Cour d’appel administrative de Nancy, le 11 mars 2025, n°24NC01131

La cour administrative d’appel de Nancy a rendu, le 11 mars 2025, un arrêt relatif au droit au séjour des ressortissants étrangers. Un préfet avait refusé de délivrer un titre de séjour à une ressortissante congolaise présente sur le territoire national depuis 2017. L’intéressée se prévalait d’une intégration sociale et professionnelle ainsi que de la présence de ses enfants scolarisés en France.

Le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande d’annulation par un jugement rendu le 9 avril 2024. La requérante a alors interjeté appel devant la juridiction supérieure en invoquant notamment la violation de l’article 8 de la convention européenne. La question posée aux juges consistait à déterminer si le refus de séjour portait une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale.

La cour administrative d’appel fait droit à cette requête et annule les décisions administratives contestées par l’intéressée. Elle estime que « la décision de refus de titre de séjour a, dans les circonstances très particulières de l’espèce, porté une atteinte disproportionnée ». L’analyse de cette solution permet de mettre en lumière l’intégration sociale de la requérante ainsi que le contrôle de proportionnalité exercé par le juge.

I. L’affirmation d’une intégration sociale et familiale solidement établie

A. La preuve d’une insertion durable par le travail et l’engagement associatif Le juge administratif souligne la stabilité de la présence de l’intéressée qui résidait en France depuis plus de six ans. Cette durée de séjour constitue un élément fondamental pour apprécier l’intensité des liens personnels noués avec la société d’accueil. La requérante a démontré une participation active à la vie associative locale, notamment au sein d’un mouvement de jeunesse reconnu.

Son intégration par le travail est également relevée par la cour pour justifier la protection au titre de la vie privée. Elle a fréquemment exercé une activité professionnelle en qualité de femme de ménage, produisant ainsi des contrats de travail réguliers. L’autorité administrative n’avait pas contesté ces éléments factuels lors de l’instruction de la demande de titre de séjour.

B. La préservation de l’unité familiale au regard des perspectives de scolarité La scolarisation des enfants constitue un critère décisif dans l’appréciation portée par les magistrats de la cour administrative d’appel. L’un des fils, inscrit dans une formation d’enseignement supérieur, bénéficiait d’ailleurs d’un titre de séjour valable pour plusieurs années. Cette situation singulière renforçait la cohérence du maintien de l’unité familiale sur le sol français pour les prochaines années.

Le décès de sa mère et la disparition du père de ses enfants rendaient une réinstallation dans son pays d’origine impossible. Le juge administratif conclut alors à l’existence de « circonstances très particulières de l’espèce » justifiant une dérogation aux règles habituelles. L’annulation de la décision initiale apparaît comme la conséquence logique de ce constat d’une insertion réussie et irréversible.

II. La sanction d’une erreur d’appréciation manifeste au regard de la convention européenne

A. La reconnaissance d’une atteinte disproportionnée aux intérêts privés de la requérante La cour applique rigoureusement les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme. Elle doit arbitrer entre les impératifs de l’ordre public migratoire et le droit fondamental au respect de la vie familiale. Dans cette affaire, l’équilibre penche nettement en faveur de la protection de l’individu face à l’administration territoriale.

Le raisonnement des juges d’appel censure ainsi l’erreur commise par le tribunal administratif lors de son premier examen du dossier. L’annulation prononcée repose sur le constat que l’atteinte portée aux intérêts personnels de la requérante excédait les buts légitimes poursuivis. Cette décision illustre la volonté du juge d’exercer un contrôle concret et approfondi sur les mesures d’éloignement.

B. L’exercice effectif du pouvoir d’injonction pour garantir le respect de la légalité L’annulation du refus de séjour entraîne mécaniquement celle de l’obligation de quitter le territoire français ainsi que de la destination. Le juge administratif assure ainsi une protection juridique complète et effective contre les effets d’une décision reconnue illégale. La cour enjoint enfin à l’administration de procéder à un nouveau réexamen de la situation de l’intéressée dans un délai fixé.

La portée de cet arrêt réside dans la confirmation d’une jurisprudence protectrice des étrangers dont l’intégration est ancienne et documentée. Le versement d’une somme au titre des frais d’instance vient parachever la reconnaissance des droits de la partie requérante. La décision rappelle que l’administration doit toujours adapter ses mesures aux réalités humaines et sociales des administrés.

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Hassan KOHEN
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