Un praticien exerçant la profession de médecin généraliste a fait l’objet de rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour des honoraires perçus d’un groupement d’intérêt économique dont il était également le dirigeant. L’administration fiscale a considéré que ces sommes, non déclarées au titre de la taxe, devaient y être assujetties. Le contribuable a contesté cette position devant le tribunal administratif de Nice, qui a rejeté sa demande par un jugement du 29 juin 2023. Saisie en appel, la juridiction administrative du second degré était amenée à se prononcer tant sur la régularité de la procédure d’imposition que sur le bien-fondé de l’assujettissement à la taxe des honoraires en cause. Le requérant soutenait principalement que l’administration avait mené une vérification de comptabilité déguisée sans lui octroyer les garanties afférentes, et que les prestations rémunérées, relatives à de la formation professionnelle, devaient être exonérées de taxe. La question de droit soumise aux juges portait donc d’une part sur la qualification de la procédure de contrôle et les garanties procédurales qui en découlent, et d’autre part sur l’application des régimes d’exonération de taxe sur la valeur ajoutée. Par un arrêt en date du 4 mars 2025, la cour administrative d’appel rejette l’ensemble des moyens du requérant et confirme la décision des premiers juges. Elle juge que le contrôle, fondé sur des documents obtenus auprès d’un tiers, constituait un simple contrôle sur pièces et non une vérification de comptabilité. Elle écarte par ailleurs toute violation des garanties du contribuable et valide l’analyse de l’administration sur le caractère imposable des prestations. L’arrêt illustre ainsi la distinction fondamentale entre les différentes procédures de contrôle fiscal et ses conséquences sur les droits du contribuable (I), avant de rappeler les conditions strictes d’application des exonérations de taxe (II).
I. La validation d’une procédure de contrôle menée à l’égard des garanties du contribuable
La cour s’est d’abord attachée à vérifier la régularité de la procédure suivie par l’administration fiscale, en écartant la qualification de vérification de comptabilité (A) puis en neutralisant la portée de la garantie d’information sur les renseignements obtenus de tiers (B).
A. La distinction réaffirmée entre contrôle sur pièces et vérification de comptabilité
Le requérant soutenait que la procédure menée par l’administration constituait en réalité une vérification de comptabilité, ce qui aurait dû lui ouvrir droit à des garanties spécifiques, notamment celle d’un débat oral et contradictoire. La cour rejette fermement cette analyse en se fondant sur la nature des investigations menées. Elle constate en effet que l’administration « s’est bornée à faire un certain nombre de constatations et à recueillir des informations et documents auprès du GIE Amigale, dont la comptabilité a été vérifiée au titre de la même période, (…) sans consulter aucun document de nature comptable provenant de la comptabilité propre de M. B… ». Cette seule constatation suffit à écarter la qualification de vérification de comptabilité, qui implique un examen sur place des documents comptables du contribuable vérifié. La procédure relevait donc d’un simple contrôle sur pièces, pour lequel les garanties invoquées par le requérant ne sont pas applicables. Cette solution, conforme à une jurisprudence constante, rappelle que la nature d’un contrôle fiscal dépend exclusivement des modalités matérielles de sa mise en œuvre, et non des conséquences financières qui en découlent pour le contribuable.
B. L’application neutralisée de la garantie d’information sur les renseignements obtenus de tiers
Le contribuable arguait également d’une violation de l’article L. 76 B du livre des procédures fiscales, faute d’avoir été informé de l’origine et de la teneur des documents obtenus auprès du groupement d’intérêt économique. La cour procède à un raisonnement en deux temps pour écarter le moyen. D’abord, elle estime que la proposition de rectification mentionnait suffisamment les notes d’honoraires émises par l’intéressé pour lui permettre de discuter leur provenance. Ensuite, et de manière plus décisive, elle juge qu’une éventuelle méconnaissance de cette obligation formelle serait sans incidence en l’espèce. En effet, elle énonce que « la méconnaissance de l’obligation d’information prévue par l’article L. 76 B du livre des procédures fiscales à la supposer même établie, aurait été est sans conséquence dans les circonstances de l’espèce dès lors qu’eu égard à la teneur des documents, nécessairement connus de M. B…, celui-ci n’a pas été privé, du seul fait de l’absence d’information sur l’origine des renseignements, de la garantie prévue par l’article L. 76 B du livre des procédures fiscales ». Cette approche pragmatique subordonne l’annulation d’une procédure à l’existence d’une atteinte réelle aux droits de la défense. Le contribuable ne saurait se prévaloir d’un vice de procédure lorsque les informations en cause, dont il est l’auteur, ne lui étaient pas inconnues, et que leur communication formelle ne lui aurait apporté aucune garantie supplémentaire.
II. Le bien-fondé incontesté de l’assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée
Après avoir validé la procédure d’imposition, la cour confirme le bien-fondé des rappels de taxe en appliquant une interprétation stricte des conditions d’exonération (A) et en rejetant les autres moyens qui tendaient à une réduction de l’impôt (B).
A. L’interprétation stricte des conditions d’exonération
Le requérant prétendait que les honoraires litigieux devaient être exonérés de taxe sur la valeur ajoutée, car ils rémunéraient des prestations de formation professionnelle continue. La cour écarte ce moyen en examinant successivement les deux fondements d’exonération possibles. D’une part, elle juge que les prestations de formation, même dispensées par un médecin, ne sauraient être assimilées aux « soins dispensés aux personnes » au sens de l’article 261 du code général des impôts. D’autre part, pour bénéficier de l’exonération spécifique à la formation professionnelle continue, le prestataire doit être titulaire d’une attestation administrative reconnaissant sa qualité d’organisme de formation. Or, le requérant non seulement n’établissait pas détenir une telle attestation, mais il ne démontrait pas non plus que les honoraires, libellés comme des « prestations d’expertise, de conseil et de gestion des formations », correspondaient effectivement à des actions de formation. La cour souligne ainsi que la charge de la preuve pèse sur le contribuable qui se prévaut d’un régime d’exonération. En l’absence de justification précise, les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti restent soumises de plein droit à la taxe.
B. Le rejet des moyens subsidiaires fondés sur des garanties inapplicables
Le contribuable invoquait enfin plusieurs arguments pour obtenir une réduction de l’imposition. Il se prévalait de lettres ministérielles qui, selon lui, appuyaient son interprétation de la loi fiscale. La cour rappelle cependant que de tels documents ne constituent pas une interprétation formelle de l’administration opposable sur le fondement de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales. Par ailleurs, concernant la demande de déduction de la taxe sur la valeur ajoutée qui aurait grevé ses propres charges, le requérant ne produisait aucun justificatif. Enfin, la cour écarte l’application du mécanisme dit de la « cascade », prévu par l’article L. 77 du livre des procédures fiscales, qui permet de déduire les rappels de taxe sur la valeur ajoutée de l’assiette de l’impôt sur le revenu. Elle précise que « seuls les rappels de taxe sur la valeur ajoutée consécutifs à une vérification de comptabilité sont déductibles ». La solution se rattache ainsi à la qualification de la procédure opérée en première partie du raisonnement : le contrôle ayant été qualifié de contrôle sur pièces, le bénéfice de ce mécanisme était nécessairement exclu. L’arrêt démontre ainsi la cohérence du système fiscal, où les conséquences de fond découlent directement des qualifications procédurales.