Cour d’appel administrative de Nancy, le 16 septembre 2025, n°22NC01347

La Cour administrative d’appel de Nancy a rendu, le 16 septembre 2025, une décision précisant les conditions d’engagement de la responsabilité pour défaut d’entretien normal. Un conducteur de cyclomoteur fut grièvement blessé lors d’une collision avec un autocar survenu à l’intersection d’une voie communale et d’une route départementale. La société d’assurance, subrogée dans les droits de la victime, a sollicité la condamnation solidaire de la commune et du département à réparer les préjudices. Le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté cette demande par un jugement en date du 18 mars 2022 dont la société requérante a interjeté appel. Les juges d’appel annulent d’abord le jugement pour irrégularité dès lors que l’employeur public de la victime n’avait pas été appelé en déclaration de jugement commun. La juridiction administrative devait déterminer si la configuration dangereuse d’une intersection engage la responsabilité de la collectivité malgré l’imprudence caractérisée de l’usager de la voie. La Cour retient la responsabilité de la commune à hauteur de moitié en raison d’un aménagement insuffisant tout en soulignant les fautes commises par le conducteur. Il convient d’analyser l’engagement de la responsabilité pour défaut d’entretien normal (I) avant d’étudier l’atténuation de l’obligation indemnitaire résultant du comportement de la victime (II).

I. L’engagement de la responsabilité pour défaut d’entretien normal de l’ouvrage public

A. La caractérisation d’un aménagement routier défectueux

La Cour administrative d’appel de Nancy souligne que « la configuration du carrefour où s’est produit l’accident présentait des gênes pour la visibilité et la sécurité ». Les juges relèvent que l’intersection forme un virage en s dont la visibilité est obérée par un immeuble rendant son franchissement particulièrement accidentogène pour l’usager. « L’absence de marquage au sol » sur la bande de roulement est également pointée car elle incite les conducteurs à traverser le croisement de façon rectiligne. La signalisation existante est jugée insuffisante puisque « la seule limitation de vitesse à 30 km/h est à elle-seule insuffisante à garantir la sécurité » des citoyens circulant. Ces éléments matériels suffisent à caractériser un défaut d’entretien normal de l’ouvrage public dès lors que les aménagements ne permettent pas de prévenir les risques.

B. L’imputabilité exclusive de la charge d’entretien à la commune

Le juge administratif écarte la responsabilité du département car celui-ci a réalisé des aménagements matérialisés par l’installation de signaux de cédez-le-passage sur sa propre voie. En revanche, le défaut de signalisation sur la voie communale est « de nature à engager la responsabilité de la commune pour défaut d’entretien normal de l’ouvrage ». La personne publique chargée de la gestion de l’ouvrage doit rapporter la preuve d’un entretien normal pour s’exonérer de sa responsabilité sans faute envers l’usager. La décision précise que « la société d’assurance n’a pas à établir une faute lourde » dès lors que le dommage résulte d’un défaut technique de la voirie. Cette solution confirme l’obligation pour chaque collectivité de veiller à la sécurité des passages situés sur son domaine public routier respectif conformément au code de la voirie.

II. L’atténuation de l’obligation indemnitaire par le comportement de la victime

A. Une faute d’imprudence caractérisée par la connaissance des lieux

La responsabilité de l’administration est toutefois limitée par l’imprudence fautive de la victime qui « connaissait parfaitement le carrefour litigieux et donc ses contraintes de visibilité ». Le conducteur du cyclomoteur circulait à une vitesse excessive et a traversé l’intersection promptement sans tenir compte du danger manifeste qu’il ne pouvait ignorer. Les constatations matérielles révèlent en outre que l’intéressé « n’avait pas attaché son casque » au moment de la collision violente intervenue avec le véhicule de transport. Ces comportements constituent des fautes d’imprudence ayant contribué à la réalisation du dommage corporel subi par l’usager lors de l’utilisation de l’ouvrage public communal. La Cour décide ainsi d’exonérer la commune « à hauteur de 50 % seulement des conséquences dommageables » après avoir évalué l’influence respective de chaque cause.

B. Le maintien d’un lien de causalité malgré les négligences de l’usager

Malgré ces négligences graves, le lien de causalité entre le défaut d’aménagement et l’accident n’est pas rompu car le risque demeurait structurellement présent pour tout usager. Les experts soulignent que « même à très faible allure l’accident est inévitable compte tenu de la configuration du croisement » qui empêche toute anticipation réelle des mouvements. Le conducteur de l’autocar n’avait aucune possibilité d’apercevoir le cyclomoteur débouchant sur sa gauche tandis que ce dernier subissait l’occultation visuelle d’un bâtiment voisin. La faute de la victime « n’est pas de nature à détacher complètement le lien de causalité » unissant le défaut d’entretien normal au préjudice subi par les requérants. Cette appréciation souveraine permet d’assurer une indemnisation partielle des préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux subis par la victime directe ainsi que par ses ayants droit.

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Hassan KOHEN
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