La cour administrative d’appel de Marseille a rendu, le 7 février 2025, une décision relative aux sanctions administratives pour emploi d’un étranger dépourvu de titre.
Un ressortissant étranger en situation irrégulière effectuait des livraisons en utilisant le compte numérique ouvert par un tiers auprès d’une plateforme de livraison à domicile. L’administration a mis à la charge du titulaire du compte des contributions spéciale et forfaitaire pour un montant total de quinze mille euros. Le tribunal administratif de Marseille a annulé cette décision le 18 janvier 2024 au motif que la situation d’emploi n’était pas établie.
L’office public a alors interjeté appel devant la cour administrative d’appel de Marseille afin d’obtenir l’annulation du jugement rendu en première instance par les juges. Les juges d’appel doivent déterminer si l’utilisation d’un compte numérique par un tiers permet de caractériser un lien de subordination juridique et une relation salariale. La juridiction administrative estime que la perception d’un revenu et la dépendance du travailleur établissent la réalité de l’emploi malgré l’absence de contrat formel.
Les juges marseillais précisent d’abord les critères de qualification de la relation de travail avant de confirmer la validité de la sanction administrative contestée par le requérant.
I. La reconnaissance d’une relation de travail à travers le partage de compte numérique
A. La prééminence du critère de dépendance économique et juridique
La cour administrative d’appel de Marseille rappelle que le juge doit vérifier la matérialité des faits et leur qualification juridique lors d’un recours contre une sanction. L’autorité administrative doit relever des « indices objectifs de subordination permettant d’établir la nature salariale des liens contractuels existant entre un employeur et le travailleur ». Le titulaire du compte prétendait avoir simplement rendu service sans pour autant exercer un pouvoir de direction sur le livreur étranger durant son activité. Cependant, les juges constatent que le requérant percevait les virements de la plateforme et ne justifiait pas le reversement intégral des sommes perçues au travailleur. La juridiction conclut que le titulaire du compte « tirait un revenu du travail accompli » par le ressortissant étranger en situation irrégulière lors des livraisons.
B. L’autonomie de la qualification administrative par rapport au juge répressif
Le requérant invoquait le bénéfice d’une relaxe prononcée par le tribunal judiciaire de Marseille le 20 octobre 2021 afin de contester la légalité de la sanction administrative. La cour écarte ce moyen en affirmant qu’« aucune autorité de chose jugée ne s’attache aux motifs d’un jugement pénal prononçant une relaxe » par principe. Cette solution souligne la séparation des procédures pénale et administrative, dès lors que les faits reprochés ne sont pas déclarés matériellement inexistants par le juge répressif. Le juge administratif conserve ainsi son pouvoir d’appréciation souverain sur la matérialité des faits reprochés à l’employeur au regard des dispositions du code du travail.
II. La confirmation de la validité des sanctions pour travail irrégulier
A. L’imputation de la qualité d’employeur au titulaire du compte de livraison
La matérialité de l’emploi est établie « eu égard à la situation de dépendance dans laquelle se trouvait ce ressortissant étranger » vis-à-vis du titulaire du compte. La liberté dans le choix des courses ou l’utilisation d’un matériel personnel ne suffisent pas à écarter l’existence réelle d’un lien de subordination juridique. Le titulaire du compte, en maîtrisant l’accès à l’outil de production numérique, occupe de fait une position d’employeur soumise aux obligations impératives du droit national. Le manquement aux dispositions interdisant l’emploi d’un étranger sans titre de travail est ainsi constitué indépendamment de la forme contractuelle initialement retenue par les parties.
B. L’absence d’influence des circonstances individuelles sur l’application de la loi
Le contrevenant tentait de justifier son comportement par la présentation d’un récépissé de plainte et par sa propre situation d’étudiant doté de revenus financiers très limités. Les juges considèrent qu’« aucun élément intentionnel n’est nécessaire à la caractérisation du manquement » aux règles de l’emploi des étrangers sur le territoire français par l’employeur. La sévérité de la sanction financière répond à une « exigence de répression effective des infractions » qui prime sur les difficultés sociales ou financières rencontrées par l’employeur. La décision de l’administration est donc confirmée, annulant le jugement de première instance qui avait initialement déchargé le requérant de ses lourdes obligations pécuniaires.