Cour d’appel administrative de Nancy, le 13 mars 2025, n°23NC00894

La cour administrative d’appel de Nancy a rendu, le 13 mars 2025, un arrêt relatif à la légalité d’un refus de titre de séjour. Un ressortissant étranger est entré sur le territoire national en septembre 2018 avant de contracter mariage avec une résidente régulière en février 2019. De cette union est née, l’année suivante, une enfant dont le requérant s’occupe régulièrement selon les témoignages de professionnels de santé. Par un arrêté du 22 décembre 2021, l’autorité administrative a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l’a obligé à quitter le territoire. Saisi d’une demande d’annulation, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la requête par un jugement rendu en date du 31 mai 2022. Le requérant a alors interjeté appel devant la juridiction supérieure en invoquant notamment la violation de son droit au respect de la vie privée. Il appartient aux juges d’appel de déterminer si la présence d’attaches familiales fortes impose la délivrance d’un titre de séjour malgré l’absence de revenus. La cour administrative d’appel de Nancy censure le jugement de première instance en estimant que l’arrêté porte une atteinte disproportionnée aux droits garantis par les conventions. L’analyse portera d’abord sur la reconnaissance d’une vie familiale effective avant d’examiner la rigueur du contrôle de proportionnalité exercé par le juge administratif.

I. L’affirmation d’une vie familiale effective et stable

A. La caractérisation de liens familiaux réels et constants

La juridiction d’appel souligne que l’intéressé justifie d’une insertion familiale solide caractérisée par un mariage durable et la naissance d’un enfant sur le sol français. Elle relève que le requérant participe activement à l’éducation de sa fille, citant des preuves concrètes émanant de la crèche et d’une pédiatre. L’arrêt précise à cet égard « qu’il s’en occupe régulièrement » et qu’il entreprend des efforts d’intégration en suivant assidûment des cours de langue française. L’existence d’une cellule familiale cohérente constitue le socle de la protection juridique accordée par la cour au titre de la vie privée et familiale.

B. L’indifférence de la précarité économique sur le lien affectif

L’autorité administrative ne saurait valablement opposer l’absence d’emploi pour nier la réalité de l’investissement parental auprès de l’enfant mineur dans le cadre de cette instance. Les juges considèrent que l’absence de contribution financière à l’entretien de sa famille ne suffit pas à occulter l’intensité des liens affectifs et la présence quotidienne. Cette approche privilégie la réalité matérielle du lien familial sur les critères économiques souvent mis en avant par l’administration pour justifier les mesures d’éloignement. La cour refuse ainsi de conditionner le droit au respect de la vie familiale à la seule réussite professionnelle du ressortissant étranger.

II. La sanction d’une ingérence disproportionnée dans le droit au séjour

A. L’autonomie du droit au respect de la vie privée et familiale

La juridiction d’appel écarte l’argumentation selon laquelle l’étranger pourrait solliciter le bénéfice du regroupement familial pour régulariser ultérieurement sa situation administrative sur le territoire. Elle affirme avec force que cette circonstance « ne saurait, par elle-même, intervenir dans l’appréciation portée par l’administration sur la gravité de l’atteinte » à la vie familiale. Les juges rappellent ainsi que la protection offerte par la convention européenne ne peut être différée au profit d’une procédure administrative qui resterait hypothétique. L’appréciation de la légalité de l’acte s’effectue au regard de la situation concrète de l’intéressé au jour de la décision contestée.

B. L’annulation et l’injonction de délivrance du titre de séjour

La décision conclut au caractère disproportionné de l’atteinte portée aux buts en vue desquels l’arrêté de refus de séjour a été initialement pris par l’administration. En conséquence, le juge administratif prononce l’annulation des actes contestés et ordonne au représentant de l’Etat de délivrer une carte de séjour temporaire. Cette injonction marque la pleine effectivité du contrôle juridictionnel en interdisant à l’autorité de police des étrangers d’opposer à nouveau un refus sur les mêmes bases. Le rétablissement de la légalité impose ici une mesure positive de régularisation pour garantir le maintien de l’unité de la cellule familiale.

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Hassan KOHEN
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