Par un arrêt du 11 février 2025, la Cour administrative d’appel de Nancy statue sur la responsabilité d’une collectivité suite à un accident de la circulation. Un jeune cycliste a été percuté par un véhicule alors qu’il s’engageait sur une route départementale depuis une voie privée ouverte à la circulation publique. L’assureur du conducteur a sollicité l’indemnisation des préjudices subis auprès de la commune et de la société publique locale chargée de l’aménagement du quartier concerné. Le tribunal administratif de Strasbourg ayant rejeté cette demande en première instance, le requérant a interjeté appel afin d’obtenir la condamnation solidaire des deux entités défenderesses. La question posée aux juges consistait à déterminer si la présence d’herbes hautes et l’absence de signalisation spécifique constituaient une faute engageant la responsabilité de la puissance publique. La juridiction d’appel rejette la requête en considérant que les pouvoirs de police ont été exercés et que l’entretien de la voirie ne présentait aucune défectuosité.
I. Une délimitation stricte des compétences de voirie et de police
A. L’indépendance de la gestion domaniale et des pouvoirs de police du maire
La Cour rappelle que le département demeure seul compétent pour opérer les travaux d’entretien de son domaine routier, même à l’intérieur du périmètre des agglomérations urbaines. Toutefois, cette compétence domaniale ne saurait faire obstacle aux prérogatives du maire, lequel demeure seul compétent pour assurer la sécurité des usagers par sa police. Le juge précise ainsi que « le maire d’une commune est seul compétent, dans le cadre de ses pouvoirs de police de la circulation, pour décider de la mise en place de dispositifs de sécurité ». Cette dualité impose de distinguer les dommages résultant d’un défaut matériel de l’ouvrage de ceux découlant d’une carence dans l’exercice des pouvoirs de surveillance. En l’espèce, la responsabilité de la seule commune peut être recherchée si le dommage trouve son origine dans l’absence de mise en œuvre de ces mesures de police.
B. L’absence d’obligation d’entretien communal sur les dépendances d’autrui
Le litige portait également sur l’entretien d’une allée privée qui n’avait pas encore fait l’objet d’une rétrocession définitive dans le patrimoine de la collectivité locale. Le juge administratif considère que le moyen tiré du défaut d’entretien normal d’un ouvrage public ne peut être utilement invoqué pour une voie demeurant juridiquement privée. Bien que l’allée soit ouverte à la circulation publique, la commune n’en assurait pas l’entretien effectif et n’était donc pas tenue aux obligations incombant normalement au propriétaire. La Cour souligne que la responsabilité communale ne peut davantage être engagée sur le fondement d’une carence à instituer des servitudes de visibilité sur des voies n’appartenant pas à son domaine. Cette délimitation théorique des compétences étant établie, il convient alors d’examiner l’application concrète des règles de responsabilité aux faits matériels relatés durant l’instruction de l’affaire.
II. Une exonération de responsabilité fondée sur la réalité des circonstances matérielles
A. La démonstration d’un entretien normal par une visibilité préservée
L’assureur soutenait que la présence de hautes herbes sur les accotements avait masqué le cycliste et empêché le conducteur du véhicule utilitaire de l’apercevoir à temps. Les magistrats écartent cet argument en s’appuyant sur les constatations matérielles du rapport d’enquête de la gendarmerie nationale établi immédiatement après la survenance du sinistre. Il résulte de l’instruction que le carrefour était parfaitement visible grâce à une signalisation adéquate et que les accotements avaient été fauchés sur une largeur suffisante. La Cour affirme que la réalisation d’un fauchage complémentaire dans les jours suivant l’accident « n’est pas de nature à révéler un défaut d’entretien » imputable à la commune. Le juge estime que la visibilité était correcte pour tout usager vigilant, ce qui exclut l’existence d’une faute dans l’aménagement ou la surveillance des lieux de l’accident.
B. L’imprudence de la victime comme cause déterminante du dommage
Le rejet de la demande indemnitaire se fonde également sur l’analyse du comportement du jeune cycliste lors de son insertion sur la voie de circulation principale. Les témoignages recueillis confirment que la victime n’a pas respecté la signalisation imposant un arrêt absolu avant de s’engager sur l’avenue bordée par les habitations. La juridiction note expressément que « la victime, qui avait un comportement imprudent, a franchi l’intersection sans marquer l’arrêt au stop » situé à l’extrémité de l’allée. Cette faute de la victime présente un caractère déterminant dans la réalisation du dommage et suffit à exonérer la puissance publique de toute responsabilité éventuelle. Le conducteur du véhicule a par ailleurs déclaré n’avoir été gêné par aucun obstacle visuel particulier au moment où le choc s’est produit avec le cycliste. La Cour administrative d’appel de Nancy livre ainsi une application rigoureuse des principes régissant la responsabilité pour défaut d’entretien normal de la voirie publique.