constat d’une faute caractérisée de la part de l’administration conduit naturellement le juge à exercer son pouvoir de liquidation avec une rigueur exemplaire.
II. L’exercice du pouvoir de liquidation face à l’exigence d’efficacité de la justice
A. La confirmation du montant maximal de l’astreinte au titre de la sanction
Aux termes de l’article L. 911-7 du code de justice administrative, la juridiction dispose de la faculté de moduler le montant d’une astreinte à caractère provisoire. Toutefois, cette modulation n’est nullement automatique et dépend exclusivement de l’appréciation souveraine portée sur les circonstances particulières ayant entouré l’inexécution de la décision. La Cour administrative d’appel de Marseille refuse de modérer le taux de cent euros par jour, validant ainsi le calcul opéré par les premiers juges. La somme de treize mille huit cents euros correspond strictement à la durée du retard constaté, sans qu’aucun élément ne justifie une indulgence envers l’administration.
B. La portée pédagogique de la liquidation intégrale des sommes dues par la puissance publique
La décision s’inscrit dans une jurisprudence visant à garantir l’effectivité des injonctions de réexamen, souvent négligées par les services chargés du droit des étrangers. La liquidation au taux maximum rappelle que l’administration ne peut se prévaloir de ses propres contraintes internes pour se soustraire à l’autorité du juge. Une mesure de refus de séjour n’a été édictée que quelques jours après la notification du jugement de liquidation, confirmant le caractère tardif de l’action. Par cet arrêt, le juge administratif de Marseille affirme sa volonté de sanctionner sévèrement les retards injustifiés afin d’assurer le plein respect des droits individuels.