Cour d’appel administrative de Marseille, le 7 février 2025, n°24MA01220

La cour administrative d’appel de Marseille a rendu, le 7 février 2025, un arrêt relatif à la légalité d’une mesure d’éloignement prise à l’encontre d’un ressortissant étranger. Un individu de nationalité tunisienne avait sollicité son admission exceptionnelle au séjour en juin 2022, essuyant initialement un refus implicite de l’autorité préfectorale compétente. Par un jugement du 21 mars 2024, le tribunal administratif de Nice a annulé cette décision et enjoint au préfet de procéder à un réexamen de la demande. L’administration a alors invité l’intéressé à produire des pièces complémentaires sous un délai de quinze jours, avant d’édicter prématurément une obligation de quitter le territoire. Le magistrat désigné près le tribunal administratif de Nice a rejeté la contestation de cet arrêté par un jugement rendu le 19 avril 2024. La juridiction d’appel relève que « l’arrêté en litige est intervenu avant l’expiration de ce délai et sans que » l’intéressé « n’ait pu faire parvenir les compléments à sa demande ». Elle annule le jugement ainsi que l’arrêté litigieux, estimant que l’administration n’a pas procédé à un examen attentif de la situation personnelle. L’étude de cette décision permet d’analyser la sanction d’une irrégularité procédurale relative à l’examen sérieux, avant d’aborder la confirmation d’une erreur de droit quant au régime applicable.

I. La sanction d’une irrégularité procédurale relative au droit à un examen sérieux

A. Le mépris du délai de régularisation par l’autorité administrative

L’administration avait formellement imparti au requérant un délai de quinze jours pour actualiser son dossier conformément à l’injonction prononcée par le juge de première instance. La cour administrative d’appel de Marseille relève toutefois que l’arrêté portant obligation de quitter le territoire est intervenu seulement quelques jours après cette demande d’information. En agissant avec une telle précipitation, le représentant de l’État a privé l’administré de la possibilité effective de faire valoir l’évolution récente de sa situation. La jurisprudence administrative exige pourtant que l’autorité préfectorale dispose de l’ensemble des éléments utiles avant de statuer sur le droit au séjour d’un étranger. L’omission des pièces transmises par l’intéressé le lendemain de l’édiction de l’acte confirme l’absence de prise en compte des éléments factuels les plus récents.

B. Le défaut d’examen sérieux comme cause d’illégalité de la mesure d’éloignement

L’arrêt souligne que la décision administrative ne statue pas explicitement sur la demande d’admission au séjour initialement présentée par le ressortissant étranger en quête de régularisation. Le défaut d’examen sérieux est caractérisé dès lors que l’administration ignore sciemment les circonstances propres à l’espèce au moment de prendre une décision défavorable. Cette obligation de vigilance constitue une garantie fondamentale pour l’administré, permettant de s’assurer que la mesure d’éloignement ne porte pas une atteinte disproportionnée à ses droits. La méconnaissance de ce principe entraîne nécessairement l’annulation de l’acte, sans qu’il soit besoin pour le juge d’examiner les autres moyens soulevés par la requête. Cette solution rappelle la nécessité d’une instruction contradictoire et complète avant toute décision portant atteinte à la liberté d’aller et venir des individus.

II. La confirmation d’une erreur de droit manifeste quant au régime juridique applicable

A. L’invocation erronée du régime spécifique aux citoyens de l’Union européenne

La cour administrative d’appel de Marseille constate que l’obligation de quitter le territoire français se fonde sur des dispositions réservées exclusivement aux citoyens de l’Union. Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile prévoit en effet un régime distinct pour les ressortissants des États membres de l’organisation européenne. Un ressortissant tunisien ne peut se voir appliquer ces règles spécifiques sans que l’administration ne commette une erreur manifeste dans la qualification juridique des faits. Cette confusion de régimes vicie la substance même de la décision, puisque les critères de menace à l’ordre public diffèrent sensiblement selon la nationalité de l’intéressé. L’autorité préfectorale a ainsi fait application d’une norme incompétente pour régir la situation d’un individu relevant du droit commun des ressortissants de pays tiers.

B. Les conséquences juridiques de l’annulation et l’injonction de réexamen

L’annulation prononcée par la juridiction d’appel emporte l’obligation pour l’administration de replacer le requérant dans une situation de séjour régulier provisoire durant l’instruction de son dossier. La cour ordonne précisément l’effacement du signalement aux fins de non-admission dans le système d’information Schengen afin de restaurer la plénitude des droits de l’intéressé. Cette mesure de remise en l’état est complétée par une injonction de réexamen de la demande de titre de séjour dans un délai de deux mois. Le juge administratif exerce ici son plein pouvoir pour garantir l’effectivité de sa décision et prévenir toute réitération d’une mesure d’éloignement hâtivement décidée. Ce contrôle juridique rigoureux assure la protection des droits individuels face aux erreurs de droit et aux négligences procédurales de l’autorité administrative compétente.

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Hassan KOHEN
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