Cour d’appel administrative de Nancy, le 10 juillet 2025, n°24NC03163

Par un arrêt rendu le 10 juillet 2025, la Cour administrative d’appel de Nancy se prononce sur la légalité d’une suspension de fonctions pour non-respect de l’obligation vaccinale.

Une aide-soignante travaillant dans un établissement public de santé a été suspendue sans rémunération après avoir refusé de présenter les justificatifs requis par la loi. Le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa requête, puis le Conseil d’État a renvoyé l’affaire devant la cour administrative d’appel de Nancy après l’annulation d’une ordonnance. La requérante conteste la régularité de cette décision administrative en invoquant notamment une violation de son droit à la vie privée et de sa liberté individuelle. L’administration soutient au contraire que la suspension constitue une mesure de police sanitaire nécessaire dont la compétence appartenait au directeur de l’établissement hospitalier concerné par le litige. La juridiction doit déterminer si la suspension d’un agent public hospitalier dépourvu de schéma vaccinal complet porte une atteinte disproportionnée aux principes de valeur constitutionnelle et conventionnelle. La cour juge que l’obligation vaccinale « ne méconnaît pas le droit à l’intégrité physique garanti par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme » en l’espèce. L’examen de la régularité procédurale de la mesure précédera l’analyse de la proportionnalité de l’atteinte portée aux droits fondamentaux de l’agent public par l’administration hospitalière.

**I. La régularité procédurale de la mesure de suspension**

**A. L’inapplicabilité de la procédure contradictoire préalable**

La requérante dénonçait l’absence de procédure contradictoire avant l’édiction de sa suspension, affirmant que cette formalité constituait une garantie essentielle pour tout agent de la fonction publique. Le juge administratif rejette cet argument en rappelant que le code des relations entre le public et l’administration exclut explicitement ce débat pour les décisions concernant les agents. La décision précise que ce moyen « ne peut qu’être écarté » puisque le législateur a instauré un régime spécifique pour la gestion des crises sanitaires d’ampleur exceptionnelle. Cette solution confirme que la suspension pour défaut de vaccination échappe aux règles classiques de la procédure disciplinaire malgré l’impact financier majeur subi par le professionnel concerné. La validité de la décision repose également sur le respect des conditions de forme et de compétence dont le juge vérifie méticuleusement la réunion lors de son contrôle.

**B. La validité formelle de l’acte administratif**

La cour vérifie si l’auteur de l’acte disposait d’une délégation de signature régulière et si les motifs de la mesure étaient clairement explicités dans le document notifié. Le juge constate que le directeur délégué agissait dans le cadre de ses attributions en s’appuyant sur une délégation de signature publiée au recueil des actes administratifs. L’arrêt affirme que l’agent « n’est pas fondée à soutenir que cette décision serait insuffisamment motivée » car elle indiquait les textes applicables et les circonstances de fait. Cette validation formelle de l’acte permet à la juridiction administrative d’aborder l’examen au fond de la mesure dont la proportionnalité demeure la question centrale du présent contentieux.

**II. La proportionnalité de l’atteinte aux droits fondamentaux**

**A. La justification par l’impératif de santé publique**

Le droit au respect de la vie privée inclut l’intégrité physique mais autorise des restrictions dès lors qu’elles sont prévues par la loi et justifiées par la santé. La cour considère que « le champ de cette obligation apparaît ainsi cohérent et proportionné au regard de l’objectif de santé publique poursuivi » par les autorités nationales françaises. L’efficacité reconnue de la vaccination et l’urgence sanitaire légitiment la contrainte imposée aux soignants en contact étroit avec des patients fragiles au sein des établissements de santé. Le juge administratif écarte ainsi le grief de violation de la convention européenne en raison de l’intérêt supérieur attaché à la protection sanitaire de l’ensemble de la collectivité. L’analyse de la proportionnalité conduit enfin le juge à écarter la qualification de sanction disciplinaire pour retenir celle d’une simple mesure administrative découlant de la loi applicable.

**B. L’absence de caractère sanctionnateur de la suspension**

L’agent prétendait que sa suspension constituait une sanction disciplinaire déguisée en raison de l’interruption immédiate de son traitement et de l’interdiction d’exercer son activité professionnelle d’aide-soignante. L’arrêt réfute cette analyse en expliquant que la mesure résulte du seul constat que l’agent ne remplit plus une condition légale indispensable à l’exercice de ses fonctions habituelles. Le juge énonce que « cette décision n’a dès lors pas le caractère d’une sanction administrative » et ne requiert pas l’application des garanties procédurales propres au droit disciplinaire. Le rejet final des conclusions de la requérante s’inscrit dans la jurisprudence administrative validant la gestion de la crise sanitaire malgré les critiques portant sur sa rigueur exceptionnelle.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture