La Cour administrative d’appel de Marseille, par un arrêt du 8 janvier 2025, précise les conditions de recevabilité des recours contre les mesures d’éloignement. Elle définit également la portée juridique des mentions relatives au séjour contenues dans les obligations de quitter le territoire consécutives au rejet de l’asile. Une ressortissante étrangère a contesté un acte administratif lui imposant de quitter la France dans un délai de trente jours après l’échec de sa protection. Le magistrat désigné du Tribunal administratif de Toulon avait rejeté sa demande initiale pour tardiveté par une ordonnance rendue le 31 juillet 2024. L’intéressée fait valoir que son dépôt d’aide juridictionnelle avait suspendu le délai de recours et invoque la situation médicale précaire de ses enfants. La juridiction d’appel doit se prononcer sur l’effet interruptif de cette aide et sur la réalité des risques encourus en cas de retour forcé. La Cour annule l’ordonnance d’irrecevabilité mais rejette les conclusions au fond en soulignant l’absence de décision de refus de séjour autonome et décisoire.
I. La consécration de la recevabilité du recours et la nature de l’acte administratif
A. L’efficacité de l’effet suspensif attaché à la demande d’aide juridictionnelle
Le juge administratif rappelle que le dépôt d’une demande d’aide juridictionnelle interrompt valablement les délais de recours devant les juridictions de première instance. L’action est alors « réputée avoir été intentée dans le délai si la demande d’aide juridictionnelle s’y rapportant est adressée ou déposée avant l’expiration de ce délai ». En l’espèce, la notification de la mesure est intervenue le 1er juin 2024, ouvrant un délai de contestation fixé à quinze jours seulement par le code. La demande d’aide déposée le 11 juin suivant a donc produit son plein effet interruptif avant la clôture de la période légale de saisine juridictionnelle.
B. Le caractère superfétatoire de la mention relative au droit au séjour
La Cour administrative d’appel de Marseille précise que l’obligation de quitter le territoire n’est pas subordonnée à une décision préalable statuant sur le séjour. Lorsque le ressortissant étranger sollicite uniquement l’asile, l’administration se borne à tirer les conséquences juridiques du rejet définitif opposé par les autorités compétentes. La mention d’un refus de séjour dans le corps de l’arrêté « ne revêt aucun caractère décisoire et est superfétatoire » pour la légalité de l’acte. Cette qualification paralyse les moyens dirigés contre un prétendu refus de séjour dont l’existence même est niée par la logique du droit des étrangers.
II. La validité de l’éloignement au regard de la situation personnelle et familiale
A. L’absence d’atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée
L’examen de la situation familiale ne révèle aucune atteinte manifestement excessive au droit garanti par l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme. La requérante réside en France depuis une date trop récente pour établir une intégration sociale ou privée durable justifiant une protection spécifique contre l’éloignement. Elle ne démontre pas davantage l’impossibilité de reconstituer la cellule familiale dans son pays d’origine avec ses trois enfants mineurs dont elle assure l’éducation.
B. La stricte appréciation des risques de traitements inhumains et de l’état de santé
Le juge écarte les griefs relatifs aux risques personnels et à l’état de santé des enfants en raison de l’insuffisance flagrante des preuves matérielles produites. Concernant le handicap des enfants, la Cour note qu’ils « ont commencé un suivi médical adapté dans leur pays d’origine » avant leur arrivée irrégulière. Les violences conjugales alléguées ne sont pas étayées par des documents probants permettant de renverser l’appréciation portée par l’office de protection des réfugiés. L’arrêté contesté ne méconnaît donc ni l’intérêt supérieur de l’enfant ni l’interdiction de soumettre une personne à des traitements inhumains ou dégradants.