Cour d’appel administrative de Nancy, le 10 juillet 2025, n°24NC03160

La Cour administrative d’appel de Nancy a rendu, le 10 juillet 2025, une décision importante relative à la suspension d’un agent hospitalier pour défaut d’obligation vaccinale. Une analyste programmeuse contestait la décision d’un établissement de santé suspendant ses fonctions et sa rémunération jusqu’à la présentation d’un justificatif de vaccination contre le virus. Le tribunal administratif avait d’abord rejeté sa demande par une ordonnance, laquelle fut annulée par la juridiction d’appel avant un pourvoi devant le Conseil d’État. Après le renvoi de l’affaire, les juges d’appel doivent déterminer si la mesure de suspension imposée à un agent non soignant est régulière et conventionnelle. La cour annule l’ordonnance initiale pour irrégularité procédurale mais rejette les prétentions de la requérante en confirmant la légalité de la suspension sur le fond.

I. La régularité de la procédure et le champ d’application de l’obligation vaccinale

A. La sanction de l’usage irrégulier de la procédure d’ordonnance par le premier juge

Le juge d’appel censure d’abord l’usage excessif des pouvoirs par le président de la formation de jugement du tribunal administratif de Nancy. En vertu de l’article R. 222-1 du code de justice administrative, le président peut rejeter par ordonnance les requêtes « ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés ». Or, la requérante soulevait des moyens sérieux relatifs à la motivation de l’acte, au champ d’application de la loi et à la conventionnalité de la mesure. Ces arguments n’étaient ni irrecevables ni inopérants, et nécessitaient donc un examen approfondi par une formation de jugement collégiale plutôt qu’une décision solitaire. L’ordonnance du 11 mars 2022 est ainsi annulée car elle a privé l’agent d’un débat contradictoire devant une formation complète de magistrats.

B. L’assujettissement des agents administratifs hospitaliers au régime de l’obligation vaccinale

La juridiction administrative précise ensuite l’étendue du champ d’application de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire. L’agent soutenait qu’en sa qualité d’analyste programmeuse, elle ne devait pas être soumise à une obligation destinée aux personnels de soins. La cour écarte cette interprétation restrictive en soulignant que l’obligation s’impose à « toute personne travaillant régulièrement au sein de locaux relevant d’un établissement de santé ». La nature des fonctions exercées, qu’elles soient médicales ou techniques, est indifférente dès lors que l’activité se déploie dans l’enceinte de l’hôpital. La requérante entrait donc nécessairement dans le champ d’application de la loi en raison de son lieu de travail habituel.

II. La nature juridique de la suspension et sa conformité aux droits fondamentaux

A. Le refus de qualifier la suspension sans traitement de sanction disciplinaire déguisée

L’arrêt définit strictement la nature juridique de la suspension résultant de l’absence de présentation du justificatif vaccinal ou d’un certificat de rétablissement. Cette mesure est la conséquence directe du constat que l’agent ne remplit plus une condition légale nécessaire à l’exercice de son activité professionnelle. Elle ne constitue pas une sanction administrative ou disciplinaire, car elle ne repose pas sur une faute mais sur une situation objective de manquement. Par conséquent, l’administration n’était pas tenue de respecter les garanties procédurales spécifiques à la matière disciplinaire ou le principe du contradictoire préalable. La suspension du traitement n’est que l’accessoire financier obligatoire de l’interdiction d’exercer les fonctions, conformément au principe du service fait.

B. La validation du contrôle de proportionnalité au regard des exigences conventionnelles

Les juges examinent enfin la conventionnalité de la mesure au regard de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme. La vaccination obligatoire est analysée comme une ingérence dans le droit au respect de la vie privée qui doit rester nécessaire et proportionnée. La cour considère qu’il existe un « rapport suffisamment favorable entre […] la contrainte […] et le bénéfice qui en est attendu tant pour cet individu que pour la collectivité ». L’objectif de protection de la santé publique et des personnes vulnérables accueillies dans l’établissement hospitalier justifie pleinement l’atteinte portée à l’intégrité physique. Le préjudice financier résultant de l’interruption de la rémunération ne suffit pas à rendre la mesure disproportionnée au regard de l’urgence sanitaire.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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