La Cour administrative d’appel de Nancy a rendu le 13 mai 2025 une décision fondamentale relative au droit au séjour des ressortissants étrangers. Une mère et sa fille contestaient le rejet de leurs requêtes par le tribunal administratif de Strasbourg dans un jugement du 11 avril 2024. La fille, arrivée sur le territoire national à quatorze ans, a réalisé un parcours scolaire exemplaire au sein de l’institution publique française. La problématique juridique porte sur la reconnaissance d’un droit au séjour fondé sur l’intégration académique et le respect de la vie familiale. La juridiction d’appel annule les décisions de l’autorité préfectorale en retenant l’erreur manifeste d’appréciation et la méconnaissance de la convention européenne. L’analyse de cette solution impose d’étudier la valorisation de l’excellence académique avant d’envisager la protection subséquente de la cellule familiale indivisible.
I. La consécration d’un parcours d’intégration académique d’excellence
A. Le constat d’une insertion sociale par la réussite scolaire
L’admission exceptionnelle au séjour permet à l’administration de régulariser la situation d’un étranger justifiant de motifs particulièrement sérieux ou de considérations humanitaires. En l’espèce, la requérante a « obtenu le 9 juillet 2018 le diplôme national du brevet, avec la mention bien » avant d’obtenir son baccalauréat. Son parcours scolaire témoigne d’une volonté d’intégration remarquable qui dépasse largement les critères habituels de simple présence sur le territoire national français. Le juge administratif valide cette insertion en soulignant que l’étudiante parle le français couramment et présente désormais de « très bonnes perspectives d’insertion ». Cette appréciation souveraine des faits permet de corriger une lecture trop rigide des conditions de séjour par l’autorité préfectorale compétente.
B. L’impossibilité d’une réinsertion universitaire dans le pays d’origine
La poursuite d’études supérieures entamées avec succès en France constitue un obstacle légitime à une mesure d’éloignement vers le pays de naissance. Ayant validé une première année de licence, l’étudiante se trouve engagée dans un cycle académique spécifique dont l’équivalence n’est pas garantie à l’étranger. La juridiction affirme avec force qu’elle « ne peut les poursuivre au Kosovo » au regard de la nature même de ses études anglophones. Cette rupture brutale d’un cursus universitaire cohérent caractérise une erreur manifeste d’appréciation de la part de l’administration lors de l’examen du dossier. La protection du parcours intellectuel de la jeune majeure devient ainsi un rempart efficace contre une application mécanique des règles de l’éloignement.
II. La préservation de l’unité familiale face aux mesures d’éloignement
A. L’interdépendance des droits au séjour au sein du noyau familial
L’annulation du refus de séjour opposé à la fille majeure emporte des conséquences juridiques nécessaires sur la situation administrative de sa mère. La cellule familiale est réduite à ces deux seules personnes dont la cohabitation stable sur le territoire français est établie depuis plusieurs années. La cour relève que la mère est « séparée du père de sa fille depuis de nombreuses années » et ne dispose d’aucun soutien. En reconnaissant le droit au séjour de la descendante, le juge prive de base légale les motifs justifiant initialement l’éloignement de l’ascendante. Cette approche globale assure la cohérence du contrôle juridictionnel en évitant la dislocation injustifiée d’une famille nucléaire parfaitement insérée socialement.
B. La sanction d’une atteinte disproportionnée au droit à la vie privée
La protection de la vie privée et familiale garantie par la convention européenne de sauvegarde fait obstacle à une mesure d’éloignement injustifiée. Les magistrats considèrent que les arrêtés contestés « portent, dans les circonstances particulières de l’espèce, à son droit au respect de sa vie privée ». L’absence d’attaches familiales effectives dans le pays d’origine renforce le caractère disproportionné de l’atteinte portée par l’autorité administrative aux droits fondamentaux. Le juge impose donc la délivrance d’un titre de séjour pour mettre fin à une situation de précarité juridique manifestement contraire à l’équité. La juridiction d’appel confirme ici son rôle de gardien des libertés en veillant à la proportionnalité des mesures de police des étrangers.