Cour d’appel administrative de Nancy, le 10 juillet 2025, n°23NC01156

La cour administrative d’appel de Nancy a rendu, le 10 juillet 2025, une décision concernant l’application des droits internationaux de l’enfant. Un ressortissant étranger sollicitait la délivrance d’un titre de séjour en qualité de parent d’un enfant de nationalité française résidant sur le territoire national. Le requérant fondait sa demande sur sa qualité de parent d’un enfant français et sur son parcours d’intégration depuis sa minorité. L’autorité administrative a rejeté cette demande en invoquant une menace pour l’ordre public résultant de violences commises au sein du foyer familial. Le tribunal administratif de Besançon a annulé ce refus le 16 mars 2023, conduisant l’administration à former un appel devant la juridiction supérieure. La question posée repose sur la conciliation entre la sécurité publique et l’intérêt supérieur d’un mineur dont le père assure l’éducation effective. La juridiction d’appel confirme la solution des premiers juges en soulignant la réalité des liens entretenus malgré la rupture de la vie commune.

I. La primauté de l’intérêt supérieur de l’enfant dans le contrôle de légalité

A. Une interprétation extensive des stipulations de la convention de New York

Les magistrats rappellent que l’intérêt de l’enfant doit être une « attention primordiale » dans toutes les décisions affectant sa situation personnelle ou familiale. L’article 3 de la convention internationale s’applique aux mesures qui touchent de façon « directe et certaine » les conditions d’existence d’un mineur. L’administration doit procéder à un examen attentif de chaque dossier pour garantir que ses décisions de police ne nuisent pas à l’équilibre familial. Le juge administratif exerce un contrôle rigoureux sur la motivation des actes qui pourraient entraîner une séparation prolongée entre un parent et son enfant. Cette exigence conventionnelle limite le pouvoir discrétionnaire de l’autorité préfectorale en imposant une évaluation concrète des conséquences humaines de toute mesure d’éloignement.

B. Le critère de l’effet direct de la mesure d’éloignement sur le mineur

La solution retenue par la cour administrative d’appel de Nancy confirme que l’éloignement d’un parent étranger impacte nécessairement le quotidien de son enfant. Le refus de séjour prive le mineur de la présence physique et du soutien éducatif indispensables à son développement psychologique et social harmonieux. La protection s’applique à tous les enfants résidant en France, indépendamment de leur nationalité, même si la nationalité française renforce ici le lien territorial. Le juge vérifie si l’administration a commis une erreur manifeste d’appréciation en omettant de prendre en compte la stabilité des relations parentales effectives. L’intérêt supérieur de l’enfant devient ainsi un rempart juridique efficace contre les décisions administratives trop exclusivement fondées sur des critères de police.

II. L’appréciation souveraine de l’investissement parental malgré le trouble à l’ordre public

A. La caractérisation matérielle d’une participation active à l’éducation

L’arrêt se fonde sur des éléments probants tels que des attestations scolaires et des rapports de médiation familiale pour établir l’implication du père. Le requérant assure l’inscription scolaire de son fils et maintient un dialogue constant avec les enseignants pour suivre ses progrès et son intégration. La juridiction relève que « les retrouvailles sont joyeuses et pleines de complicité » lors des visites organisées, témoignant d’un lien affectif préservé et sincère. L’exercice effectif de l’autorité parentale conjointe et la prise en charge de l’enfant durant les fins de semaine confirment l’investissement réel du parent. La preuve d’une contribution aux besoins de l’enfant constitue le pivot central du raisonnement juridique permettant d’écarter la mesure d’obligation de quitter le territoire.

B. La mise en balance des violences conjugales avec la stabilité de l’enfant

L’autorité administrative insistait sur la menace pour l’ordre public représentée par le comportement violent du père envers son ancienne compagne pour justifier l’éloignement. La cour administrative d’appel de Nancy estime cependant que ces agissements, bien que condamnables, ne doivent pas conduire à rompre le lien paternel. La priorité est donnée à la continuité de la relation entre le père et son fils dès lors que l’éducation du mineur est assurée. Le risque de trouble à l’ordre public est ainsi relativisé face à l’exigence supérieure de protection de la vie familiale garantie par les textes. Cette jurisprudence illustre la volonté du juge administratif de privilégier l’intérêt psychologique du jeune enfant sur les impératifs de répression ou de police.

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Hassan KOHEN
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